Ce n'est pas encore l'élection présidentielle, mais l'enthousiasme des votants fait plaisir à voir. En ce mardi après-midi, à la mi-mars, les élèves de CM1-CM2 de Mme Renaud sont appelés aux urnes, dans le petit local qui jouxte leur salle de classe de l'école Maison Neuve, dans le quartier de la Halvêque à Nantes. Objectif : sélectionner trois noms pour la future école voisine du Champ de Manœuvre, dont l'ouverture est prévue pour septembre 2022, parmi une liste de cinq noms choisis par la communauté éducative.
L'après-midi a commencé à 14h08, le temps que tout ce petit monde s'installe tranquillement et accorde son attention à l'institutrice. Jean-Jacques Derrien, de la direction de l'éducation de la Ville de Nantes, et Nathalie Barré, des Archives de Nantes, sont venus pour resituer le contexte aux élèves, déjà parfaitement préparés. Pendant la semaine qui a précédé, la vie de ces cinq femmes, choisies pour leur action de résistance, leur a été présentée. « Le nom qui va être choisi va rester pour toujours, rappelle Nathalie Barré. Dans 30 ans, vous passerez peut-être devant la nouvelle école et vous vous rappellerez que vous l'aviez sélectionné. »
« C'est qui les ascenseurs ? »
A tour de rôle, les élèves lisent les petites biographies qui s'affichent sur le tableau blanc : Hélène Vianney, Yvonne Hagnauer, Colette de Jouvenel, Antoinette Sasse et Germaine Tillion, qui semble avoir les faveurs du public, peu concerné par le secret du vote à ce stade. Au bout d'une petite demi-heure, il est l'heure de voter. « Chacun va avoir un rôle au sein du bureau de vote, rappelle Cécile Renaud. Le président et les assesseurs. » « C'est qui les ascenseurs ? », demande Anouk à sa voisine avec un sourire entendu. Pour le premier bureau, Nour Kheira sera à l'accueil du bureau de vote, Santos sera le premier assesseur, Noah le deuxième. Selma, présidente, rayonne. Un quart-d'heure plus tard, Anouk, subitement plus sérieuse, est la première électrice, alors que Seyni revient en catastrophe dans la classe chercher sa carte d'électeur.
Les petits citoyens aux commandes
« Les enseignants devaient faire la présentation des personnalités, mais étaient libres pour le vote, observe Jean-Jacques Derrien. Mme Renaud s'en est extrêmement bien saisie. » « C'est intéressant, car ce sont beaucoup de notions qui n'étaient pas connues, souligne l'institutrice. La Seconde Guerre mondiale, par exemple, c'est au programme, mais seulement au second semestre. »
Enthousiasme pour Germaine Tillion
Pendant ce temps, les opérations de vote se déroulent sans encombre. « J'ai voté pour cette dame parce que j'ai trouvé bien ce qu'elle avait fait, aider les Juifs », débriefe Anouk. Même son de cloche du côté d'Enora ou de Seyni. D'autres ont des motivations plus personnelles comme Lala, qui a voté pour Antoinette Sasse parce qu'elle a « un joli prénom », ou Meriem, qui avoue avoir choisi parce que la femme en question avait des liens avec l'Algérie. « Et moi je suis Algérienne. » A 15h23, les opérations de vote sont closes. Les élèves partent en récréation.
Au retour de la pause, le suspense monte. « Vous avez voté, on va procéder au dépouillement », lance Cécile Renaud. Lala lit le vote, Anouk trace un petit bâton sous le nom choisi. A chaque vote pour Germaine Tillion, une bonne majorité d'élèves s'enthousiasment. Certains lèvent le poing. Après le recompte par Selma, Noah proclame les résultats. Germaine Tillion devance Yvonne Hagnauer et Antoinette Sasse. « Je tiens à vous féliciter tous, conclut Cécile Renaud. On espère que vous vous souviendrez de ce moment, car c'est un vote important dans la vie de votre quartier. » « Mon petit frère risque d'y aller dans cette école », observe Enora. Sa grande sœur pourra lui raconter qu'elle a contribué à la nommer.