Comment estimer au mieux le nombre d’élèves qui déjeuneront au restaurant scolaire un jour donné, alors que les commandes d’ingrédients doivent se faire plusieurs semaines à l’avance ? La question est d’importance quand on sait que 15 000 à 16 000 repas sont servis tous les jours dans les restaurants scolaires de la Ville de Nantes. Les agents de la restauration scolaire sont les plus à même d’y répondre, et c’est leur expérience qui leur permet de limiter le gaspillage alimentaire.
La collectivité a souhaité les aider dans leurs décisions. L’idée : mettre au point une intelligence artificielle (IA). « Avec cette IA, il s’agissait de mieux anticiper les commandes auprès des producteurs locaux, et adapter la production de la cuisine centrale », précise Florent Bedecarrats, à la direction des ressources numériques de Nantes Métropole.
L’enjeu était aussi social car la collectivité pratique une politique de table ouverte, qui permet aux enfants de s’inscrire le matin pour le midi. Cette flexibilité favorise l’accès de tous les enfants à une alimentation équilibrée.
Une aide à la décision
La mise au point de l’IA dédiée à la restauration scolaire s’est étalée sur un an, entre janvier et décembre 2020. « Le projet était possible car nous disposions déjà de données sur 10 ans, collectées par la restauration scolaire », explique le technicien. Deux entreprises nantaises, Verteego et Maestria, par ailleurs membre de NaonedIA, collectif nantais pour une IA responsable et éthique, ont été associées à ce « chantier numérique ».
Résultat des courses ? « En faisant des simulations sur 2018-2019 avec notre modèle de prédiction, on passe de 9,6 % de repas préparés en trop à 6,5 %, soit 430 repas en trop évités par jour », indique Florent Bedecarrats, soulignant que l’IA « vise à donner aux agents du confort, les sécurise dans leurs prévisions. On ne remplace pas les agents – qui sont bien les seuls à connaître la réalité du terrain et pouvoir réagir aux aléas ! – mais on les aide ».
Éthique et transparence
Présentée à l’occasion des un an de la Charte de la donnée (lire ci-dessous), l’IA pourrait encore être améliorée dans les prochains mois. « Notre démarche est ouverte, avec les données et le code source sous licence libre, la publication d’un rapport, pour permettre à d’autres territoires de reprendre ce travail et de l’enrichir », explique Claire Sacheaud, administratrice générale de la donnée à Nantes Métropole, évoquant « une logique de bien commun ».
Et si l’expérimentation n’est pas encore déployée sur le terrain, elle illustre déjà comment la collectivité peut innover dans le domaine de la donnée dans un cadre éthique, tel qu’il est explicité dans la charte métropolitaine : respect des données personnelles, transparence du fonctionnement de l’IA, format libre et ouvert... « La charte n’est pas qu’une déclaration d’intention, cette expérimentation est une manière de traduire concrètement nos principes », conclut Claire Sacheaud.
Charte métropolitaine de la donnée : une bougie et des actions tous azimuts
Le Salon de la data 2020, le 15 décembre, a été l’occasion pour Nantes Métropole de présenter les actions conduites depuis le lancement, un an plus tôt, de la charte métropolitaine de la donnée, première charte éthique rendue publique en France par une collectivité locale pour protéger les citoyens et réguler l'utilisation des données sur le territoire. Plus d’une cinquantaine d’entreprises locales ou nationales se sont engagées dans la démarche.
Les actions réalisées ou en cours concernent aussi bien la sécurité, l’hébergement et la gestion des données, que la sobriété énergétique, la transparence et la gouvernance, l’innovation. Parmi elles, la publication du code de certains algorithmes pour mieux comprendre comment sont prises les décisions au service de la transparence de l’action publique, une mise en place progressive de clauses sur les données dans les contrats de la collectivité pour décliner les principes de la charte, des premières actions en matière d’éducation populaire à la donnée à destination des adolescents, la formation de 150 cadres aux enjeux actuels de la donnée dans leurs métiers, l’hébergement en interne des applications utilisées par la collectivité… « L’ensemble de ces actions permet de consolider la structuration d’un véritable service public de la donnée », conclut Claire Sacheaud, administratrice générale de la donnée à Nantes Métropole.