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« Les femmes seules avec enfants et les 30-44 ans ont des vécus de la chaleur plus négatifs »

ActualitésPublié le 18 juillet 2023

Dans le Nantes Passion de septembre, le dossier sera consacré à l’adaptation de la ville aux vagues de chaleur de plus en plus fréquentes. Pour connaître les vécus des fortes chaleurs des habitantes et habitants et imaginer des solutions, Nantes Métropole va étudier les résultats d’une enquête menée par Géraldine Molina et son équipe de recherche. Explications.

Géraldine Molina (ici en photo) et son équipe, Christine Lamberts et Léo Hureau, ont mené une enquête auprès de 1 300 habitants de Nantes sur leurs vécus de l’été 2022., intitulée « Les citadins face aux fortes chaleurs : vulnérabilités, vécus habitants, santé et adaptations. © Patrick Garçon
Géraldine Molina (ici en photo) et son équipe, Christine Lamberts et Léo Hureau, ont mené une enquête auprès de 1 300 habitants de Nantes sur leurs vécus de l’été 2022., intitulée « Les citadins face aux fortes chaleurs : vulnérabilités, vécus habitants, santé et adaptations. © Patrick Garçon

Lors de l’été 2022, des records de température ont été battus. Nantes Métropole, en partenariat avec le Laboratoire CNRS Espaces et Sociétés et l’Institut de recherche en sciences et techniques de la ville (IRSTV), a réalisé une enquête auprès de 1300 Nantaises et Nantais. L’objectif : connaître leurs vécus face aux fortes chaleurs. Géraldine Molina, chercheuse CNRS, Christine Lamberts, ingénieure de recherche CNRS, et Léo Hureau ingénieur centralien, nous livrent quelques-uns des résultats.

 

Quelles étaient les particularités de cette enquête ?

« Nous avions déjà réalisé des enquêtes précédentes, notamment à Lyon. Cette fois-ci, il s’agit d’une enquête de très grande ampleur avec 1300 personnes interrogées et un échantillon représentatif de la diversité sociale et spatiale de la population nantaise. De nombreuses questions ont permis d’identifier les profils des individus, de leur logement et de recueillir une grande variété d'informations sur leurs vécus des fortes chaleurs à l’intérieur et à l’extérieur de leur logement, ainsi que sur les impacts sur leur santé physique et mentale, leur niveau de préoccupation actuel et leur projection dans l’avenir. Cette enquête permet de dresser un panorama de la manière dont la population nantaise est confrontée aux fortes chaleurs et de fournir des pistes pour mettre en œuvre des solutions adaptées. »

Quels sont les principaux enseignements fournis par l’enquête ?

« Si Nantes est encore aujourd’hui bien souvent considérée comme une ville dans laquelle il fait bon vivre, les vécus des habitants indiquent clairement une dégradation de la qualité de vie et de la santé lors des fortes chaleurs. L’enquête met aussi en évidence combien les changements climatiques sont, pour la population, une source de préoccupation croissante pour l’avenir. 
Cette recherche fait également ressortir, comme pour d’autres villes précédemment sondées, des inégalités très fortes de vulnérabilités aux fortes chaleurs selon les profils d’individus et les groupes sociaux considérés. Par exemple, les femmes seules avec enfants ont généralement des logements plus petits, moins bien isolés, des ressources plus faibles, des charges exacerbées en lien avec la garde des enfants non partagée, et s’avèrent par conséquent plus vulnérables et impactées par les fortes chaleurs. Mettant davantage en place des stratégies d’adaptation, elles recherchent des espaces refuges à l’extérieur de leur logement.
Les 30-44 ans ont également témoigné de vécus plus négatifs de la chaleur et d’impacts plus forts sur leur santé que les autres tranches d’âges. Cette population comprend beaucoup d’actifs et des personnes avec enfants qui sont multi-contraints par la vie professionnelle et familiale avec de fortes charges (économiques, organisationnelles, mentales et émotionnelles). »

Que préconisez-vous pour l’élaboration des politiques publiques ?

