Les Vergers de Bellevue cultivent le frais et le bio depuis 65 ans

On y va pour la balade, la vue imprenable sur la Loire et les bons produits de saison ! La Promenade de Bellevue, à Sainte-Luce-sur-Loire, n’attire pas que les marcheurs avides de grand air. Six jours par semaine, les amateurs de fruits et légumes frais se pressent sous le hangar du n°81 pour remplir leurs paniers. Pommes, poires, mais aussi carottes, tomates et fraises à la belle saison, herbes aromatiques ou courges en tous genres… Créés au début des années 1960 par la famille Claude, les Vergers de Bellevue font perdurer la tradition maraîchère locale depuis 65 ans. En 1994, Jean, le père, a passé la main à son fils, Philippe, qui vient à son tour de transmettre le flambeau à trois jeunes paysans de 32 à 40 ans. Salariés pendant un an avant de reprendre les rênes, Clarisse Hervo, Mathilde Klocker et Boris Nicolas ont pu se consacrer sereinement à la prise en main de l’exploitation.

« Nous voulions créer une ferme collective, proche de la ville et en circuits courts, tout en ayant un impact positif sur notre alimentation et l’environnement, explique Clarisse, qui orchestre la partie commerciale de l’exploitation. On a été hyper chanceux de trouver cette exploitation arboricole et maraîchère, avec son identité et son histoire familiale. Philippe était un précurseur de la vente directe quand il a créé le magasin au début des années 90. Il lui a fallu trois ans pour le développer, ça a explosé après le Covid quand les gens se sont intéressés à l’offre près de chez eux.  »

Néo-ruraux, les trois jeunes gens se sont rencontrés lors de leur formation agricole en 2021. En reconversion, après des expériences diverses dans la restauration, le volontariat en Afrique et le secteur public, il leur a fallu convaincre. « Philippe partait en retraite et cherchait un repreneur. Il a vu arriver trois jeunes qui ne venaient pas du milieu agricole !, sourit Clarisse. On a du s’apprivoiser. » Le stage paysan créatif, proposé par la CIAP 44 (Coopérative d'installation en agriculture paysanne) pour sécuriser les transmissions, leur a permis d’installer une confiance mutuelle. Après 12 mois de salariat, Mathilde, Boris et Clarisse sont officiellement aux commandes des Vergers de Bellevue depuis le 1^er juin 2025. « La famille Claude habite toujours sur le site, elle nous accompagne sans jugement, c’est précieux. »

Les kiwis, « très demandés dans le coin », les pommes et les poires, dont l’équipe fait aussi de savoureux jus de fruits avec l’aide d’un atelier d’insertion de Bouguenais, restent le socle de leur production. C’est Mathilde qui veille sur ce verger de 6 hectares, en bio depuis 2023. Boris, lui, pilote la conversion des 4 hectares de maraîchage, tandis que Clarisse développe la commercialisation, la communication et le réseau de producteurs partenaires. Tous les trois se relaient sans distinction au magasin pour servir les clients, avec l’aide de trois salariées. D’ici 2027, la totalité de la ferme sera en agriculture biologique, « une évidence » pour le trio soucieux de pratiques « respectueuses des sols et de la biodiversité ». « Nous avons une marche à franchir, mais elle n’est pas trop haute. Philippe a toujours cultivé de manière raisonnée », assure Boris.

Les clients ont-ils vu d’un bon œil ce changement de mains ? « Pour certains, l’intérêt du label bio n’était pas évident, ils craignaient un énième lieu bobo », reconnaît Clarisse. Après quelques mois, ce n’est plus un sujet. « On n'arrive pas avec nos gros sabots pour imposer un modèle. » La clientèle fidèle, de proximité, est restée et la diversification des produits attirent de nouveaux acheteurs. On vient aux Vergers de Sainte-Luce, Nantes Est, Carquefou, Thouaré et même du Sud-Loire. « Certains habitants du centre de Nantes viennent à vélo. Les courses en se baladant sont moins une corvée. »

Plus 90 % de la récolte est vendue au magasin, le reste sous forme de paniers solidaires dans des maisons de quartier avec l’association Projets solidaires dans la cité. Dans leur boutique avec vue sur Loire, on trouve aussi des produits issus d’autres fermes locales : lait, beurre, fromage, pain, miel, œufs et même, depuis peu, de la viande et des bières… Une façon de proposer en un seul endroit la quasi-totalité des ingrédients pour la semaine. « On souhaite que les clients continuent de venir pour la qualité et la diversité des produits, et aussi pour la convivialité et la proximité qu’offre ce lieu authentique », assure Clarisse qui veille à rester en circuits courts. « Les producteurs les plus éloignés sont en Vendée et en Charente. » 

Le trio n’a pas fini d’écrire l’histoire des Vergers de Bellevue. Des idées plein la tête, Mathilde, Boris et Clarisse aimeraient créer une parcelle en agroforesterie derrière le verger, lancer un diagnostic de la biodiversité avec la LPO, restaurer la mare avec l’aide de Nantes Métropole, élever des poules pondeuses au milieu des pommiers, ou encore mettre en place un accueil pédagogique pour faire découvrir la ferme et ses métiers. « Un super moyen, dans nos vies à 100 à l’heure, de se poser pour apprendre et écouter les oiseaux chanter ».