Une serre maraîchère, grande comme huit salles de classe, a poussé au 1, rue Jacques-Cartier, dans le quartier Nantes Nord. Perchée sur le toit d’un immeuble des années 1970 rénové par Nantes Métropole Habitat (NMH), la structure, en service depuis cet été, dénote au milieu du principal quartier d’habitat social de Nantes. L’originalité de Symbiose ne tient pas qu’à son architecture, indique son concepteur Boris Nauleau (Claas Archutectes) : « Le projet permet à la fois de cultiver des légumes et de préchauffer l’eau des 24 logements pour réduire les consommations d’énergie. » « Notre ambition est de développer une activité agricole en milieu urbain, tout en exploitant le potentiel solaire de nos toitures », explique Luc Stephan, directeur Innovation chez NMH qui inaugurait les lieux mardi 6 septembre en présence de l’ensemble des partenaires du projet, financé avec le soutien de Nantes Métropole, l’Agence nationale de rénovation urbaine (ANRU) et la Caisse des Dépôts.
Des toitures 100 % utiles
Plusieurs fois récompensé en France et en Europe, « Symbiose est une première », souligne Thomas Quéro, président de NMH et adjoint au maire de Nantes chargé de l’urbanisme durable : « Cette expérimentation nous permet à la fois de répondre aux enjeux de la transition énergétique, de développer une activité nourricière sur le quartier et de contribuer à la maîtrise des charges pour nos locataires. C’est aussi l’occasion de tester des constructions sur les toits des immeubles, qui seront utiles pour nos villes demain, par exemple pour créer des espaces verts, des logements, etc. »
Pour mener cette expérimentation à bien, le bailleur social s’est entouré d’une équipe d’experts réunis autour de la startup nantaise Ecotropy. Car ce dispositif, piloté par intelligence artificielle, est très technique. « Symbiose est un capteur solaire géant. En un an, le rayonnement solaire apporte cinq fois plus d’énergie qu’il ne faut pour produire l’eau chaude pour l’ensemble des locataires. Nous récupérons donc la chaleur excédentaire et redistribuons ces calories dans le ballon d’eau chaude grâce à une pompe à chaleur inversée », détaille Alexandre Nassiopoulos, fondateur d’Ecotropy. Selon les calculs prévisionnels de la start-up, la serre permettrait de couvrir 70 à 90 % des besoins énergétiques liés à la production d’eau chaude sur l’année.
Des tests pendant un an
Pendant un an, Simon Prévost, maraîcher bio à Doulon ( ferme l’Alouette rit), est chargé de tester concrètement la compatibilité de cette production d’énergie avec une activité agricole. « Il faut trouver le bon équilibre entre la chaleur nécessaire pour chauffer l’eau et le maintien d’une température adaptée aux cultures. L’enjeu est de permettre une activité maraîchère autonome ». La possibilité d’un échec n’est pas exclu : « Si ce n’est pas viable économiquement pour un exploitant, la serre servira de pépinière pour fournir en plants nos jardins partagés », indique Luc Stephan.
Objet phare de la rénovation du Chêne des Anglais / Bout des Pavés, Symbiose marque la première étape du projet Nantes Nord Fertile qui vise, dans le cadre d’un appel à projet lancé par l’ANRU, à développer la nature et les espaces nourriciers dans 450 quartiers en renouvellement urbain. Les habitants sont partie prenante du projet : depuis l’été 2020, un espace cultivable au pied de l’immeuble leur est destiné et des ateliers de sensibilisation au jardinage sont proposés toutes les semaines par l’association Bio-T-Full. La serre Symbiose elle-même accueillera des visites et des ateliers autour du végétal comestible et de l’alimentation durable.
« Ce projet a vraiment du sens ici, où certains habitants souffrent de précarité alimentaire, apprécie Simon Prévost. On aimerait que les locataires puissent participer aux plantations et aux récoltes ». Nicolas, fraîchement arrivé dans l’immeuble, a déjà rejoint le mouvement. « Pour le moment, la serre fait parler dans les couloirs !, sourit-il. Il va falloir se l’approprier. Certains voisins sont intéressés, d’autres pas du tout. Moi, j’aimerais vraiment que l’idée fasse ses preuves ». Un souhait partagé par Fari Salimy, déléguée de l’association de locataires CSF : « C’est un très beau projet, dont on est fier dans le quartier. Il faudrait pouvoir en faire d’autres. Les habitants apprécient de se retrouver autour du jardinage, de pouvoir déguster des légumes frais. Ça créé du lien social ». Pas franchement convaincus par l’idée de monter gratter la terre sur les toits, André et sa mère Pierrette, locataires du 1 rue Jacques-Cartier depuis 1973, voient un tout autre intérêt dans l’opération : « Tout a été refait dans l’immeuble (ndlr, isolation thermique, rénovation de 10 logements...). Quand je suis rentrée de l’hôpital, je n’ai pas reconnu l’entrée ! », s’exclame Pierrette. « Il y a des ajustements à faire, mais c’est bien, confirme André. Un ascenseur a été installé, c’est pratique ».
Aux Dervallières, un projet de ferme bio pour faire pousser l’emploi
En 2025, une véritable ferme maraîchère, avec des serres et des bâtiments agricoles, prendra également place sur 1 ha dans le parc des Dervallières. « L’objectif est de permettre aux habitants du quartier d’accéder à une alimentation de qualité, en circuit court, explique Damien Fournel, chargé de mission Transitions et cadre de vie à Nantes Métropole. Nous étudions un système de commercialisation solidaire pour que le modèle soit viable pour les producteurs et les légumes accessibles aux habitants les plus fragiles ». La ferme, dont l’idée a germé dans la tête des habitants du quartier lors de l’élaboration du projet de rénovation de la cité, permettra de développer d’autres activités alimentaires (restaurant solidaire, transformation des invendus, etc.) et de proposer des animations autour du jardinage ou du bien manger. Propriété de la collectivité, et soutenue par l’État dans le cadre du Plan de relance et de l’appel à projet Quartiers fertiles de l’Anru, elle servira aussi de chantier d’insertion, avec une dizaine d’emplois à la clé. Son exploitation a été confiée à l’association Océan, une structure d’insertion par l’activité économique connue pour sa boutique de réemploi et son restaurant social à Bellevue. Sa volonté est de recruter en priorité sur le quartier pour offrir de nouvelles opportunités professionnelles aux habitants et leur proposer de se former aux métiers du maraîchage. Il faudra patienter quelques années pour que une exploitation pleine et entière de la ferme. Mais dès 2023, Océan envisage de commencer à occuper progressivement l’espace avec une première parcelle pédagogique, des dégustations de rue, ou encore des ateliers de sensibilisation au jardinage organisés en lien avec les associations du quartier impliquées autour des questions de biodiversité, de santé et d’alimentation.
À Bellevue, la Petite Ferme urbaine donne bien plus que des légumes
Depuis 2018, une ferme a poussé entre les tours du Grand Bellevue. Elle s'étend sur 3000 m2 pour permettre aux habitants de ce quartier à cheval sur Nantes et Saint-Herblain de composter leurs déchets organiques et de produire légumes et œufs. Bientôt, des champignonnières seront même aménagées dans les caves inutilisées de certains immeubles.
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