Après avoir reçu Moridja Kitenge Banza en 2018 et Romuald Hazoumè en 2021, l’équipe du château de Nantes s’est tournée vers Barthélémy Toguo pour la 3e édition de sa biennale Expression(s) décoloniales(s). L’artiste camerounais a partagé l’invitation à cinq de ses pairs, ce qui fait la richesse toute particulière du rendez-vous 2023. Leurs œuvres sont disséminées au fil des salles du musée – en particulier celles en lien avec la Traite atlantique dont Nantes fut un haut-lieu – et donnent à réfléchir autrement sur les documents et objets présentés.
Éclairer le présent avec le passé
« L’art contemporain nous permet de nous adresser aux visiteurs d’une autre manière, et surtout de lui montrer combien ces sujets sont toujours actuels, explique Krystel Gualdé, directrice scientifique du musée et commissaire de la biennale. Les séquelles de cette histoire sont multiples, elles sont partout. Nous ne parlons pas que de mémoire mais de présent. C’est ce que nous allons chercher auprès des artistes contemporains pour raviver notre histoire commune. » « Les tueries que l’on connaît aujourd’hui aux États-Unis viennent de l’esclavage, du Code noir qui dit que le Noir est esclave, est inférieur », renchérit Barthélémy Toguo, dont une l’une des œuvres présentées a justement pour titre Black lives always matter.
Au fil des salles, le visiteur pourra aussi découvrir la saisissante installation Outre-Mémoire du Martiniquais Jean-François Boqué, autour du Code noir, une vidéo de la plasticienne brésilienne Rosana Paulinho sur la mémoire des femmes noires au Brésil, ou encore les œuvres évocatrices des artistes congolaise Monica Toiliye et afro-américaine Kara Walker. Le jazzman originaire du Mozambique Moreira Chonguiça a également été convié à la biennale pour des interventions musicales. Enfin, le Camerounais François Wassouni porte son regard d’historien sur des objets emblématiques des collections du musée, à travers une dizaine de cartels.
Artiste de renommée internationale exposé dans le monde entier, Barthélémy Toguo est né au Cameroun en 1967 et s’est formé dans différentes écoles d’art en Côte d’Ivoire, en France et en Allemagne. Les thématiques des déséquilibres fondamentaux du monde, de l’inégalité des chances et des discriminations multiples irriguent ses œuvres. Raison pour laquelle il était grand témoin lors de la Journée nationale des mémoires de la traite, de l'esclavage et de leurs abolitions, le 10 mai dernier à Nantes. L’artiste vit aujourd’hui entre Paris et Bandjoun, où il a fondé, en 1999, un lieu mêlant une école de création artistique, un centre culturel et une exploitation agricole.