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Sécheresse, orages, gel… Face au dérèglement climatique, les agriculteurs de Bretagne et Pays de la Loire misent sur l’intelligence collective et expérimentent de nouvelles techniques d’irrigation, de culture des sols ou de choix des variétés pour continuer à produire dans le futur.
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Des sondes connectées pour moins arroser ? C’est l’une des solutions expérimentées dans le cadre du projet Climatveg, présenté lors des Assises de l’agroécologie et de l’alimentation durable qui se tenaient à Nantes les 12 et 13 septembre 2022. Financé par les Régions Bretagne et Pays de la Loire et l'Ademe, Végépolys Valley – le pôle de compétitivité du végétal – a lancé en 2021 un vaste projet de recherche action, associant tous les acteurs de la filière végétale : viticulteurs, arboriculteurs, horticulteurs, maraîchers, chercheurs, organismes agricoles, etc. Une mobilisation indispensable pour répondre aux enjeux du changement climatique et continuer à produire malgré l’accentuation des vagues de chaleur, la sécheresse, ou le gel.
L’été le plus chaud, l’année la moins arrosée
Avec des pics de températures à plus de 40°, « l’été en cours est sur la bonne voie pour être le plus chaud jamais enregistré et 2022 la 2e année la moins arrosée après 1976 », observe Bio Loire Océan, l’association des producteurs de fruits et légumes bio des Pays de la Loire. Le niveau de la Loire au plus bas et les restrictions d’arrosage ont assoiffé les sols. « Beaucoup de producteurs ont retardé les semis et plantations de carottes, panais, navets ou betteraves compte tenu des conditions climatiques (…) Certains ont décidé de jeter des plants de salades plutôt que de les planter dans ces conditions », détaille l’association qui craint une chute de la production dans les mois à venir et donc moins de produits locaux sur les étals cet hiver et au printemps prochain.
« L’activité agricole est totalement météo-dépendante, rappelle Marie-Pierre Cassagnes, spécialiste des projets à enjeux collectifs à Végépolys Valley. Elle n’a pas d’autres choix que de s'adapter pour être plus résiliente face à la hausse des températures et à la multiplication des phénomènes climatiques extrêmes ». L’ensemble des cultures sera touché à moyen terme avec l'émergence des ravageurs, la disparition de certaines productions, ou le développement de nouvelles variétés, explique Marie-Perre Cassagnes. « Cela aura un impact direct sur notre alimentation ». En Bretagne, les producteurs de choux cherchent déjà des variétés mieux adaptées, avec des racines plus profondes, pour que cette culture emblématique de la région perdure dans les années à venir.
Aller plus vite vers les solutions
Dans l’Ouest, les agriculteurs n’ont pas attendu pour agir. « Les préoccupations environnementales sont dans tous les esprits. Les premières actions pour tenter d’atténuer les effets du changement climatique datent d’une dizaine d’années, assure Virginie Guichard, cheffe du service eau-environnement à la Chambre d’agriculture des Pays de la Loire. On pensait qu’on avait le temps. Aujourd’hui, il y a urgence à s’adapter. Des années comme celle-ci mettent en péril les entreprises ».
C’est tout l’enjeu du projet Climatveg, qui vise à la fois à mieux comprendre les modifications du climat, à élaborer des scénarios d’adaptation et à identifier des solutions innovantes qui permettront de rendre la filière végétale plus résiliente. Les recherches, menées en laboratoires, dans des fermes expérimentales, ou directement chez les producteurs, explorent trois problématiques cruciales : la gestion de l’eau, la vie des sols, et le choix des variétés. Doit-on par exemple remplacer le maïs par du sorgho ? Faut-il planter davantage d’arbres dans les parcelles pour créer de l’ombre, aérer les sols et apporter de la matière organique favorable à la vie biologique ? Faut-il mieux pailler ou utiliser des copeaux de bois pour conserver l’humidité ? « L’idée est de tester collectivement des solutions sur le terrain pour aller plus vite ensuite dans leur déploiement vers les agriculteurs ».
