Pourquoi ces assises sont importantes ?
« Déjà parce que j’ai été conquise par le titre "Assises" : ça veut dire que c’est quelque chose d’envergure et d’important. Et il est plus que temps de prendre la question des violences au sérieux. Cela permet aussi d’incarner la parole : la violence, ce n’est pas que des statistiques, des chiffres ou des théories : on l’expérimente et on la ressent dans nos chairs. Il faut pouvoir en parler en public. Cette violence, je l’ai découverte en apprenant le récit de la vie de ma mère : née dans une région reculée du Cameroun, elle ne savait ni lire, ni écrire. Elle a été mariée de force à 12 ans et est devenue mère à 13 ans. Elle m’a mise au monde bien plus tard, à 29 ans, par choix et par amour cette fois. Elle a décidé de m’envoyer en France à 6 ans pour me permettre d’avoir un avenir meilleur. J’ai grandi loin d’elle et je n’ai jamais pu la remercier pour ça, alors je m’engage tous les jours, dans mon travail d’autrice et de militante. »
Pouvez-vous nous en dire plus sur la table ronde à laquelle vous allez participer le 26 novembre ?
« L’idée est de parler de la proximité qu’on a avec les agresseurs. Mon postulat est qu’il est très facile d’imaginer ces derniers comme des monstres dérangés qui viennent de nulle part. On n’imagine pas en avoir dans notre entourage. C’est faux, ils sont parmi nous : ce sont des proches, des membres de la famille, des amis. Leurs actes sont un héritage, les conséquences d’une histoire personnelle, d’une construction et d’une culture de la violence ou de la domination, ils représentent une part d’humanité que nous portons tous et qu’il faut regarder en face. Alors ne nous trouvons pas d’excuses, apprenons plutôt à déjouer ces mécanismes et enrayer ces processus de domination. Rappelons également que la violence n’a pas sa place dans l’amour, la passion ou la sexualité ! Elle n’est qu’un processus de domination et de destruction, elle n’a rien de romantique. »
Quelles sont les notes d’espoir en 2022, selon vous ?
« Les jeunes générations qui arrivent sont très sensibles à ces questions. Elles vont plus vite dans la prise de conscience et dans le souhait de mettre un terme à ces violences. Ça me remplit d’optimisme, je pense que c’est elles maintenant qui nous bousculent et nous obligent à ne plus nous dérober. #Metoo il y a 5 ans et plus récemment #MeTooInceste ont libéré la parole et brisé les derniers tabous autour des violences. On dit même que c’est la boîte de Pandore qui s’est ouverte et que ce qui s’en échappe déchaîne les débats dans toute l’actualité. Mais on oublie souvent que dans le mythe grec, tout au fond de la boîte de Pandore, après que tous les maux de la Terre se soient échappés, il reste quelque chose : l’espoir ! Toutes celles et ceux qui luttent contre les violences sont des porteurs d’espoir : ils ont envie que ça se passe mieux. À nous d’agir ! »
Axelle Jah Njiké, du Cameroun à la France
Axelle Jah Njiké est une autrice française née au Cameroun, très engagée contre les violences faites aux femmes et aux enfants, notamment l’excision. Elle a contribué à des ouvrages comme Volcanique, une anthologie du plaisir ou Nos amours radicales. Elle a crée et produit également plusieurs podcasts : Me My Sexe and I®, La fille sur le canapé, Je suis noire et je n'aime pas Beyoncé. Invitée aux Assises nationales de lutte contre les violences sexistes, elle participera à la table-ronde « Les bonnes victimes n’existent pas, les monstres non plus : comprendre la systémie des violences » avec Anne-Cécile Mailfert, (Présidente de la Fondation des Femmes, chroniqueuse et autrice) et Diariata N’Diaye, (Fondatrice de l’association Resonantes), le samedi 26 novembre à 14h. La table-ronde sera animée par Maud Raffray et Eric Warin (membre de l'équipe de programmation-animation de ces Assises).
Retrouvez la programmation des Assises sur le site officiel.