1815. Pierre-Joseph Colin (1785-1848) reprend le savoir développé par son père Joseph dans le domaine de la conserverie. C’est lui qui crée en 1824 une fabrique de conserves industrielle, rue des Salorges, dans le quartier du port. Dans ce qui n’a plus rien à voir avec un établissement artisanal, on produit des sardines à l’huile qui font la réputation de la conserve nantaise, mais aussi d’autres poissons, des légumes et des fruits, des viandes... C’est le début de l’âge d’or de la conserverie nantaise. Et l’aboutissement d’une série d’innovations, dont celle de Nicolas Appert à qui l’on doit le procédé de conservation des aliments.
« La proximité des maraîchers permet ainsi de créer une filière complète, de la production de fer-blanc pour confectionner les premières boîtes de conserve, en passant par les vernis permettant d’illustrer les boîtes de conserve – celui de Chantenay est mondialement connu – à la fabrication des conserves », explique Arnaud Biette. Le spécialiste du patrimoine industriel nantais pointe « un esprit d’entreprise qui porte le développement de cette activité économique, dans une ville portuaire ».
D’Amieux à Saupiquet
Nantes a également d’autres atouts : une activité importante de négoce de poisson salé (morue, sardine…), des circuits commerciaux vers l’intérieur du pays via la Loire et tous les grands ports de métropole et d’outre-mer. La filière essaime le long du littoral atlantique et Nantes devient la capitale de la conserve alimentaire. Pour preuves, de nombreux brevets sont déposés pour la fabrication des boîtes avec les ferblantiers, pour des systèmes d’ouvertures faciles ou pour l’impression sur métaux.
En 1842, on recensait à Nantes 5 manufactures de conserves, « elles sont 24 en 1883, bien plus que les biscuiteries ! ». En 1880, près de 150 usines emploient plus de 15 000 personnes, en majorité des femmes, de la Loire-Atlantique (alors Loire-inférieure) au Finistère sud. La plupart de ces entreprises sont contrôlées par des capitaux nantais. De grands noms émergent, comme Amieux, Cassegrain ou Saupiquet.
Cassegrain, de Nantes à Saint-Sébastien
C'est à Saint-Sébastien que le charcutier nantais Charles Cassegrain (1831-1902) implante, en 1868, sa première fabrique de conserves alimentaires, au Fresne-Rond, sur la route de Clisson. Il produit ses conserves de légumes dans des bocaux en verre. En 1898, Charles s’associe à son fils Léopold. L’entreprise Cassegrain Père et Fils emploie près de 500 personnes dans les années 1960. Elle développe par la suite la fabrication de plats cuisinés, qui reste toujours sa spécialité. 1970. Saupiquet, au fil de regroupements, concentre l’industrie nantaise des conserves. Le site route de Clisson appartient aujourd'hui au groupe Covi, une société installée dans l’Ouest et spécialisée dans les produits appertisés.
Un savoir-faire perpétué dans l’emballage
Après des décennies de croissance, survient le déclin dans les années 1960. Crises liées aux approvisionnements, à l’évolution du marché et des goûts des consommateurs pendant les Trente Glorieuses, la recherche de prix bas vont engendrer une concentration du secteur, menée principalement par Saupiquet. Amieux arrête son activité en 1969 et le siège de Saupiquet quitte Nantes en 2005.
« Mais un savoir-faire se perpétue encore aujourd’hui dans le tissu industriel local avec ArcelorMittal à Indre, ou Evyosis (Carnaud Métalbox) dans le Bas-Chantenay, acteurs majeurs de l'emballage alimentaire en acier (boîtes de conserve, canettes, etc ) », souligne Arnaud Biette. Et il reste des traces visibles comme l’ancien siège de Saupiquet, boulevard Jules-Verne, aujourd’hui occupé par une grande surface, ou celui de J.J. Carnaud, rue de la Marseillaise à Chantenay, reconverti en foyer-logement.
NOS SOURCES
- Association La conserve des Salorges à la Lune
- patrimonia.nantes.fr
- Dictionnaire de Nantes, PUR éditions
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La saga du procédé Appert
Nicolas Appert est l’inventeur de la technique qui permet la conservation des aliments. L’appertisation, c’est son nom, consiste à stériliser au bain-marie, par un maintien supérieur à 100°C dans un conditionnement hermétique, le récipient garni de ses aliments. Un neveu de Nicolas Appert, Raymond Chevallier-Appert, met au point l’autoclave en 1852, qui permet une stérilisation à haute température, ce qui va ainsi renforcer la conserve alimentaire. Le procédé Appert va connaître une très large diffusion, bien au delà des frontières françaises.