« Nos résultats conduisent à préconiser des solutions « sur mesure » permettant de prendre en compte les différents besoins, capacités et responsabilités au sein d’une même population urbaine. En effet, les recherches menées par différentes équipes à travers le monde concordent avec les nôtres pour souligner une contradiction : les personnes les moins responsables des changements climatiques (avec les empreintes carbone et écologique les plus faibles) vont être les plus impactées. A contrario, les plus responsables des changements, même s’ils vont aussi subir des impacts négatifs, seront touchés avec moins d’intensité. Nos sociétés et dirigeants doivent donc construire des politiques ambitieuses en tenant compte de ces inégalités. Les politiques d’adaptation doivent se concentrer davantage sur les personnes plus impactées pour réduire leur vulnérabilité et augmenter leur résilience. À l’inverse, les politiques d’atténuation doivent se concentrer sur les personnes dont les empreintes carbone et écologique sont les plus fortes. Ce sont ceux, qui ont à la fois le plus de marge de manœuvre, et en même temps qui représentent le plus gros potentiel pour réduire la production de gaz à effet de serre et les impacts négatifs sur les écosystèmes dont notre survie et notre santé dépendent. » 

Il faut donc équilibrer adaptation pour mieux supporter les changements climatiques, et atténuation pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre ?

« Oui, ces deux volets sont tout aussi essentiels l’un que l’autre. Passé un certain seuil, l’adaptation devient impossible. Si les seuils de tolérance et les capacités d’adaptation des individus sont dépassés, les dégâts et coûts (sociaux, sanitaires, économiques…) augmenteront de manière significative avec une accélération moins maîtrisable des évolutions. Par exemple, dans certaines villes plus exposées, la multiplication des climatisations a des effets pervers avec l’aggravation des rejets de chaleur à l’extérieur des logements. Les plus aisés doivent comprendre qu’ils sont déjà impactés négativement par les changements climatiques et que leur confort et leur qualité de vie seront aussi dégradés à l’avenir. Ils ont donc tout intérêt à fournir dès à présent un effort à la mesure de leurs empreintes écologique et carbone. C’est un calcul à faire s’ils souhaitent que leur monde reste vivable pour eux-mêmes, pour leurs enfants et pour les êtres qui les entourent. Pour l’ensemble des habitants, l’enjeu est donc de sortir d’une conception anthropocentrée, basée sur l’illusion d’une croissance sans limite et du mirage d’une solution technologique qui viendrait tout solutionner. Adopter une vision bio-centrée permet de comprendre que notre santé et notre survie dépendent de la qualité des écosystèmes auxquels nous appartenons. Nous sommes tous, avant toute chose, des êtres vivants et nous ne pouvons pas nous émanciper des conditions climatiques dans lesquelles nous vivons et allons vivre. » 

Le rapport de l’enquête "Les citadins face aux fortes chaleurs : vulnérabilités, vécus habitants, santé et adaptations" est accessible à toutes et tous sur la plateforme HAL science ouverte

Une carte pour trouver de la fraîcheur en ville

Cette enquête va permettre à Nantes Métropole d’ajuster ses politiques publiques, mais également de créer davantage d’îlots de fraîcheur dans les quartiers en souffrance. En ce début d’été, une carte répertoriant 150 lieux de fraîcheur est accessible pour permettre à chacune et chacun de se réfugier au frais. « Ces îlots seront sanctuarisés et privilégiés pour l’arrosage même en cas de sécheresse, pour y maintenir la fraîcheur, affirme Alban Mallet, chargé de mission transition écologique et climat à Nantes Métropole. D’autres espaces seront aménagés dans les prochaines années pour bien mailler le territoire. »
Aujourd’hui, 17 pataugeoires sont accessibles 24h/24 sauf en cas de vidange ou pour celles situées dans des parcs qui ferment. 85 parcs et jardins sont aussi ouverts 24h/24 et 19 autres parcs voient leurs horaires de fermeture repoussés entre 21h et minuit tout l’été.

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