Caisse commune d’alimentation : vers une sécurité sociale alimentaire
Publié le 16 déc. 2024
À l’Ouest de Nantes et dans le pays de Retz, l’expérimentation d’une caisse commune de l’alimentation démarrera en 2025. Il s’agit de permettre à toutes et tous d’accéder à un droit fondamental : celui de bien s’alimenter.
« Quand on a de faibles revenus, on paie d’abord son loyer et les charges incompressibles. On économise sur le chauffage et la nourriture. Sur ce dernier point, les stratégies de privation portent sur la quantité et la qualité. On achète des calories peu chères, qui ne correspondent ni aux besoins ni aux envies, et sont mauvaises pour la santé. » Benjamin Sèze, journaliste spécialiste des question sociales et auteur du livre Quand bien manger devient un luxe, intervenait vendredi 13 décembre lors de la journée de présentation du projet de caisse alimentaire locale. Le constat est sombre : « Entre 2020 et 2024, le nombre de bénéficiaires de l’aide alimentaire a plus que doublé en Loire-Atlantique, passant de 16 000 à 34 000 foyers. Parallèlement, les dons ont diminué, les grandes surfaces préférant, sous couvert d’éviter le gaspillage, revendre avec remise une partie des invendus qu’elles donnaient hier – contre défiscalisation. »
Choisir ce qu’on mange
De nombreuses structures tentent de pallier les conséquences d’une situation sociale et économique de plus en plus dégradée. Mais le système caritatif reste stigmatisant et les dons sont souvent des denrées de qualité médiocre. Parce qu’on est pauvre, on dépend de la charité et on ne choisit pas ce qu’on mange. D’autres solutions sont à inventer. Et sont en train d’être inventées. Avant l’instauration projetée d’une sécurité sociale de l'alimentation (SSA) nationale, plusieurs villes de France mènent des expérimentations locales. L’une d’elles, en préparation depuis 2023 et pilotée par le réseau Vrac, démarrera en 2025 à Nantes ouest (Bellevue-Chantenay-Sainte-Anne-Saint-Herblain est) et dans le pays de Retz (Cheix-en-Retz-Rouans-Vue-Le Pellerin).
Des enjeux alimentaires, sociaux, économiques, agricoles et écologiques
L’idée d’assurer à toutes et tous le droit à l’alimentation a motivé plusieurs actrices et acteurs locaux et départementaux (lire ci-dessous) dans la création d’une caisse commune susceptible de répondre aux enjeux alimentaires, sociaux, économiques, agricoles et écologiques. Gérée de manière démocratique par un comité citoyen, elle visera à favoriser et soutenir l’accès des habitants et habitantes à des aliments sains, produits dans des conditions respectueuses de l’environnement.
«L’aide alimentaire fait ce qu’elle peut, mais dépend de dons qui n’assurent pas toujours une alimentation bonne pour la santé. Les premières études prouvent l’intérêt de la mise en place de caisses communes alimentaires. L’expérimentation menée depuis plus d’un an à Montpellier suscite beaucoup d’enthousiasme. Nous ne pouvions que nous associer à cet élan qui consiste aussi à construire en collectif une pensée commune
»
Delphine Bonamy, conseillère métropolitaine déléguée à l’alimentation
La caisse commune alimentaire en 5 questions
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Les secteurs ont été choisis pour aborder les problématiques spécifiques aux situations urbaine et rurale. « Nos démarches sont parallèles, nous avançons au même rythme avec des moyens financiers différents et des dynamiques locales spécifiques », expliquent les coordinatrices. L’échelle retenue permet de mieux identifier l’existant, les leviers, les manques, et de faciliter le travail avec les habitantes et habitants.
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Comme pour la Sécurité sociale, chacun cotise selon ses moyens (de 10 € à 250 €) et tous les foyers participants reçoivent un crédit mensuel (montant en cours d’estimation, de l’ordre de 150 €) par personne, enfants inclus, destiné aux achats alimentaires. Des fonds publics et privés (lire ci-dessous) viennent en complément.
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Les usagers de la caisse locale choisiront les lieux conventionnés fournissant des produits sains, bio et locaux (épiceries paysanne, magasins de producteurs, Amap, etc.) et les produits remboursés, ainsi que leur taux de prise en charge selon plusieurs critères (lieu de production, pratique agricole, conditions de travail, etc). Un comité technique du dispositif travaille sur les aspects logistiques (plateforme d’achats, circuit de distribution conventionné…) et sur l’utilisation d’une monnaie locale alimentaire.
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Le projet de création de cette caisse alimentaire réunit des citoyens et citoyennes, des agriculteurs et agricultrices, des structures relais sur la production, la transformation et le système alimentaire, des collectivités (villes, agglomération, Département, État), des lieux de distribution alimentaire et de mobilisation citoyenne, des acteurs associatifs et de la société civile, mais aussi des acteurs de la recherche.
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Le financement apporté par les collectivités locales, la Banque des territoires et des fondations s’élèvera à 241 000 € annuels. À mettre en regard de l’impact de la mauvaise alimentation entraînant un cortège de pathologies (obésité, diabète de type 2…) dont le coût est évalué nationalement à 19 milliards d’euros.