Au Breil, le (jadis) bien nommé « carré gris », grande place minérale à l’angle des rue Feyder et du Breil, devra peut-être être rebaptisé car il se pare peu à peu de bois et de couleurs. Depuis l’été 2021, le collectif Gru, qui réunit de jeunes architectes-constructeurs, travaille avec les habitants à la redéfinition de ce lieu jusqu’alors nu, sans vie et sans ombre. Le projet « Faire place » s’est déjà concrétisé par plusieurs chantiers participatifs qui ont permis de voir « pousser » des aménagements voulus par les habitants et coconstruits par eux.
Conçu par les femmes selon leurs souhaits et usages
Depuis avril dernier, une nouvelle structure y trône : sur un plancher surélevé, quatre longs bancs-balancelles se font face, protégés du soleil et – un peu – des regards par un jeu de bâches et de sangles. Lesdites sangles servent aussi d’armatures souples aux « bancs », où l’on s’installe dans une position confortable, le dos incliné comme sur une chilienne, avec un léger balancement très agréable. On peut être nombreux à s’y installer, et, surtout, nombreuses, car ce sont des jeunes femmes qui l’ont conçu comme « leur » espace sur la place : « Nous avons mené avec une vingtaine d’entre elles un travail de conception prenant en compte leurs souhaits et leurs usages », explique Aline Caretti, architecte membre de l’association Aléas et du collectif Gru, partenaires de l’opération. Après la conception, sont venus les plans et… la réalisation, assurée en grande partie par dix jeunes femmes du Breil durant les vacances scolaires.
Du bois et du tissu décoré
Pendant une semaine, très motivées, Aminata, Ashanty, Sevval, Fanta, Salimatou, Daloba, Djania, Halime, Gulcan et Anaïs ont scié et assemblé, après avoir appris à utiliser les outils adéquats. Âgées de 16 à 18 ans, rémunérées via un financement de la Ville de Nantes, elles sont eu la satisfaction de construire elles-mêmes un magnifique lieu de rencontre et de détente qui est désormais très apprécié : « Nous avons aussi utilisé, pour la bâche qui recouvre l’ensemble, du tissu décoré par la technique du cyanotype (procédé photographique, ndlr). Ce n’est pas anodin car, si nous souhaitons prouver aux femmes qu’elles peuvent très bien s’adonner à des pratiques genrées masculines, comme la construction de la structure, il est important aussi de valoriser des savoir-faire comme le travail du textile, parfois déconsidérés car «estampillés» féminins. »
Un job de vacances pas comme les autres
En plus de la satisfaction légitime procurée par la belle concrétisation, de leurs propres mains, du projet imaginé ensemble, ce « job de vacances » pas comme les autres a été pour les participantes l’occasion de découvrir concrètement le rôle et le travail de l’architecte et de se confronter aux aléas de la construction, aux modifications à imaginer « sur le tas », au travail en équipe… Avec l’accompagnement, à toutes les étapes, de cinq femmes membres du collectif Gru et de l’association Aléas : « Nous sommes aussi fières qu’elles du résultat obtenu ! ».
La réappropriation de la place par les habitants du quartier avec Aléas et Gru se poursuit, « cette fois plutôt avec des aînés », avec des projets pour l’automne autour de la débitumisation, du jardinage, du végétal…