Qui sont les participants à ce colloque international ?
« En tout, 25 chercheurs sont mobilisés, de différentes générations. Au-delà des sommités comme David Eltis ou Catherine Coquery-Vidrovitch, qui ont marqué le paysage historiographique, nous avons invité de jeunes docteurs ou doctorants. Comme Jessica Balguy, qui travaille sur les indemnités versées aux anciens propriétaires d’esclaves, ou Rossila Goussanou qui s’intéresse aux liens architecturaux entre la Porte du non-retour à Ouidah au Bénin et le Mémorial de l’abolition de Nantes. »
Le colloque a lieu 30 ans après l'exposition Les Anneaux de la Mémoire au château des ducs de Bretagne. Qu'en attendez-vous ?
« L’exposition en 1992, conçue dans une optique résolument historique, faisait elle-même suite à un colloque universitaire, en 1985. Il avait réuni à Nantes environ 80 intervenants – venus d’Afrique, d’Europe et d’Amérique – et il a eu sur la recherche un impact majeur. La recherche française sur les traites et les esclavages était alors en retard, en comparaison du travail accompli par les Anglo-Américains. Ce n’était pas l’engouement que l’on connaît aujourd’hui ! Si on se projette 30 ans plus tard, on voit bien que la mobilisation de la communauté scientifique est importante. Ce nouveau colloque va rendre compte des acquis de la recherche, des orientations actuelles, mais aussi fixer des pistes. »
Justement, quelles sont ces orientations ?
« La première, c’est la volonté de davantage incarner cette histoire, de parler à hauteur d’hommes et de femmes : faire une histoire « par le bas » par rapport à une histoire « en surplomb », quantitative, qui a longtemps dominé. La deuxième évolution majeure, c’est le regard porté sur les hommes, femmes et enfants réduits en esclavage – ce que l’on appelle l'agency en anglais. Ce ne sont pas des sujets passifs, mais des acteurs et actrices de cette histoire – face à l’état d’esclavage, aux résistances, aux révoltes... On étudie beaucoup plus les processus de métissage – biologique, linguistique, culturel – , la naissance de sociétés qui ne sont pas européennes et plus africaines, mais des sociétés créoles. On a changé la focale sur les communautés : aujourd’hui, les chercheurs insistent plus sur la façon dont elles ont œuvré pour leur liberté. C’est une histoire plus équilibrée. »
Quelles difficultés rencontrent les chercheurs, notamment quant aux sources historiques ?
« Ils doivent d’abord mobiliser des sources différentes, liées à la tradition orale – comme les griots –, pour lesquelles ils sont moins familiers. Mais cela permet de sortir des récits européens, d’avoir une vision africaine de la traite. La deuxième difficulté, c’est la rareté des sources. Les témoignages conservés sont nombreux aux États-Unis, où les récits d’esclavage constituent quasiment un genre littéraire, mais pour la France, on n’a pas l’équivalent. Cela ne veut pas dire qu’on ne peut pas restituer cette histoire ! Par exemple, certaines publications reposent sur des sources judiciaires, qui donnent à voir la vie quotidienne de la personne mise en esclavage, au-delà de l’affaire dans laquelle est impliquée. »
Colloque international « Esclavages. Des traites aux émancipations, trente ans de recherches historiques » : du 11 au 13 mai aux Salons Mauduit. Entrée libre et gratuite, réservations auprès du CRHIA.
Une programmation culturelle gratuite autour du colloque
- Exposition Paroles d’esclaves, mémoires des lieux : salons Mauduit (en extérieur et intérieur), du 11 au 13 de 9h à 18h.
- Exposition photographique de Rossila Goussanou Phoenix, renaître de l’esclavage par le corps et la pierre : jusqu’au 15 mai, Cale 2 créateurs.
- Conférence d’Éric Schnakenbourg « Les Scandinaves et la traite négrière », mardi 10 à 18h, Archives départementales de Loire-Atlantique.
- Conférence-performance L’histoire en images, jeudi 12 à 18h, Archives départementales de Loire-Atlantique
- Table ronde « Les anneaux de la mémoire, une expérience partagée » : vendredi 13 à 18h, Cosmopolis
- Spectacle Adama : samedi 14 à 18h, Cosmopolis. Entrée gratuite sur réservation au 02 40 69 68 52 ou par mail.