Perturbateurs endocriniens chez les enfants : les conseils d’un toxicologue
Publié le 30 août. 2025
Dernière mise à jour 01 sept. 2025
Ils dérèglent notre système hormonal et touchent particulièrement les enfants. Toxicologue clinicien au CHU de Nantes, David Boels explique les effets des perturbateurs endocriniens sur notre santé et livre ses conseils pour réduire l’exposition des personnes fragiles, à l’instar des enfants.
Qu’appelle-t-on perturbateurs endocriniens ?
« Ce sont des substances chimiques naturelles ou de synthèse et qui sont étrangères à notre organisme. Le point commun de toutes ces substances, c’est leur capacité à dérégler notre système hormonal. Or, les hormones sont des messagers chimiques cruciaux qui interviennent dans la croissance, le métabolisme, le sommeil, la santé reproductive... »
Ces substances qui viennent brouiller nos messagers chimiques, ont-elles toujours été présentes ?
« Pour certaines oui. Je pense par exemple au soja qui contient des phytoœstrogènes en grande quantité. Cela ne pose pas problème chez l’adulte mais chez le jeune enfant, en quantité inadaptée, cela peut entraîner des dérèglements hormonaux.
En revanche, beaucoup d’autres substances sont relativement nouvelles. Leur présence dans notre environnement est liée à l’essor de la société industrielle. Depuis les années 60, nous vivons en effet dans un environnement extrêmement chimique, ce qui a considérablement accru notre exposition aux perturbateurs endocriniens. En fonction des données scientifiques dont nous disposons, on estime entre 800 et 1 400 substances aux propriétés perturbatrices endocriniens auxquelles nous serions confrontés. »
Quels sont leurs effets sur l’organisme ?
« Couplés à notre mode de vie, leurs effets sont nombreux. Ils sont suspectés de créer des pubertés précoces – tous les 10 ans, la puberté avance de deux mois en France – de provoquer chute de fertilité, malformation, cancers hormonodépendants (cancer de la prostate, des seins, des ovaires…). On les suspecte aussi de jouer un rôle dans les maladies neuronales comme l’Alzheimer, les troubles de déficit de l’attention ou d’autres pathologies comme le diabète, l’obésité, les allergies, l’asthme…
Il faut toutefois souligner qu’une seule substance n’entraîne pas mécaniquement tous ces effets. C’est plutôt la diversité du cocktail de substances auxquelles on est exposé ainsi que la quantité et la durée d’exposition qui entrent en jeu dans la survenue de ces pathologies. »
Qui est concerné ?
« Tout le monde. Rappelons que l’effet des perturbateurs endocriniens commence in utero ! Certains publics sont toutefois plus fragiles que d’autres. C’est particulièrement le cas des femmes enceintes, des jeunes enfants et des adolescents. Les enfants, par exemple, absorbent plus de perturbateurs que les autres en raison de leur faible poids, de la finesse de leur peau ou de leurs habitudes (ils sont plus souvent au sol). Leur foie et leurs reins ne sont pas encore matures, donc moins efficaces pour éliminer les substances chimiques. En somme, plus ils sont petits, plus le risque d’exposition est grand. »
Comment les pouvoirs publics, et en particulier les collectivités territoriales, peuvent-elles agir ?
« La prise de conscience des conséquences potentiellement délétères des perturbateurs endocriniens est relativement récente. Certains de ces effets sont clairement avérés, d’autres fortement suspectés. Mais l’absence de preuve de danger ne signifie pas l’absence de danger. Le premier rôle du législateur, au niveau national voire européen, est donc de réglementer pour protéger la population, dès lors qu’un risque est fortement soupçonné.
À leur niveau, les collectivités peuvent également agir, notamment auprès des publics fragiles que sont les tout-petits et les enfants, en prenant garde aux matériaux de construction et aux revêtements utilisés dans les équipements publics comme les crèches et les écoles, en favorisant des produits ménagers simples (savon, vinaigre, bicarbonate…), en utilisant des matériaux inertes comme le verre, l’inox plutôt que le plastique, ou en augmentant la part du bio dans les cantines. On sait en effet que certains pesticides sont des perturbateurs endocriniens. Les collectivités comme les Villes peuvent aussi former les professionnels de l’enfance pour qu’ils sensibilisent à leur tour les familles. »
Justement, pour les familles, quels conseils peut-on donner ?
« Chacun peut mettre en place chez soi des choses relativement simples : aérer au moins deux fois par jour, de sorte à éviter la concentration des polluants dans notre intérieur ; être sobre chimiquement, c’est-à-dire éviter les produits d’entretien chimiques, les parfums d’ambiance et autres bougies parfumées ; préférer des cosmétiques solides, qui ne contiennent pas de paraben, un conservateur souvent utilisé dans les cosmétiques liquides et un perturbateur avéré ; favoriser des matériaux comme le verre, l’inox ou la fonte pour cuisiner ; privilégier le bio et éviter l’alimentation ultra-transformée. L’idée, c’est de scanner son environnement et de se dire comment améliorer son environnement pour réduire son exposition. Il y a toujours des mesures simples à mettre en œuvre. »
Réduire la présence des perturbateurs endocriniens à l’école : l’exemple des cantines
Depuis 2019, la Ville de Nantes a remplacé toute la vaisselle plastique de service de ses restaurants scolaires, au profit de pichets en inox et d’assiettes et verres en verre. Elle poursuit le déploiement de l’inox en remplacement du plastique pour la réchauffe des plats non préparés par la cuisine centrale dans les restaurants scolaires.
Pour accélérer cette transition, la Ville prépare l’arrivée, à l’horizon 2030, de deux nouvelles unités de production en remplacement de l’actuelle cuisine centrale. Elles permettront de préparer davantage des produits « faits maison » et de poursuivre la suppression du plastique, grâce aux nouvelles capacités de lavage et de stockage de l’inox.