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« Gengis Khan et les Mongols ont changé notre perception du monde »

ActualitésPublié le 12 octobre 2023

Rencontre avec Bertrand Guillet, directeur du Musée d’histoire de Nantes et l’un des commissaires scientifiques de l’exposition événement Gengis Khan, visible au château à partir du 14 octobre 2023.

Bertrand Guillet, directeur du Musée d'histoire de Nantes, est l'un des trois commissaires de l'exposition en cours au château © Anne-Sophie Ply.
Bertrand Guillet, directeur du Musée d'histoire de Nantes, est l'un des trois commissaires de l'exposition en cours au château © Anne-Sophie Ply.

Pourquoi monter à Nantes une exposition sur Gengis Khan, conquérant et fondateur de l’Empire mongol au début du XIIIe siècle ?

« Le Musée d’histoire de Nantes travaille depuis des années sur la Traite, à faire comprendre qu’il ne s’agit pas du simple triangle atlantique mais d’un schéma beaucoup plus globalisé. C’est cette question des échanges, de la mondialisation qui nous intéressait chez Gengis Khan, plus que la conquête. Avec lui, nous revenons à des routes terrestres, là où de précédentes expositions au château – La soie & le canon en 2010 ou Vikings en 2018 – évoquaient des routes maritimes. »

Quelle a été votre approche ?

« L’idée est de montrer comment les Mongols ont changé le monde. Que derrière l’image de conquérants barbares et nomades, la réalité de l’Empire mongol est tout à fait autre chose. L’exposition amène le visiteur à faire un grand voyage. Cela commence par comprendre la steppe et ses particularités, les animaux qui la peuplent, le rapport des hommes au cerf, puis au cheval... On évoque ensuite les premières civilisations, les premiers empires qui mettent en place des organisations sociales, militaires, dont les Mongols vont plus tard hériter. Ces derniers vont développer un grand commerce mondial en s’assurant la mainmise des routes de la soie, source de richesses incommensurables. Ils diffusent par exemple des soieries tissées d’or, que l’on retrouve représentées dans les peintures de la Renaissance italienne. Ils inventent dans le domaine des arts comme le fameux "bleu et blanc chinois" ; il y a des apports dans l’agriculture ; ils créent les premiers observatoires en Chine, en Perse… Les Mongols instaurent des relations diplomatiques, ils font aussi circuler des cartographes et vont ainsi bouleverser notre perception du monde, directement ou indirectement. Par exemple, quand Christophe Colomb s’embarque en 1492, il souhaite retrouver les merveilles décrites par Marco Polo, qui avait séjourné à la cour du Khan à la fin du XIIIe siècle. »

Quel rôle joue Gengis Khan ?

« C’est le premier à fédérer toutes les tribus, à constituer la nation mongole. Une somme de facteurs va déclencher l’expansion de l’empire, qui va finir par s’étendre de la Corée à la Méditerranée, jusqu’à la Pologne et la Hongrie, même si les Mongols échouent avec le Japon, l’Inde, les Mameluks égyptiens… Cela représente 22 % des terres du globe ! Pour structurer l’Empire, Gengis Khan privilégie la méritocratie, plutôt que l’héritage clanique, en choisissant les meilleurs : Mongol ou non, homme ou femme. Autre caractéristique : la tolérance religieuse. »

"À l’unisson" de Zhao Mengfu (1254-1322), peinture sur papier du 14e siècle, époque Yuan © Musée du Palais. Taipei, Taiwan.

Comment avez-vous travaillé au montage de l’exposition ?

« J’ai écrit le synopsis avec Marie Favereau, une universitaire grande spécialiste de l’Empire mongol, et Jean-Paul Desroches, ancien conservateur au Musée Guimet et directeur des fouilles archéologiques franco-mongoles. Le musée national Chinggis Khaan, qui a ouvert en 2022 dans la capitale Oulan-Bator, est notre premier partenaire. Il nous prête environ un tiers des 450 objets présentés au château, un autre tiers provenant d’une très grande collection privée d’Oulan-Bator, le reste d’institutions et collections européennes – le Louvre, Guimet, les musées de Lorient, Sèvres, Lyon, Zürich… La scénographie a été confiée à un Anglais, Tim Petty, car une partie de l’exposition est amenée à voyager dans le monde : à Oulan-Bator l’an prochain, puis en Amérique du Nord, et sans doute en Australie. Le nom de Nantes va circuler dans le monde sur plusieurs années ! »

Une première en France

Si son nom est bien connu, l’exposition nantaise est la première en France consacrée à Gengis Khan ! Le soutien du gouvernement de Mongolie a été crucial. L'exposition, reconnue « d’intérêt national » par le ministère français de la Culture, est organisée sous le double patronage du président de Mongolie et du président de la République française.

Une riche programmation culturelle

Pendant plusieurs mois, le château des Ducs de Bretagne va vivre à l’heure de la Mongolie ! Pour preuve, les cinq yourtes traditionnelles dressées dans la cour. Elles accueilleront certaines des animations de la saison mongole, d’autres étant programmées au rez-de-chaussée du bâtiment du Harnachement, d’autres encore dans divers lieux de la ville. Parmi les événements attendus :

  • Marché de l’artisanat mongol : 14 au 22 octobre. 24 représentants des grandes traditions locales présentent arts textiles, du bois, calligraphie, joaillerie...
  • Colloque historique international : 14 et 15 octobre. Historiens et archéologues évoquent l’Empire mongol et sa contribution à l’Histoire mondiale.
  • Nuit dans la steppe : 10 novembre. Ce 28e Nocturne invite spécialistes et artistes, mongols et français, qui présenteront des traditions emblématiques : costumes, écriture bichig, peinture, chant diphonique, instruments de musique, dégustations…
  • Conférence de Marie Favereau : 13 novembre. L’une des trois commissaires scientifiques de l’exposition nantaise retrace la manière dont les Mongols sont devenus une force motrice du développement mondial.
  • Dessins de lumière : 25 novembre au 7 janvier. Cette exposition collective réunit plusieurs photographes mongols et français, qui explorent des contextes particuliers : rituels chamaniques, rapport à la mort et aux défunts, crise du Covid-19, rapport au « chez-soi » des éleveurs nomades...
  • Stereotrip Oulan-Bator : 14 décembre. Une soirée à Stereolux pour découvrir des artistes contemporains de Mongolie.