L’été 2022, le plus chaud jamais enregistré en Europe, a été un électrochoc. Les températures records ont accéléré la prise de conscience de l’urgence de repenser la manière de construire les villes, particulièrement touchées en raison d’un phénomène de surchauffe appelé « îlot de chaleur urbain ». Plus sobres, moins bitumées, plantées d’essences adaptées au climat que nous aurons en 2050… « Elles doivent concilier les enjeux de requalification urbaine, de santé et d’adaptation au changement climatique, être plus aérées et arborées pour réduire les îlots de chaleur, éviter les inondations, dépolluer l’air que l’on respire… », explique l’Auran, l’agence d’urbanisme de la région nantaise.
Développer la nature en ville est un enjeu de santé publique majeur. Comme l’attestent de nombreuses études internationales, « le contact direct aux espaces verts a des effets bénéfiques à la fois sur la santé physique, mentale et sociale des citadins », assure Ghozlane Fleury, professeure a Nantes Université. Il est corrélé a un niveau de bien-être plus élevé, moins d’anxiété et de sentiment d’isolement… Pour Sylvain Grisot, urbaniste, auteur de Réparons la ville !, le bénéfice est double : « Une rue végétalisée qui nous permettra de survivre en 2050, est aussi une rue pacifiée où l’on peut passer à vélo et où il fait bon vivre. »
À Nantes, cité portuaire de tradition horticole riche en parcs et jardins, un plan de renaturation – le plan pleine terre – a été lancé dès 2021 pour végétaliser de façon massive les espaces publics, les cours d’école et de crèche… Progressivement, le bitume cède la place a de nouveaux espaces de verdure, avec des sols plus perméables favorisant l’infiltration des eaux de pluie. De nouveaux arbres prennent racine selon la règle du « 3/30/300 », inscrite dans la charte des arbres adoptée pour que chaque habitant puisse voir au moins 3 arbres depuis sa fenêtre, vivre dans un quartier avec 30% de canopée et à moins de 300 mètres d’un espace vert. Au total, 17 M€ sont investis dans ce mandat (deux fois plus que lors du précédent), dont 9 M€ dans les quartiers populaires.
La végétation gagne ainsi du terrain dans tous les quartiers, notamment les plus minéraux (comme le centre-ville ou l’île de Nantes). Ce virage écologique implique de réinterroger la place de la voiture, par exemple de convertir un parking en jardin. Dans le même temps, les jardiniers municipaux créent des « oasis de biodiversité » comme dans les douves du château, et multiplient les potagers, parcs et squares publics. Objectif ? « Permettre aux habitants de respirer, se rencontrer et s’évader sans avoir besoin d’aller trop loin, ni de fuir la ville le week-end », résume Romaric Perrocheau, directeur du service Nature & jardins.
Ce qu’il reste encore à faire
Plus de nature et moins de bitume : Nantes a inscrit cette révolution verte dans ses documents d’urbanisme pour que chaque nouveau projet intègre 15 à 20 % de pleine terre et 50 % d’arbres en plus. La traduction prend du temps. « Il faut au moins six ans pour créer un paysage et 10 à 15 ans pour profiter de l’ombre d’un arbre », souligne Romaric Perrocheau. Dans le centre ancien, l’évolution des grandes places historiques se heurte à plusieurs contraintes : règles de protection du patrimoine architectural, complexité des sous-sols (parkings, réseaux, etc.), conflits d’usage, nature du sol… La place Feydeau-Commerce, jugée encore trop minérale, est un exemple de ces difficultés.
En centre-ville, la limite à la végétalisation est aussi l’espace. C’est l’un des sujets les plus complexes à gérer pour les urbanistes, qui doivent concilier la place faite aux mobilités, aux logements, aux activités… « La nature a longtemps été considérée comme une moins-value dans cette équation, mais ça change », assure Romaric Perrocheau.
Exemple emblématique de cette bifurcation : la transformation de la place Gloriette Petite-Hollande. En 2022, la Métropole a révisé le projet en profondeur pour aller encore plus loin dans la renaturation de ce grand parking. Les premières plantations démarrent en avril, et cet été des activités ludiques seront proposées pour donner à voir ce que sera, demain, ce poumon vert. Il faudra être patient : ce n’est qu’à l’horizon 2030 que ce « parc-archipel » prendra toute son ampleur, intégrant le marché, avec 4 hectares d’espaces verts et près de 1 000 arbres.
En chiffres
13
jardins publics créés, réaménagés ou agrandis depuis 2020. Nantes compte aujourd’hui 119 squares, parcs et jardins, 10 nouveaux jardins sont attendus d’ici 2026 et 10 squares existants seront rénovés ou agrandis.
10
hectares de nature gagnés sur le bitume, sur l’espace public, dans les écoles et les crèches… 14 ha d’ici 2026, soit deux fois la surface du Jardin des plantes et le double des objectifs fixés.
50000
arbres et arbustes plantés entre 2020 et 2026.
Pourquoi une telle profusion de projets d’espaces verts ?
Cécile Bir, adjointe aux parcs, squares et jardins, et Delphine Bonamy, adjointe à la nature en ville :
« Nous nous sommes engagés à développer la nature en ville. C’est un choix, pour renforcer notre résilience face au changement climatique, pour préserver la biodiversité et pour le bien-être des habitantes et habitants. Nouvelles parcelles de jardins collectifs, rues jardinées, parkings débitumés, nouveaux squares, plan de retour à la pleine terre, oasis de biodiversité, boisements d’avenir… Tous ces projets concourent à créer des espaces de respiration, de fraîcheur et de ressourcement. Nous voulons rendre chaque coin de Nantes plus vivant et plus accueillant. C’est un choix de vie pour aujourd’hui et pour demain. Parce qu’une ville qui respire, c’est une ville où il fait bon vivre. »