Pour bien manger, ces habitants lancent leur caisse commune de l'alimentation

Publié le 27 août. 2025

Dernière mise à jour 27 août. 2025

À Nantes et Saint-Herblain, 100 foyers des quartiers Bellevue, Chantenay et Sainte-Anne vont expérimenter, jusqu’en août 2026, un système de cotisation ouvrant droit à des produits de qualité, sains et durables. Pourquoi ? Comment ? Ils nous expliquent tout !

  • Cinq habitants engagés dans la caisse commune de l'alimentation.
    Nadia, Lucie, Maryline, Fabien et Alexandre font partie des 20 premiers habitants qui vont expérimenter à partir du 1er septembre la caisse commune de l’alimentation du quartier Bellevue / Chantenay / Sainte-Anne. © Tim Fox

L’idée d’une Sécurité sociale de l’alimentation

Faire ses courses avec une carte vitale alimentaire, comme si on allait à la pharmacie ou chez le médecin ? C’est un peu l’idée de la Sécurité sociale de l’alimentation (SSA). Défendue au niveau national par des élus et des collectif de citoyens, elle s’inspire de « la Sécu » née après guerre pour garantir à toutes et tous des soins de qualité, abordables, en demandant à chacun de cotiser selon ses moyens. Le projet est d’instituer le même droit pour l’alimentation, en octroyant à toutes et tous, chaque mois, une somme d’argent à dépenser dans des magasins et sur des produits conventionnés, de façon à bien s’alimenter en encourageant la consommation d’aliments bio, sains et locaux, bons pour la santé et la planète.

Une expérimentation citoyenne locale

En attendant qu’un tel modèle universaliste, capable de transformer notre système alimentaire, voit le jour, 100 foyers habitants les quartiers de Bellevue, Chantenay, Sainte-Anne, Saint-Herblain Est vont expérimenter, à partir de septembre 2025, leur propre « caisse commune de l’alimentation », alimentée par chacun selon ses moyens, avec des soutiens financiers, publics et privés (lire ci-dessous). Un second test sur un territoire plus rural, représentatif d’autres enjeux d’accès à l’alimentation, sera lancé en parallèle par l’association Campus Fertile à Chéméré, Rouans, Le Pellerin et Saint-Jean-de-Boiseau, en alliance entre Nantes Métropole et le Pays de Retz.

Une gestion démocratique

  • Guillaume Hernandez, directeur de l'association VRAC Nantes Métropole, prend la parole en compagnie du comité habitant de la caisse commune alimentaire de Bellevue - Chantenay - Sainte-Anne.
    Ce projet citoyen, à la croisée des enjeux d'alimentation, de santé, de transitions écologiques et agricoles et de démocratie, est soutenu par les collectivités locales et plusieurs fondations. © Tim Fox

Ce sont les usagers de la caisse eux-mêmes qui choisissent collectivement – via un comité habitant - le système de cotisations, les lieux de vente et les produits éligibles…. Sur Bellevue, Chantenay Sainte-Anne, les habitants contribueront de 5 à 200 euros par personne, selon le « reste à vivre » du foyer (ndlr, le revenu disponible moins les charges fixes). En contrepartie, ils recevront une allocation alimentaire de 100 € par personne + 50 € par membre supplémentaire du foyer. Elle sera versée tous les mois, en monnaie locale via l’application Moneko qui permettra d’acheter les produits et d’évaluer le dispositif. Son montant reflète « un choix prudent financièrement», précise Fabien, membre du comité habitant qui planche depuis six mois sur ce projet. « Nous avons besoin que la caisse soit à l’équilibre pour être pérenne. Et il faut pouvoir dépenser la somme, surtout au début, le temps de développer un réseau de points de vente conventionnés. 100€ semblait un minimum pour avoir un réel impact pour les participantes et participants. »

Des lieux de vente conventionnés

Pour démarrer, les habitants pourront faire leurs courses dans 5 lieux de vente : les ouiches nantaises, l’assiette du jardin (le restaurant social au carré des services), les paniers bio d’OCEAN, l’épicerie VRAC et le comptoir des Alouettes. « Nous avons décidé de conventionner des lieux de vente plutôt que des produits, en se basant sur une série de critères, souligne Maryline : l’accessibilité du commerce en mobilité douce et aux personnes à mobilité réduite, l’accueil et la convivialité, la diversité de l’offre proposée et – le plus important - la qualité, en mettant l’accent sur les produits bio, locaux et les labels favorables à la biodiversité et à la vie du sol. » Le comité de sélection est aussi attentif à l’engagement social et environnemental des points de vente : lutte contre le gaspillage alimentaire et le suremballage, circuits courts, liens de confiance tissés avec les producteurs, politique de solidarité… 

Des soutiens multiples

Ce projet « exemplaire et titanesque » est animé par le réseau association d’achat en commun VRAC Nantes Métropole. Il rassemble une centaine d’acteurs : le GAB44, Kiosque paysan, les Greniers d’abondance, la Banque alimentaire de Loire-Atlantique, le laboratoire ESO de Nantes Université… Et reçoit le soutien de plusieurs fondations, de l’État, des collectivités locales (Nantes Métropole, Département, Villes de Nantes et Saint-Herblain) et du CCAS de Nantes. Ces derniers complètent le financement de la caisse, estimé à 240 000 € par an. Une somme à mettre en regard de l’impact sanitaire et social de la mauvaise alimentation, dont le coût est évalué à 19 milliards d’euros par an en France selon une étude commandée par le Secours catholique, le Réseau Civam, Solidarité Paysans et la Fédération française des diabétiques.

