Ateliers du bac : quand des lycéens affinent leur art oratoire

NI« Que pourrait-on dire de cette lecture ? Avez-vous des remarques qui aideraient Nino à faire encore mieux ? » Sur la scène du Théâtre du Sphinx à Nantes, la comédienne Anne Le Guernec apostrophe la soixantaine d’élèves installés dans les fauteuils rouges. À ses côtés Nino, 17 ans, est le premier à lire devant ses camarades. Ce lundi 3 mars, deux classes de première STMG (management et gestion) du lycée la Herdrie à Basse-Goulaine participent à la quatrième édition des Ateliers du bac. Depuis quatre ans, à l’initiative des espaces culturels E.Leclerc, des comédiens et comédiennes professionnels rencontrent des lycéens pour les aider à préparer les épreuves orales du bac de français.

Sur scène, Anne Le Guernec lit les textes au programme : Olympe de Gouges, Arthur Rimbaud, l’Abbé Prévost, Nathalie Sarraute. Puis c’est au tour des élèves de s’exercer à l’art oratoire. Sur les planches, Julie s’attaque à la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne d’Olympe de Gouges. Sa voix est basse mais posée. « C’est comme si tu avais une pudeur, elle est très belle, mais tu peux la dépasser. Projette ta voix ! » la guide Anne Le Guernec. « Au début c’est stressant, puis on rentre dans le personnage, témoigne l’adolescente à la fin de l’atelier. C’est une chance d’avoir une comédienne pour nous donner des conseils et cela va m’être utile pour les épreuves. »

Élocution, posture et liaisons

Les Ateliers du bac sont nés du festival Culturissimo, qui propose dans toute la France des lectures par des comédiens et comédiennes renommés. « Nous souhaitions nous adresser à un public plus jeune, explique Marie-José Cégara, responsable du festival. Nous avons donc créé une troupe, les Ateliers du bac. » Dans le théâtre, Anne Le Guernec conseille Salomé qui s’attaque au poème de Rimbaud Vénus Anadyomène. Un texte cru et difficile. « Tu es très mature dans ta lecture », complimente-t-elle. Pour la comédienne, qui participe pour la troisième année, ces rencontres sont « un moyen de faire toucher du doigt le plaisir du théâtre et de la lecture, c’est toujours très beau quand un élève se livre à l’œuvre, même si ce n’est que sur quelques phrases. »

Quelques conseils sur l’élocution, la posture et les liaisons plus tard, la rencontre prend fin. Dhekra Haouachi, professeure de français, s’adresse aux élèves : « Qu’avez-vous apprécié ? », après un silence, les réponses fusent : « Que l’on nous mette vraiment en situation, pour savoir quoi faire le jour J », témoigne un élève assis au fond de la salle. « Anne Le Guernec a très bien su nous aider si nous avions des difficultés », abonde Matis, qui s’était attaqué sur scène au dialogue de Pour un oui ou pour un non de Nathalie Sarraute. Pour la comédienne, « venir vers un public jeune est nécessaire, ils ont accès facilement au cinéma, à l’image, aux séries. Ici nous sommes dans le concret et je souhaite leur transmettre la beauté du théâtre. »

Confiance en soi

Alors que les adolescents quittent le théâtre, la professeure de français se réjouit : « C’est une petite parenthèse enchantée dans les cours. Nous avons volé ce temps pour permettre aux élèves de faire cet exercice exigeant, qui demande des compétences de lecture, de compréhension mais aussi de confiance en soi. » Pour elle, permettre aux élèves de travailler avec une comédienne est une chance. « Ils prennent la mesure de la dimension de mise en scène quand ils lisent un texte dans ces conditions. »

Il est 16h30, les deux classes se retrouvent dans le hall pour boire un jus de fruit et manger une madeleine. « C’était stressant, j’ai cru que j’allais me faire interroger pendant toute la séance, confie Nathan. J’étais content de ne pas monter sur scène, tu peux vite avoir honte si tu bégayes ou que ta langue fourche » A-t-il malgré tout apprécié l’expérience ? « J’ai trouvé cela très intéressant et j’ai appris beaucoup de choses que je ne savais pas, comme lire les alexandrins. C’est super d’avoir une comédienne pour nous aider, elle en a fait son métier, elle sait ce qu’elle fait et nous le transmet ». Marie-José Cégara et son équipe rangent la salle. Vendredi, ils rencontreront des élèves d’Avranches, cette fois avec le comédien Maxime Taffanel.