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[Diaporama] Le procès des « 42 »

ActualitésPublié le 29 janvier 2024

En janvier 1943, ce sont en fait 45 résistants communistes qui sont jugés à Nantes par un tribunal militaire allemand. 37 seront condamnés à mort. Récit.

Louis Le Paih, résistant communiste, fusillé le 7 mai 1943 (Coll. Marc Grangiens).
Louis Le Paih, résistant communiste, fusillé le 7 mai 1943 (Coll. Marc Grangiens).

Résistants communistes. Le 15 janvier 1943 s’ouvre à Nantes le procès dit des « 42 ». Devant le tribunal militaire allemand des résistants communistes, arrêtés par l’appareil répressif de Vichy et livrés à l’Occupant en août 1942. On dénombre 40 Nantais et Rezéens. Parmi ces combattants de l’ombre qui se dressent contre l’ennemi, il y a les réseaux communistes des Francs tireurs partisans, les FTP. Ils accueillent dans leurs rangs des Républicains espagnols qui ont fui le franquisme et la Guerre civile. Cinq d’entre eux sont jugés également.

Un sabotage contre le pont roulant des Batignolles pendant la Second Guerre mondiale (Coll. Marc Grangiens)
Un sabotage contre le pont roulant des Batignolles pendant la Second Guerre mondiale (Coll. Marc Grangiens)

Guérilla urbaine. Ils sont jugés pour des actes de résistance qui vont du sabotage à l’exécution du responsable du personnel de l’usine des Batignolles, un collaborationniste. Peu de villes en France connaissent une guérilla urbaine menée contre l’Occupant. Nantes, ville martyre depuis l’exécution des 50 Otages en octobre 1941, en fait partie.

Un local collaborationniste à Nantes, objet d'un attentat par des résistants communistes, en 1942. (coll. Marc Grangiens)
Un local collaborationniste à Nantes, objet d'un attentat par des résistants communistes, en 1942. (coll. Marc Grangiens)

Un procès pour terroriser la population. Le procès des « 42 » est mis en scène par les Nazis comme un grand spectacle de propagande. La salle du tribunal est parée d’oriflammes avec des croix gammées. Il est ouvert au public et les journalistes sont invités à le couvrir.

Raymond Hervé, fusillé le 29 janvier 1943 (Coll. Marc Grangiens).
Raymond Hervé, fusillé le 29 janvier 1943 (Coll. Marc Grangiens).

49 chefs d’accusation. Le Phare, dans son édition du samedi 16 janvier et dimanche 17 janvier 1943, titre : “Le procès de 42 terroristes arrêtés dans la région nantaise a commencé hier matin au palais de justice”. C’est le troisième procès du genre en France contre des résistants communistes après ceux en 1942 de la Maison de la Chimie et du Palais Bourbon à Paris. Son objectif est de terroriser la population car la Résistance intensifie son action dans le département. 49 chefs d’accusation sont retenus contre les inculpés comparaissant devant le tribunal militaire allemand. Le procès dure à peine deux semaines.

Gaston Turpin est fusillé le 13 février 1943. (Coll. Marc Grangiens)
Gaston Turpin est fusillé le 13 février 1943. (Coll. Marc Grangiens)

Sentence. Le verdict tombe le 28 janvier 1943 : la peine capitale est prononcée à l’encontre de 37 condamnés. Le président leur demande alors s’ils ont quelque chose à déclarer. « Au tribunal allemand, je n’ai aucune déclaration à faire », dit à ses bourreaux le métallo nantais Louis Le Paih. « C’est un honneur pour un Français que de mourir sous les balles allemandes », déclare Auguste Chauvin, également ouvrier des Batignolles. Les condamnés chantent La Marseillaise et L’Internationale sous les coups des gendarmes allemands.

Le Champ de tir du Bêle, à deux pas de la Beaujoire et de Carquefou, où furent fusillés les résistants communistes (Crédit Ville de Nantes).
Le Champ de tir du Bêle, à deux pas de la Beaujoire et de Carquefou, où furent fusillés les résistants communistes (Crédit Ville de Nantes).

Prix fort à l’Occupation. Le Phare titre après le verdict : « La civilisation occidentale épure…» Dès le lendemain du procès, un premier groupe de neuf résistants est passé par les armes au champ de tir du Bêle. 25 condamnés seront fusillés le 13 février puis trois le 7 mai 1943. À ce décompte macabre viendront s’ajouter les fusillades de 13 autres militants communistes le 20 août - à l'issue d'un simulacre de justice lors du Procès dit des « 16 », portant le total à 50 le nombre de résistants communistes exécutés en 1943. Après la tragédie des 50 Otages, Nantes paie à nouveau le prix fort à l’Occupation. Pourtant, le procès va tomber petit à petit dans l’oubli lorsque la paix revient.

