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Mineurs victimes de violences sexuelles : « Il faut sortir du déni »

Publié le 16 septembre 2024

Chaque année en France, 160 000 enfants sont victimes de violences sexuelles. À Nantes, l’association SOS Inceste & Violences Sexuelles offre depuis 30 ans un espace d’écoute et d’accompagnement aux victimes et à leurs proches. Entretien avec Cathy Milard, sa directrice.

Catherine Millard, directrice de SOS inceste ©Christiane Blanchard
Catherine Millard, directrice de SOS inceste ©Christiane Blanchard

Combien de mineurs sont victimes de violences sexuelles aujourd’hui en France ?

Selon la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise), 160 000 enfants sont victimes de violences sexuelles chaque année en France. Une personne sur dix est concernée par l’inceste. On parle de 2 à 3 enfants par classe de CM2. Les premières agressions ont lieu en moyenne à 8 ans et les victimes sont en grande majorité des filles. Notre association a accompagné plus de 600 personnes : 85 % sont des femmes, âgées de 35 ans en moyenne. La plupart ont vécu l’inceste et poussent la porte de l’association après une période d’amnésie traumatique. Les violences sexuelles sont commises à 80 % dans le cadre familial mais on les rencontre également dans le sport, l’église ou certaines institutions.

Édouard Durand, magistrat et ex-coprésident de la Ciivise, parle de déni social. Vous partagez ce constat ?

Nous partageons ce constat même si l’on observe une évolution de la société ces dernières années, en particulier depuis le livre La Familia grande de Camille Kouchner (sorti en 2021, l’autrice y révèle l’inceste commis par le politologue Olivier Duhamel sur son beau-fils, NDLR). Avec l’affaire Duhamel, la société a pris conscience de l’ampleur de ce fléau dans toutes les strates de la société même les plus hautes. À la suite de cette publication, le nombre d’appels a doublé à l’association. Des proches nous ont contacté pour nous parler des victimes en soulignant la toujours puissante loi du silence au sein des familles. La Ciivise a été créée et une loi adoptée au printemps 2021, attendue depuis des années par les différentes associations, fixe désormais l’âge du consentement sexuel à 15 ans. Mais 70 % des plaintes pour agressions sexuelles sur mineurs sont toujours classées sans suite. La parole des enfants est encore remise en cause avec le concept de l’aliénation parentale (c'est le processus où l'enfant est amené par un parent, de façon plus ou moins subtile, à partager un ensemble d'idées et de perceptions fausses, déformées ou exagérées sur l'autre parent) et les séquelles de l’affaire Outreau (où 13 personnes avaient été accusés à tort de maltraitance).

Pour les victimes, quels sont les symptômes post-traumatiques ?  

Les conséquences du psychotraumatisme sont psychiques, corporelles et sociales. Parmi les symptômes, on retrouve la dépression, les tentatives de suicide, l’anorexie, la boulimie, l’automutilation, la consommation d’alcool et de stupéfiants, les fugues, la prostitution… Quand on parle de déni de société, on parle de déni de justice mais aussi d’un manque de prévention auprès des enfants et d’un manque de moyens pour les structures et les associations qui accompagnent les personnes victimes de violences sexuelles. Une prise en charge adaptée de ces enfants et de ces adolescents pourrait permettre une reconstruction sans subir d’autres violences, des errances thérapeutiques et des dépressions. On pourrait également éviter ou limiter la reproduction transgénérationnelle des violences.

Quel est l’accompagnement proposé par votre association ?

Nous accompagnons toute personne victime de violences sexuelles dans l’enfance et à l'âge adulte à partir de 15 ans ainsi que leurs proches. Notre équipe est constituée de quatre psychologues et d’une infirmière spécialisée en santé mentale. Cette dernière sillonne les routes de Loire-Atlantique avec le Mobil’Ecoute, un camion aménagé dédié à l’écoute et au soutien des personnes victimes. L’association propose des permanences sur rendez-vous, des permanences téléphoniques, des suivis thérapeutiques et des groupes de parole dont un pour les parents. Le suivi thérapeutique est gratuit pour les jeunes de 15 à 25 ans et à coût réduit pour les adultes. Nous recevons chaque année 2500 appels (02 22 06 89 03) et effectuons plus de 1000 rendez-vous individuels.

Vous avez également des activités de prévention.

Nous avons à la fois des temps de sensibilisation sur le psychotraumatisme et les Jeudis Pro à destination des professionnels du champ médical, paramédical et social. Ce sont 10 sessions de 3 heures par an pour soutenir les professionnels désireux d’engager une réflexion sur les violences sexuelles et l’inceste. Les thématiques diffèrent à chaque fois : inceste fraternel, différence entre l’inceste et l’incestuel, mécanismes et conséquences du trauma… C’est en formant et en rassurant les professionnels que l’on pourra contribuer à sortir de ce déni de société.

En pratique

SOS Inceste & Violences Sexuelles, 10 rue Louis de Broglie.
Contact : 02 22 06 89 03 / asso@sos-inceste.org
sos-inceste-violences-sexuelles.fr