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Soigner l'anorexie et la boulimie : 3 questions à Bruno Rocher, addictologue

Actualités Publié le 01 juin 2021

Soigner la tête et le corps, c’est l’approche de Bruno Rocher et son équipe de l’espace Barbara. Celui ci a répondu à nos questions à l’occasion de la journée mondiale des troubles des conduites alimentaires.

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Bruno Rocher, addictologue à l'Espace Barbara.

La journée mondiale des troubles des conduites alimentaires donne l’occasion de mieux comprendre et décrypter ces maladies qui touchent près d’un million de personnes en France. Rencontre avec le docteur Bruno Rocher, médecin psychiatre et addictologue au CHU de Nantes et responsable de l'Espace Barbara, centre d’hospitalisation ambulatoire en addictologie.

Qu’est ce qui vous a poussé à vous spécialiser dans l’addictologie ?

"J’ai travaillé lors de ma thèse sur l’addiction aux jeux-vidéos, reconnue comme maladie en 2019 par l’OMS (Organisation mondiale de la santé). J’ai petit à petit été amené à devenir responsable de l’Espace Barbara, le centre de soin du CHU de Nantes spécialisé dans les addictions comportementales. Mon équipe et moi travaillons auprès de personnes souffrant d’addictions diverses : jeux d’argents, jeux vidéos, pornographie, mais aussi des personnes touchées par des troubles alimentaires (anorexie, boulimie, hyperphagie). Les addictions sont des problèmes complexes mais dont on peut guérir. Heureusement, les soins et les représentations autour des conduites addictives évoluent de jour en jour. On constate cependant une nette augmentation des personnes atteintes de troubles des conduites alimentaires depuis la crise du Covid-19."

Les troubles alimentaires, de type anorexie et boulimie, seraient donc des addictions ?

"Les troubles du comportement alimentaire touchent un grand nombre de personnes, notamment les femmes entre 15 et 30 ans. Pourtant, ils sont mal connus et mal compris. La particularité de l’Espace Barbara, c’est de traiter ces troubles comme des troubles addictifs, à partir des travaux du psychiatre Jean-Luc Vénisse. Ses recherches ont montré que si les personnes boulimiques étaient accros à la nourriture, les personnes anorexiques étaient quant à elles accros à la perte de poids, au jeûne et au fait de contrôler ce qu’elles mangent. À partir de ce constat, une toute autre approche, basée sur un accompagnement psychologique, somatique et social, a pu être imaginé pour soigner les personnes souffrant de ces troubles."

Comment traitez-vous ces troubles à l’Espace Barbara ?

"Dans un premier lieu, nos psychiatres accueillent la personne pour faire un bilan de son addiction, avec ou sans sa famille. Pour beaucoup de patients, c’est l’étape la plus difficile, car les addictions comportementales sont encore taboues, on les associe toujours à un manque de volonté ou à quelque chose d’impur et de honteux alors qu’elles peuvent toucher n’importe qui. Selon les cas, nous proposons alors un planning d’hospitalisation ambulatoire de quelques heures par semaine, compatible avec le maintien d’une activité professionnelle. Au sein de cet hôpital de jour, les patients sont amenés à échanger au sein d’un groupe de parole, peuvent pratiquer du yoga, du sport et participent à des ateliers diététiques et des repas thérapeutiques. En bref, pour soigner les troubles des comportements alimentaires, nous sommes convaincus qu’il faille agir auprès de la tête et du corps. Grâce à cette approche, près de 60 % de nos patients guérissent et 30 % connaissent une amélioration de leur addiction."