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Alcool et marketing : « Il ne faut pas détricoter la loi Évin »

ActualitésPublié le 23 janvier 2024

Entre lobbying, campagnes d'affichage et internet, les alcooliers font preuve d'inventivité pour séduire les jeunes et les femmes en particulier. État des lieux avec Jacques-François Diouf, maître de conférences en sciences de gestion à l'Université de Rennes.

Jacques-François Diouf, maître de conférences en sciences de gestion à l'Université de Rennes
Jacques-François Diouf, maître de conférences en sciences de gestion à l'Université de Rennes

Quelles sont les formes de stratégies marketing déployées par les industriels de l'alcool pour nous inciter à boire ?

« Il faut replacer le marketing dans ce qu'on appelle les déterminants commerciaux de la santé. Les individus, de manière générale, sont exposés dans leur environnement naturel à différents stimuli qui ont tendance à pousser à la consommation. Dans le cadre du marketing, il peut s'agir d'une édition limitée pour tel ou tel produit, d'une affiche dans la rue ou d'un coupon de réduction dans un magazine... À titre d'exemple, les femmes ont été très longtemps considérées par les industriels de l'alcool comme une cible sous-exploitée. Pour les inciter à consommer, on utilise des codes marketing spécifiques comme l'usage du rose, l'argument du 0% ou du light ... Pour cibler les jeunes, les industriels passent par des produits qui masquent le goût de l'alcool avec du sucre ou des saveurs particulières. Ils travaillent aussi sur le design du produit en passant par des formes, des  couleurs ou des noms attractifs à l'image de la bière La levrette.
De nombreuses marques sont présentes sur les réseaux sociaux  comme Tik Tok et Instagram ou passent par des influenceurs pour adopter leur format de communication adapté à des cibles jeunes. Les codes ou les véhicules marketing utilisés pour consommer de l'alcool tournent autour des centres d'intérêt récréatifs des cibles : cinéma, musique, mode… Cela crée un canal de communication privilégié qui exclut toute personne qui n'a pas connaissance de ces codes ou qui ne les maîtrise pas ».

Quel est l'impact de ces stratégies marketing sur les jeunes ?

« Beaucoup d'études se sont intéressées à l'impact du marketing de l'alcool. Celles-ci se focalisent sur des publics jeunes ou mineurs car ils sont considérés comme vulnérables du point de vue de la santé publique. La plus récente date de 2020. C'est une  synthèse de 38 études longitudinales qui ont été menées entre 1980 et 2015 portant sur des jeunes de plus de 8 pays différents. Elles montrent clairement que plus vous êtes exposés à de la publicité d'alcool et à des contenus positifs sur l'alcool – qui vous font croire que l'alcool va faire de vous quelqu'un de cool ou un bon sportif –, plus vos perceptions du produit, l'attitude à son égard et le désir de le consommer sont positives. »

Quelles sont les  mesures de santé publique en réponse à ces stratégies marketing ?

« La loi Évin réglemente la publicité de l'alcool en France depuis 1991 sur le volet contenu publicitaire – autorisé ou interdit – et sur l'exposition – quel média et à quelle heure. Elle a été affaiblie au cours des dernières années et n'est pas toujours respectée par les industriels de l'alcool du fait du manque de moyens. C'est  grâce au travail d'associations comme les sites Avenir Santé, Santé publique France ou France Addiction qu'on est capables d'identifier des pratiques marketing des alcooliers et d'identifier les pratiques qui respectent ou ne respectent pas la loi et à partir de là de les amener vers la justice. À côté de ces associations, des chercheurs comme Ana Millot, Karine Gallopel ou moi-même mènent des études pour mesurer l'impact de ces activités marketing et proposer en réponse des mesures de santé efficaces pour contrer le marketing des alcooliers ».

Une conférence-débat gratuite mercredi 24 janvier

Dans le cadre du Dry January #Défi de janvier, la Ville de Nantes, en partenariat avec Nantes Université et le soutien de Nantes Métropole, propose de participer à la conférence-débat « Alcool et marketing: un cocktail qui incite à boire ». Ana Millot, ingénieure de recherche en marketing social et Jacques-François Diouf apporteront des éclairages scientifiques pour mieux comprendre et repérer les stratégies marketing ciblés et porteront un regard objectif sur les lobbying de l’industrie de l’alcool pour contrer les politiques publiques, leurs arguments.

Mercredi 24 janvier à 18h30 à l’UFR Odontologie de Nantes Université. Entrée libre et gratuite.