2022-10-28T10:50:00Z https://metropole.nantes.fr/files/images/actualites/culture-loisirs-patrimoine/histoire%20et%20patrimoine/seconde%20guerre%20mondiale/Allemands%20cours%20erdre_800.jpeg

La saisissante Nantes en guerre de Sylvain de Fleurieu

Actualités- Mis à jour le 28 octobre 2022

Cet historien amateur, originaire de Trentemoult, vient de publier une somme sur Nantes pendant la Seconde Guerre mondiale. L’ouvrage est illustré de photos anciennes acquises au cours de ses recherches, colorisées et pour la plupart inédites. Interview.

19 juin 1940 : les premières colonnes allemandes arrivent sur le boulevard de l'Erdre. Nantes va vivre plus de quatre années sous l'Occupation © coll. Sylvain de Fleurieu.
19 juin 1940 : les premières colonnes allemandes arrivent sur le boulevard de l'Erdre. Nantes va vivre plus de quatre années sous l'Occupation © coll. Sylvain de Fleurieu.

Comment s’est constituée votre collection de photos de Nantes pendant la dernière guerre ?

« C’est un peu le fruit du hasard. J’ai acheté une première photographie d’un sous-officier allemand, qui m’a fait réaliser qu’il existait des photos privées de la Seconde Guerre mondiale. J’ai commencé à acheter des lots de photos de cette période, puis je me suis concentré sur Nantes. À l’époque, en 2012, il n’y en avait quasi aucune de connue, c’était un peu comme découvrir un filon qu’il fallait absolument exploiter. C’est devenu une passion, qui prend beaucoup de temps, de volonté, d’investissement... Je ne le fais pas par intérêt mais pour sauver ces photos, pour qu’elles soient publiées ou archivées. »

Pourquoi ces vues sont-elles si rares ?

« Parce que la photographie était tout simplement interdite aux Français, à de très rares exceptions près. Mais les Allemands vont continuer à en prendre. Celle qui figure en couverture de l’ouvrage, avec ces soldats posant sur la plage de Gloriette devant le pont transbordeur, est assez représentative de celles que l'on trouve jusqu’en 1942 : Nantes est alors une ville de garnison assez paisible, les Allemands y font du "tourisme" et repartent. Les photos se raréfient ensuite pour plusieurs raisons : nouvelles restrictions pour éviter l’espionnage, raréfaction du matériel, pellicule et papier... Et puis la ville est de plus en plus marquée par les destructions. »

Trois soldats allemands sur la plage de l’île Gloriette, sur fond du port de Nantes © coll. Sylvain de Fleurieu
Trois soldats allemands sur la plage de l’île Gloriette, sur fond du port de Nantes © coll. Sylvain de Fleurieu

Quelles sont vos trouvailles les plus marquantes publiées dans votre livre ?

« Il y a d’abord cette photo de l’arrivée des Allemands à Nantes, prise le 19 juin 1940 sur le boulevard de l’Erdre – le futur cours des Cinquante-Otages. On y voit la population et tout l’éventail des réactions : ceux qui tournent le dos aux Allemands, ceux qui au contraire les saluent, on lit l’abattement, l’attentisme… Autre photo – trouvée par pur hasard car Nantes n’était pas mentionnée dans le descriptif – et qui est sans doute la plus effrayante : celle d’Alfred Rosenberg place Saint-Pierre. Idéologue du nazisme et antisémite fanatique, il est venu en 1940 pour répertorier des œuvres d’art spoliées. Une autre photo d’intérêt historique est celle prise le 24 octobre 1941, qui montre les militaires allemands faire le salut nazi pendant les obsèques du lieutenant-colonel Hotz. Ce geste inhabituel dans la Wehrmacht montre que cette photo devait être vue par Hitler en personne, et que le dictateur suivait en personne l’affaire de Nantes, dont la portée politique était très importante. »

Les photos dévoilées dans votre ouvrage ont presque toutes été colorisées. Pourquoi ce parti pris ?

« Pour commencer, les livres en noir et blanc ne se vendent plus ! Ensuite, la couleur rend la photo plus vivante, plus proche de nous. Et puis on ne trahit pas le travail d’artistes : il s’agit essentiellement de photos d’amateurs, dont beaucoup étaient floues ou mal cadrées. Nous avons opté pour la colorisation manuelle, un procédé qui nécessite entre une et neuf heures par photo. Pour être le plus fidèle possible, on a travaillé avec un expert en uniformes, un architecte du patrimoine pour les bâtiments… Au total sont présentées près de 280 photos, plus de 500 documents dont 90 % sont inédits, c’est ce qui fait la force de l’ouvrage. »

Vous êtes aussi l’auteur du texte...

« Et il m’a demandé 10 ans de travail ! J’ai d’abord consulté 40 000 pages d’archives – 33 000 aux Archives de Loire-Atlantique et 7 000 dans des archives militaires. J’ai classé toutes ces informations dans des tableaux et recoupé avec tous les ouvrages publiés sur le sujet. L’étude des fonds allemands m’a été très précieuse, en particulier le journal de la garnison de Nantes, où tout est consigné avec une rigueur bureaucratique maladive : incidents, bagarres, rappels à l’ordre… »

Cette somme désormais publiée, où en êtes-vous de vos recherches ?

« Elles continuent… J’aimerais trouver des photos inédites de Hotz, car l’affaire des 50 otages est un tournant de la guerre. Lorsqu'ils sont fusillés le 22 octobre 1941, le masque tombe et le nazisme montre ce qu’il est vraiment : un régime brutal et assassin. Je recherche aussi tout ce qui touche à la Résistance, à la collaboration, à l’antisémitisme. À ce sujet, les photos de la solution finale étant extrêmement rares, je dévoile une photo de déportés juifs en Hollande, qui montre une scène identique à ce qui s’est déroulé à Nantes en 1942. Je rappelle aussi l’histoire d’Henri Zeiler, médecin juif de Trentemoult dont l’arrestation a motivé une pétition de plus de 500 signatures. C’est un des actes très courageux survenus pendant la guerre, et qui montre qu’il n’y avait pas d’indifférence de la population quant au sort des Juifs. »

« 1939-1945 La Guerre à Nantes en couleurs – Révélations historiques et photographiques sur la mobilisation, l’occupation et la Libération », Sylvain de Fleurieu. Éditions D’Orbestier, 256 pages, 35 €.

Un gendarme passionné d’histoire

Né à Clamart en 1986, Sylvain de Fleurieu a grandi à Trentemoult (Rezé) et s’est très tôt passionné pour l’Histoire, en particulier la Seconde Guerre mondiale. Engagé dans la gendarmerie, père de quatre enfants, Sylvain de Fleurieu est actuellement affecté dans les Vosges.

La Seconde Guerre mondiale sur Nantes Patrimonia