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L’ambition de ce projet, à la croisée des questions sociales et écologiques, est de défendre un nouveau droit : l’accès à une alimentation saine, durable, choisie, pour garantir une meilleure santé, soutenir l’agriculture et l’économie locales et lutter contre la précarité alimentaire. Sa force repose sur la mixité sociale et une réelle capacité d’implication des habitants.

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Johanna Rolland, maire de Nantes et présidente de Nantes Métropole

Johanna Rolland, maire de Nantes et présidente de Nantes Métropole © Tim Fox

« Aujourd’hui, on ne peut pas se résoudre à ce que des habitants ne puissent pas manger à leur faim ou choisir leur nourriture, que des agriculteurs ne parviennent plus à vivre de leur travail ou que notre assiette ait un impact négatif sur la santé, l’eau, l’air, les sols, ajoute Delphine Bonamy, conseillère métropolitaine déléguée à l’alimentation. Cette expérimentation servira un projet encore plus grand, un peu fou, préconisé par beaucoup d’associations d’aide alimentaire, d’agriculteurs et d’organismes de santé. » Le test sera suivi par un chercheur de l’université de Nantes. « Ce projet est une utopie qui se réalise devant nos yeux. Nous en tirerons des enseignements. Et si ça fonctionne, il n’y aura aucune raison de ne pas le reproduire ailleurs », assure Bassem Asseh, premier adjoint à la maire de Nantes, en charge de la politique de la ville.

Un projet pas si utopique que ça

Des expériences similaires ont déjà été lancées dans une soixantaine de villes et villages en France. Avec des résultats encourageants. Selon une étude récente, la caisse alimentaire de Montpellier a par exemple permis de diminuer de moitié la précarité alimentaire des 360 participants, tout en augmentant leur consommation de produits bio ou de fruits et légumes. Mais le dispositif a aussi ses points faibles : selon les chercheurs associés à l’expérimentation montpelliéraine, la somme allouée (100 €) n’est qu’« un extra » pour les familles et les lieux de vente agréés sont trop éloignés des quartiers concernés par la précarité alimentaire. Des limites que le projet nantais a pris en compte pour rendre sa caisse plus accessible aux foyers très modestes, comme aux producteurs locaux.

Lucie, Nadia, Fabien, Marilyne, Alexandre et tous les habitants engagés dans l’aventure sont plein d’espoir. « C’est galvanisant de faire partie de cette expérimentation solidaire et vertueuse, témoigne Maryline. Certains vont cotiser un peu plus que d’autres pour permettre à tous d’acheter de bons produits, sans être stigmatisé parce qu’on fait la queue à la Banque alimentaire. » « Bien se nourrir, c’est vital et très fédérateur », renchérit Alexandre, habitant des hauts de Chantenay qui a choisi de sur-cotiser pour permettre aux autres de partager son amour de la cuisine et des bons produits. « Notre assiette est la base de notre bonne santé », rebondissent Lucie et Nadia. Avec leurs petits revenus, ces deux mamans solo de Bellevue ont hâte d’utiliser leur allocation pour faire provision de « produits secs, en vrac, de fruits et légumes et de bons fromages, tout en soutenant les agriculteurs qui en ont bien besoin. » «Grâce aux lieux de vente conventionnés, on trouvera tout au même endroit, sans avoir à retourner chaque étiquette pour savoir si c’est sain et local », se réjouit Lucie.

  • Une habitante devant les panneaux de présentation de la caisse commune de l'alimentation.
    En décembre, 80 foyers supplémentaires pourront rejoindre l’expérimentation. Des réunions sont organisées les 1er, 4 et 7 octobre pour informer les habitants et recruter des volontaires. © Tim Fox

Qui peut participer à la caisse commune de l’alimentation ?

Pour participer à la CCA, il faut avoir plus de 18 ans et habiter Bellevue, Chantenay, Sainte-Anne ou Saint-Herblain est. Les membres du comité habitant qui travaillent depuis 6 mois sur le projet vont commencer à l’utiliser en septembre 2025. 80 foyers supplémentaires pourront rejoindre l’expérimentation en décembre 2025. Les préinscriptions sont ouvertes jusqu’au 17 octobre.

Vous avez des questions ? Vous voulez rejoindre l’aventure ? Des réunions d’informations sont organisées les 1er, 4 et 7 octobre.

Contacts et infos sur le site de la CCA44.

Le sujet vous intéresse ? Lisez Encore des patates. Cette BD explique simplement, en quelques planches dessinées, le projet parfois complexe de Sécurité sociale de l’alimentation.