2023-04-06T17:42:35Z https://metropole.nantes.fr/files/images/actualites/culture-loisirs-patrimoine/musee-arts/Hyper%20sensible%20John%20DeAndre%20%c2%a9%20Thierry%20M%c3%a9zerette.jpg

Hyper sensible, la sculpture hyperréaliste à fleur de peau

Actualités- Mis à jour le 06 avril 2023

Du 7 avril au 3 septembre 2023, la nouvelle exposition du Musée d’arts de Nantes donne un coup de projecteur sur la sculpture hyperréaliste. Les explications de Katell Jaffrès, responsable des collections art contemporain.

Katell Jaffrès, commissaire scientifique de l’exposition Hyper Sensible, devant une œuvre d’Evan Penny,
Katell Jaffrès, commissaire scientifique de l’exposition Hyper Sensible, devant l'œuvre d’Evan Penny "Camille".

Comment et dans quel contexte est née la sculpture hyperréaliste ?

Tout comme la peinture, elle apparaît fin des années 60, début des années 70 aux États-Unis. Le pays connaît alors des crises – comme la guerre du Vietnam – et ces artistes pionniers se mettent à interroger la vérité, ce qui fait la réalité. Ils ont recours à différentes techniques pour aller vers des effets de réalisme extrême : le bronze, le grès, des matériaux issus de la pétrochimie comme la résine, la fibre de verre, parfois des accessoires comme les vêtements, de vrais cheveux… Ils utilisent aujourd’hui des matériaux de type silicone, développés aussi pour les effets spéciaux au cinéma, et qui permettent des effets de peau encore plus forts.

Comment sont-ils perçus à l’époque ?

La rupture est forte avec l'expressionnisme abstrait, qui domine alors la scène artistique, et leur travail est décrié parce que jugé trop proche du réel. Dans les décennies suivantes, où la figuration reprend plus d’importance, l’hyperréalisme suit son chemin, continue d’évoluer, mais il n’embarque pas toute une série d'artistes. Ce n'est pas un mouvement en soi, plutôt une forme artistique. Certains en ont fait une pratique assez exclusive, pour d'autres c'est une forme d'art parmi d'autres dans leur travail.

"Flea Market Lady" de Duane Hanson, a intégré les collections du Musée d'arts de Nantes © Thierry Mézerette

Pourquoi le Musée d’arts de Nantes y consacre une grande exposition ?

Il y a eu peu d’expositions sur la sculpture hyperréaliste et il se trouve que nous possédons une œuvre d’un de ces pionniers, Duane Hanson – c’est même l’unique œuvre de l'artiste présente dans une collection publique française. Cette « femme du marché aux puces », Flea market lady, avait été exposée lors de notre réouverture dans l'espace vitré de la rue Gambetta. Ça a été un peu le point de départ pour aller visiter la sculpture hyperréaliste. Nous présentons 35 œuvres obtenues grâce à des prêts internationaux d'institutions, de galeries, de collections particulières. Certains artistes sont connus ici, comme Daniel Firman qui a participé au Voyage à Nantes, Gilles Barbier qui a été exposé à la HAB galerie. D’autres œuvres sont montrées pour la première fois, en tout cas pour la première fois en Europe, à l’image de l’Américain Tip Toland dont le travail a très peu circulé ici.

Quelle a été votre démarche ?

L’idée n’est pas de faire un état des lieux de la sculpture hyperréaliste, mais d’y porter un regard. L'exposition a pour titre Hyper sensible car elle montre comment ces artistes représentent avec le corps humain quelque chose d’immatériel : le sensible, la sensibilité. Qu'est-ce qui fascine autant quand on est face à une œuvre hyperréaliste ? Pourquoi est-on aussi troublé, touché ? Qu'est-ce qui fait que, face à la représentation d’un corps humain, on a un panel d’émotions, la surprise, l'intérêt, le malaise, le rejet ? L’exposition révèle aussi ce qui se joue dans la relation entre le visiteur, l'artiste, l'œuvre, et comment cette forme d'art s’inscrit dans un héritage : celui de la sculpture, de la représentation du corps et du portrait.

Comment s’organise l’exposition ?

La scénographie a été travaillée de façon à ce que certaines œuvres soient mises en regard, et d’autres puissent exister par elles-mêmes. Les visiteurs déambulent à travers trois sections. Dans la première, « Du vrai avec du faux », on montre comment l’artifice, la précision extrême sont utilisés pour aller vers le vrai, et le rapport qui se crée entre l’œuvre et celui qui la regarde : il a tout le loisir d’observer, de scruter l’autre – une situation impossible dans la réalité. Dans les œuvres de la deuxième section, « Corps, fiction, miroirs », les artistes proposent des débuts de scénario, que l’on est libre de compléter ; ils évoquent aussi les postures sociales, le cycle de la vie. La troisième partie interroge le « Paradoxe de l'invisible » : comment, en allant dans le détail, en s’attachant à la réalité, les artistes arrivent à représenter la sensibilité. L’espace central du patio présente une grande œuvre de Daniel Firman, avec neuf personnages grandeur nature. Au centre du parcours, des focus historiques donnent des clés pour comprendre l’histoire de l’art, la place qu’y occupe l’hyperréalisme, la représentation du corps dans l’Antiquité...

"Amber reclining" de John DeAndrea, l'un des pionniers de l'hyperréalisme © Thierry Mézerette
Infos pratiques sur le site du Musée d’arts de Nantes

Un week-end hypersensible (et gratuit) les 15 et 16 avril

Il y en aura pour tous les goûts… ou plutôt pour tous les sens. L’exposition événement du Musée d’arts de Nantes donne lieu à un grand week-end gratuit, à destination notamment des familles. Au menu : visites de l’exposition Hypersensible et des collections permanentes, visites olfactives, vernissage famille (conseillé à partir de 8 ans), conférence sur la sculpture hyperréaliste avec un historien de l’art et un philosophe, atelier danse contact… le programme complet est à découvrir ici.