« Depuis trois ans, la Soufflerie travaille avec le médium du podcast avec l’idée d'aller vers les habitants », raconte Prune Razafindrakaola, chargée de l’action culturelle dans la structure rezéenne. Une façon, au départ, de « reconstruire du lien après le covid », prolongée par l'envie de donner la parole, et ainsi dresser un portrait du territoire, avec un objet qui dure dans le temps ».
Thème de cette saison : « Cartographier les instruments de la grande famille des pianos » à Rezé. Chargées de l'enquête : Eve Risser, pianiste, compositrice et artiste associée à la Soufflerie ces deux dernières années, et Bénédicte Schmitt, ingénieure du son et réalisatrice artistique. En novembre, pendant quatre jours, elles sont parties à la rencontre des habitants ayant répondu à l'appel à participation, et des structures identifiées par les équipes de la salle – école de musique, foyer de jeunes travailleurs, EHPAD...
De ces rencontres musicales et humaines sont nées 21 capsules sonores, réalisées par Bénédicte Schmitt. « Je me suis rendu compte que chaque épisode a son propre son, on ressent l'intérieur des gens, des pièces, des ambiances ». Une carte numérique, à découvrir sur le site de la Soufflerie, permet de naviguer et rencontrer les instruments et leurs propriétaires.
Plongée au cœur du foyer
« À travers l'histoire de leur instrument, les gens se confiaient. Les pianos sont souvent dans la pièce principale, au cœur du foyer », racontent Eve Risser et Bénédicte Schmitt. « Nous sommes entrées dans l'intimité des gens. Parfois toute la famille était réunie, il y avait les amis, ou le petit qui faisait les devoirs à côté », renchérit Prune Razafindrakaola. Le "meuble au milieu du salon" devenant outil de partage, créant sa propre musique, invitant à évoquer des souvenirs, des histoires de famille, d'émancipation de femmes, entre deux improvisations et conseils de la compositrice.
« Nouvellement Rezéenne, c'était l'occasion de m'intégrer. L'art m'a servi de lien », confie Brigitte, l'une des participantes. Elle qui se définit comme « très timide » admet que la proposition l'a séduite car « il s'agissait de parler de l'instrument, pas de moi, ce qui est parfait. L'instrument n'ayant pas de mots mais des sons, j'ai raconté son histoire, puis nous avons joué ensemble avec Eve. C'était un moment d'une grande générosité. »
« Piano ouvert » à l'Auditorium
La Carte aux pianos a été dévoilée le 1er juin en présence des participants. Le parterre de l'Auditorium s’est transformé, le temps d'une soirée, en salon musical. Une foule hétérogène d'une quinzaine de personnes entoure le piano à queue ouvert. On s'amuse, on teste, on joue. D'abord debout, puis on s'assoit. De quelques doigts, puis à deux mains.
« Ce type de projet permet à La Soufflerie une autre accroche que les spectacles », explique Prune Razafindrakaola. Une autre façon de partager la culture, de tisser du lien. « L'objectif n'était pas de les faire venir dans la salle, mais je remarque que finalement ils sont venus, car un lien s'est créé entre nous », souligne, touchée, Eve Risser. Ils sont effectivement nombreux, ce soir-là, à témoigner revenir « la » voir. « Elle ne le sait pas mais elle a compté, c'est une vraie rencontre musicale, elle m'a donné un peu confiance », confie Brigitte. Quant aux plus jeunes, Naïla, Yanis, Viviane, Alice... Qui sait ce qu'ils retiendront de cette rencontre ? « Ça va le marquer, c'est certain ! », lance en partant la maman du petit Julien, apprenti xylophoniste