Il y a 100 ans, le spectaculaire et fatal plongeon de Willy Wolf

Publié le 06 juin. 2025

Dernière mise à jour 06 juin. 2025

Le journaliste Stéphane Pajot et le généalogiste Julien Lozelli publient un livre sur le parcours et la fin tragique de Willy Wolf, cet acrobate polonais mort en 1925 pour avoir tenté un saut depuis le pont transbordeur, 52 mètres au-dessus de la Loire. Entretien.

  • Portrait de Willy Wolf.
    Willy Wolf photographié avant son saut dans la Loire. © DR

Qui est Willy Wolf ?

Wilhelm Wolf – alias Willy – est né en 1897 à Lodz, dans le centre de l’actuelle Pologne, alors rattachée à l’Empire Allemand. On sait assez peu de choses de sa vie avant son arrivée à Nantes si ce n’est qu’il émigre en Allemagne, à Duisbourg, en 1921. Là-bas, il vit de petits métiers, notamment comme serrurier. Pour autant, il est difficile d’établir une biographie solide du personnage car Willy a beaucoup menti sur sa vie pour se forger une réputation. 

Quand arrive-t-il à Nantes ?

Le 14 octobre 1924 et ça, nous en sommes certains. Il bénéficie de l’indépendance récente de la Pologne et d’une convention signée avec la France, qui prévoit l’arrivée massive de travailleurs polonais pour répondre aux pénurie de main d’œuvre qui frappe le pays après la Première Guerre mondiale. Au lieu d’être orienté dans le nord de la France comme beaucoup de ses compatriotes, il est envoyé à Nantes, où il intègre l’usine à locomotives des Batignolles comme ouvrier ajusteur.

  • Le pont transbordeur de Nantes (démonté en 1958), au début du 20e siècle. © DR

D'où lui vient ce projet fou ?

Willy Wolf a deux choses en tête : la gloire et l’argent. La gloire car le personnage est un peu mégalomane. Et l’argent car Willy envisage d’émigrer aux États-Unis pour y devenir cascadeur pour le cinéma. C’est un boxeur amateur émérite. Afin de réaliser son projet, il essaie de tirer parti de ses capacités physiques remarquables (c’est une vraie force de la nature) en réalisant des acrobaties. 

À Nantes, il découvre le pont transbordeur, cet imposant ouvrage métallique construit au début du 20 siècle et qui permettait aux ouvriers des chantiers navals de passer d’une rive de la Loire à l’autre. Et là, il se dit : « Je vais tenter un plongeon » ! 

Les autorités de l'époque le laissent-elles faire ?

En mars 1925, bien aidé par un journaliste du Phare de la Loire, il rédige effectivement une demande officielle à la mairie pour être autorisé à effectuer ce saut. Il s’y présente comme un artiste acrobate de renom, ce qui est encore une fabulation de sa part. La Ville de Nantes refuse et Willy Wolf se rabat sur le pont transbordeur de Rouen où les autorités n’y voient rien à redire… Le 29 mars 1925, en milieu d’après-midi, il saute d’une hauteur de 55 mètres et stupéfie les milliers de personnes rassemblés pour l’occasion. Il s’en sort miraculeusement malgré une réception à plat, et devient ainsi le recordman mondial du plongeon de haut col. 

  • Willy Wolf saute du pont de Rouen.
    Willy Wolf dans les airs, lors de son saut réussi de Rouen, le 29 mars 1925. © DR

Comment le saut se déroule-t-il ?

Malgré un refus officiel de la mairie de Nantes, il retente sa chance, et cette fois-ci, on ne lui dit ni oui ni non, ce qui lui permet de monter en haut du transbordeur. Quand on plonge d’une telle hauteur, il faut savoir qu’on fend l’air à plus de 100 km/h ! A l’époque, beaucoup de spécialistes écrivent au maire de Nantes (Paul Bellamy) pour faire interdire ce saut « suicidaire ». Plusieurs jours avant, Willy Wolf bénéficie pourtant d’une intense campagne de promotion de la presse locale. Sur les cartes postales qu’il vend pour se faire de l’argent et un nom, il se présente comme « l’Homme qui va mourir ». 

Le 31 mai 1925, plus de 15 000 personnes assistent au saut. Willy grimpe les câbles d’acier du pont, installe son trapèze et commence quelques acrobaties. Il enfile ensuite un vêtement sur lequel il arnache une ceinture d’étoupe imbibée de liquide inflammable pour ajouter à son saut, un effet pyrotechnique. Il y met le feu et à 17 h 20, et plonge. Trois secondes plus tard, son corps frappe l’eau de guingois. Les spectateurs aperçoivent son corps remonté l’espace d’une ou deux secondes, puis disparaître dans les eaux tourbillonnantes de la Loire.

Qu'advient-il de son corps ?

On ne sait exactement ce qui du saut raté ou des vapeurs d’essence inhalées conduiront à sa mort. Pour nous, l’hypothèse la plus probable demeure celle d’une commotion cérébrale consécutive à la mauvaise réception. Toujours est-il que son corps retrouvé quelques jours plus tard par des pêcheurs du Pellerin. Après une brève enquête de police, il est enterré au cimetière communal, d’abord dans une tombe nominative puis dans la fosse commune. 

  • Extrait de Une du Petit Journal au lendemain du saut fatal de Willy Wolf. © DR

Au-delà de cette histoire impressionante, en quoi ce saut est-il symptomatique d'une époque ?

Qu’on le veuille ou non, Willy Wolf et sa tentative font partie de la mémoire de Nantes. Cet épisode est à replacer dans le contexte de l’époque : le développement de la société du loisir, le sensationnalisme de la presse, l’incurie des autorités qui laissent faire le saut malgré son danger évident… Ce livre, c’est une plongée dans Nantes avant les comblements de la Loire et son histoire ouvrière. Une époque passionnante. 

Infos pratiques

Willy Wolf. Une incroyable histoire nantaise, de Stéphane Pajot et Julien Lozelli.

Pour rencontrer les auteurs :

  • le 21 juin à la librairie Les Nuits Blanches (rue des Hauts-Pavés à Nantes), de 11 h à 12 h 30 ;
  • le 5 juillet, au festival Libre Cours (parc de la Morinière à Rezé).

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