 

Peu après l'exécution des 50 otages (48 en fait), le général de Gaulle décerne la croix de Compagnon de la Libération à la Ville de Nantes (Crédit Archives de Nantes).
Peu après l'exécution des 50 otages (48 en fait), le général de Gaulle décerne la croix de Compagnon de la Libération à la Ville de Nantes (Crédit Archives de Nantes).

Guerre de mémoires. Malgré leur sacrifice, la mémoire des « 42 » est supplantée par celle des 50 Otages à la Libération. Rapidement, c’est à leur martyr que l’on rend hommage. Dès octobre 1944, la municipalité baptise l’artère centrale aménagée sur l’ancien lit de l’Erdre « cours des 50-Otages ». « La charge émotionnelle, les enjeux de mémoire n’étaient pas du tout les mêmes. L’exécution des 50 otages avait eu un retentissement international. De Gaulle avait réagi immédiatement sur les ondes de la BBC et l’auteur allemand Thomas Mann y avait prononcé une allocution sur cet épisode tragique », soulignait Marc Grangiens, historien et documentariste décédé en 2019, auteur en 2003 d’un film documentaire sur le procès des « 42 ».

Les 48 otages fusillés en octobre 1941 étaient représentatifs de la société française de par leurs professions, leurs opinions politiques, leur âge, du jeune communiste de 17 ans - Guy Môquet - à l’ancien mutilé de guerre nantais, Léon Jost. Il n’en est rien pour les « 42 », tous résistants communistes FTP.

Le 22 octobre 1952 est inauguré le monument commémoratif, dessiné par Marcel Fradin et sculpté par Jean Mazuet, érigé au bout de l'actuel cours des Cinquante-Otages (Crédit : Archives de Nantes)
Le 22 octobre 1952 est inauguré le monument commémoratif, dessiné par Marcel Fradin et sculpté par Jean Mazuet, érigé au bout de l'actuel cours des Cinquante-Otages (Crédit : Archives de Nantes)

« Parti des fusillés». Avec la Guerre froide et l’affrontement local entre gaullistes et communistes, un conflit mémoriel se cristallise. « Les municipalités Orrion puis Morice occulteront cet épisode noir de la Seconde Guerre mondiale. Rien à Nantes ne viendra le rappeler. À Rezé par contre, les 13 fusillés originaires de la commune seront commémorés sans interruption. Une plaque à l’entrée du cimetière Saint-Paul porte leurs noms », soulignait Marc Grangiens. Puis le Parti communiste préfère mettre en avant également les 27 martyrs de Châteaubriant, exécutés parmi les 50 otages d’octobre 1941. Il construit ainsi partiellement sa mémoire de « parti des fusillés », morts pour leurs idées en héros et non pas en combattant et en commettant des attentats, comme c’est le cas des « 42 ».

"Auguste Chauvin, résistant FTP. 1910-1943. Lettres d'un héros ordinaire", par le Collectif pour la mémoire des 42 (L'Oribus) est paru en 2003. Tout comme le documentaire sur le procès des "42".

Réhabilitation. Il faudra attendre 60 ans pour réhabiliter la mémoire des « 42 ». Pour la première fois en janvier 2003, un hommage officiel est rendu aux 37 résistants communistes fusillés en 1943. Le collectif « Procès des 42 » qui réunit notamment le Comité départemental du Souvenir et la fédération départementale des déportés, internés, résistants et patriotes, voit ainsi son action aboutir.

Le samedi 10 février 2018, une rue dédiée aux frères Hervé était inaugurée dans le secteur du Bêle, au niveau de la rue Claude et Simone Millot. Raymond Hervé, résistant communiste et membre des FTPF, fut fusillé le 29 janvier 1943 au terrain de tir du Bêle. Son frère Edouard, responsable de la branche militaire du Parti communiste clandestin, l'avait été le 30 décembre 1942 au camp militaire de La Maltière en Saint-Jacques-de-la-Lande, près de Rennes.

L'info en +

Une commémoration pour ne pas oublier

Sous l'égide de la maire de Nantes, Johanna Rolland, du Conseil municipal et du Comité du Souvenir des Fusillés de Châteaubriant et Nantes, la cérémonie commémorative de l’exécution des résistants condamnés par les Nazis lors du Procès des 42 et du Procès des 16, se déroule chaque année fin janvier, au Monument du terrain du Bêle, rue Claude et Simone Millot, à Nantes.

En savoir plus

Découvrez la contribution de Marc Grangiens, "Le Procès des 42", sur le site de Nantes Patrimonia.