« Économiser l’eau, une impérieuse nécessité »
La question de l’irrigation, sujet brûlant de l’été, est au cœur des recherches. « Les agriculteurs sont les premiers impactés par le manque d’eau. Économiser ce bien commun est pour eux une impérieuse nécessité », souligne Virginie Guichard. Les jours des systèmes d’aspersion à grande eau sont comptés. « De plus en plus d’exploitants utilisent des équipements de précision, en goutte à goutte, plus efficaces, et qui permettent d’économiser 5 à 10 % des volumes ». Depuis 2021, les maraîchers nantais testent sur les cultures de poireaux, salades, radis et mâche, des sondes connectées développées par la start-up nantaise Weenat (lire ci-dessous) qui permettent de mesurer avec précision la quantité d’eau apportée aux plantes. « Ces sondes quantifient le taux d’humidité dans le sol sur différents niveaux, ce qui permet de voir si l’eau descend profondément ou si au contraire elle ne fait que ruisseler », explique Brigitte Pelletier, directrice du Comité départemental de développement maraîcher (CDDM), le service technique des maraîchers nantais. Objectif : arroser au plus juste, et au bon moment.
Récupérer l’eau de pluie sur les serres
Sur le site de maraîchage expérimental de Pont-Saint-Martin, la profession expérimente aussi avec l’école d’ingénieurs IMT Atlantique et le laboratoire Génie des procédés environnement, agroalimentaire (GEPEA), différents systèmes pour récupérer l’eau de pluie qui tombe sur les serres. « On regarde la quantité réutilisable selon la surface de couverture, l’évaporation, la présence de pesticides ou de bactéries, etc., détaille Brigitte Pelletier. L’objectif est d’identifier le système le plus adapté et d’estimer le dimensionnement des bassins en fonction des besoins en irrigation des cultures ». À partir de 2023, des tests seront également lancés sur la vie et la résistance des différents types de sols, un élément important - et souvent négligé – du sujet climatique. En question notamment : l’adéquation des sols sablonneux de la vallée maraîchère face réchauffement du climat.
« Une partie des solutions se trouvent déjà dans les fermes, souligne Marie-Pierre Cassagnes. L’enjeu de Climatveg est aussi de déployer plus largement ces bonnes idées qui ont fait leur preuve ». Pour les dénicher, un concours a été lancé autour de la question « Comment rendre la prairie plus résiliente face à un stress hydrique important ? » Les lauréats seront récompensés cet hiver. Climatveg livrera également fin 2022 ses premiers enseignements sur le climat de demain. Quant aux solutions, il faudra attendre 2025 pour dresser un bilan précis des expérimentations. « Trois ans de tests, dans différentes conditions climatiques, sont nécessaires pour que les données soient fiables », conclut Marie-Pierre Cassagnes.
Des sondes connectées pour moins arroser
« Les dictons de nos anciens ne prédisent plus les saisons. Les repères des agriculteurs sont perturbés à cause des aléas climatiques de plus en plus intenses ». Ce constat de Jérôme Leroy, petit-fils d’agriculteur, est à l’origine de la naissance de Weenat en 2014. Sa solution ? Des capteurs posés dans les parcelles et connectés à une application mobile qui permettent aux agriculteurs de suivre en temps réel les conditions météorologiques et agronomiques : pluviométrie, température de l’air, teneur en eau dans le sol… « Cet outil de pilotage permet d’irriguer juste ce qu'il faut et au bon moment, sans gaspiller l’eau et avec un meilleur rendement, ou encore de réagir à un épisode de gel », explique Maxime Zahedi, responsable agronomique chez Weenat. Huit ans plus tard, la startup, basée au Technocampus Alimentation, au nord de Nantes, emploie une quarantaine de personnes et ses capteurs, déployés dans le cadre du projet Climatveg, sont utilisés par plus de 12 000 agriculteurs en France. Pour quels résultats ? « En moyenne, les sondes permettent d’économiser 20 % d’eau par an par rapport à un système d’irrigation classique ». Et ce n’est pas leur seul intérêt. « C’est aussi un gain de temps et d’organisation pour l’exploitant qui n’a pas besoin de faire systématiquement le tour de ses parcelles pour connaître leur état ».