« C'est quoi être habitant du quartier de l'Île de Nantes ? C'est quoi être élève de cette école ? » Voilà le fil rouge du projet initié auprès de ses voisins par Trempo, structure nantaise dédiée aux émergences musicales. L'idée : confier des enregistreurs numériques à des élèves de maternelle et d'élémentaire pour les amener à se raconter, à parler de leur vécu au sein de leur école et du quartier.
Une centaine d'enfants de deux écoles du quartier sont mobilisés depuis janvier. À chaque niveau une mission : à Joséphine-Baker, les petits s'occupent de capter les sons de l'école, les moyens les sons du quartier, et les grands les sons de la maison. À Aimé-Césaire, les élèves du périscolaire conçoivent, eux, des capsules sonores à partir de petits instruments et des interviews autour de la question du genre. Pour Lucie Sénéchal, directrice et enseignante à l'école Joséphine-Baker, le projet doit contribuer à « construire un sentiment d'appartenance ». L’établissement ouvert en 2020 est en effet au cœur d'« un quartier en pleine construction qui accueille des habitants nouveaux. Nous souhaitons contribuer à créer une identité de quartier ».
Apprivoiser les technologies
Le projet a été imaginé avec Paloma Colombe, DJ, réalisatrice de films, programmatrice, et artiste associée à Trempo pour deux ans. Son leitmotiv, « donner de la visibilité à des personnes qui n'en ont pas ». « Les enfants ne sont pas figurants mais en action », souligne Raphaèle Pilorge, coordinatrice de ce projet de « mini-podcasts avec les minus » au sein de Trempo.
Un axe important, en lien avec les objectifs de la structure qui souhaite « permettre d'utiliser ces technologies, ne pas avoir d'appréhension. Il n'y a pas d'âge et de genre pour s'en saisir », assure Raphaèle Pilorge. Une attention accrue est d'ailleurs accordée aux petites filles, des études montrant qu'elles sont plus rapidement tenues à l'écart des instruments dits « technologiques ». Sensible à ce sujet de par son parcours, Paloma Colombe admet « faire attention à ce que les filles prennent autant leur place que les garçons. C'est en agissant à cet âge-là qu'on peut débloquer certaines choses ».
Faire l'apprentissage de l'écoute
Cette volonté de « rendre la musique accessible à toutes et tous, désacraliser, démystifier » s’est manifestée dès le premier contact entre la musicienne et les écoliers. Ceux-ci ont d’abord reçu un message enregistré les appelant à rencontrer cette « invitée mystère ». En poussant la porte du studio, à Trempo, les enfants ont découvert Paloma Colombe en plein mix, sur ses platines, et se sont instinctivement mis à danser. Ils ont ainsi pu faire connaissance mais aussi découvrir et manipuler cet instrument, de façon ludique.
En creux, un objectif pédagogique : « Travailler son oreille et sa capacité à écouter. On se rend compte qu'on a beaucoup de moyens visuels et que les plus grands sont assez déstabilisés sans ce support. C'est important de réapprendre à écouter pour développer des compétences utiles, tout le temps, partout », explique la directrice de l'école Joséphine-Baker.
Le projet suscite, selon les témoignages, déjà beaucoup d'engouement de la part des petits comme des grands. Le tout fera l'objet d'une création sonore orchestrée par Paloma Colombe qui se servira de ses platines pour faire un pré-montage en concertation avec les enfants. La restitution finale est prévue à Trempo le 16 mai, en présence des élèves, de leurs parents et enseignants.