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Yoann, Noémie et Bernard ont tranché dans leur assiette

ActualitésPublié le 15 mai 2024

Pour leur santé, mais aussi pour la planète, Yoann, Noémie et Bernard  ont changé leur alimentation. Davantage de bio, de local, moins  de viande ou même plus du tout. Discussion autour d’une révolution de palais.

 

Yoann Mazza, 27 ans, vit en couple à Nantes et travaille comme développeur informatique. Il est devenu vegan  il y a sept ans. © Christiane Blanchard pour Nantes Métropole
Yoann Mazza, 27 ans, vit en couple à Nantes et travaille comme développeur informatique. Il est devenu vegan il y a sept ans. © Christiane Blanchard pour Nantes Métropole

Un quart de nos émissions de gaz à effet de serre selon l’Ademe, vingt-six millions d’hectares mobilisés, dont 80 % pour les produits animaux... L’assiette pèse lourd dans notre empreinte environnementale. Mais l’alimentation, ce sont aussi un enjeu culturel, des habitudes ancrées, des goûts et dégoûts pas toujours simples à faire évoluer. Yoann Mazza, Noémie Labre et Bernard Viaud, eux, ont décidé de faire de leurs repas leur combat. Nous les avons rassemblés pour un échange… nourri. Pendant plus d’une heure, ils ont parlé batch cooking (cuisine en grande quantité pour préparer plusieurs repas), pesticides, produits bio, mais aussi bonbons et plaisirs culinaires. Asseyez-vous à leur table.

Pourquoi on s’est lancés

Yoann: « Au début de mes études, j’ai vu un film sur la surpêche. Les quantités, le côté industriel… ça m’a choqué. Avec en plus les impacts écologiques, ça m’a fait transitionner tranquillement vers un comportement alimentaire plus en accord avec mes valeurs. En deux mois, je suis passé au végétarisme, puis au véganisme six mois plus tard. »

Noémie : « Quand on a eu des enfants, on s’est dit avec mon conjoint qu’on voulait prendre le virage bio, aller vers des produits plus sains, plus locaux. C’était en 2012, et ça s’est fait petit à petit. Aujourd’hui, on est quasiment à 100 %, sauf lorsqu’on mange à l’extérieur. Quand mes enfants étaient petits, ma fille me disait : " J’ai pas mangé la pomme à l’école parce que j’étais pas sûre qu’elle soit bio. " Bon, sur les bonbons, ils se posent moins de questions."

Bernard : « En faisant une Fresque du climat, on voit les incidences de l’alimentation. On voit que manger de la viande une à deux fois par semaine, ça change beaucoup. Que manger bio permet d’économiser à peu près 60 % de carbone. Alors je suis passé quasiment au 100 % bio. À la fois pour l’environnement et pour ma santé, car j’ai eu un cancer colorectal. »

« Quand mes enfants étaient petits, ma fille me disait : " J’ai pas mangé la pomme à l’école parce que j’étais pas sûre qu’elle soit bio. " Bon, sur les bonbons, ils se posent moins de questions. »

Noémie

Noémie Labre, 39 ans, est masseusekinésithérapeute. Elle vit en couple avec deux enfants à Saint-Sébastien-surLoire. La famille, qui a participé au défi alimentation en 2019, a basculé vers une alimentation bio. © Christiane Blanchard pour Nantes Métropole
Noémie Labre, 39 ans, est masseusekinésithérapeute. Elle vit en couple avec deux enfants à Saint-Sébastien-surLoire. La famille, qui a participé au défi alimentation en 2019, a basculé vers une alimentation bio. © Christiane Blanchard pour Nantes Métropole

Ce qu’on a changé

Soizic : « J’ai intégré le défi alimentation, je voulais des clés pour cuisiner. Ensuite, j’ai rejoint le groupement d’achats au centre socioculturel de l’Allée verte, à Saint-Sébastien-sur-Loire. On achète à plusieurs via Scopéli, et on redistribue. Et en même temps, on a participé à des ateliers de jardinage pour développer notre potager. On a essayé de mettre en place plein de choses pour garder ce mode bio, sans trop jouer sur nos économies. Et mon conjoint cuisine régulièrement dans la semaine parce qu’en plus, tous les deux, on s’amène notre déjeuner quasiment tous les jours de la semaine.»

Bernard : « Il y a trois ans, lors de mon premier défi, j’ai commencé à réduire les quantités de viande. Et j’ai accentué cette année. J’ai fait une croix complète sur le poisson. Pour que ça fonctionne, il faut accepter de passer beaucoup plus de temps en cuisine, et y prendre du plaisir. J’ai pris des cours, ça permet d’allumer de petites étincelles, par exemple sur des techniques de cuisson. »

Yoann : « Pour mon régime végétalien, il a fallu changer les lieux où je fais mes courses. Ça pose plein de questions : certains articles ne sont disponibles que sur internet. Est-ce que ça vaut le coup de les faire venir, quel est l’impact carbone ? Et une fois qu’on a pris ses habitudes, qu’on regarde derrière les paquets, il faut réapprendre aussi à cuisiner autrement. Ma conjointe n’est pas du tout sur le même engagement alimentaire. Mais on fait ensemble des pâtes, du riz, des lentilles. Et ensuite chacun ajoute ce qu’il a envie. Je fais aussi du batch cooking. Le dimanche soir, je cuisine à fond pour préparer les repas du reste de la semaine ! »

Bernard Viaud est comptable. En couple, il a 62 ans et habite Vertou. C’est un habitué des défis citoyens organisés par Nantes Métropole. Déchets, énergie, et deux défis alimentation. © Christiane Blanchard pour Nantes Métropole
Bernard Viaud est comptable. En couple, il a 62 ans et habite Vertou. C’est un habitué des défis citoyens organisés par Nantes Métropole. Déchets, énergie, et deux défis alimentation. © Christiane Blanchard pour Nantes Métropole

Les obstacles, les questions

Yoann : « L’aspect social n’est pas toujours simple quand on est végétarien. Il y a parfois des moqueries, des critiques. Quand on m’invite au resto, je peux refuser parce qu’il n’y a rien qui me correspond et ça râle un peu. Je comprends, ça vient percuter les habitudes et préjugés de l’entourage, ça crée des frictions. Mais quand on est engagé dans une transition alimentaire, on s’est renseigné, on sait justifier ses choix. Alors qu’en face, souvent, les gens mangent d’une certaine façon parce qu’ils ont toujours mangé comme ça. »

Bernard : « Le prix du bio est un obstacle. En revanche, si on cuisine des produits de base, là on peut faire des repas pas chers du tout. Il faut prendre le temps, et toujours essayer de se renouveler, se forcer à aller découvrir des recettes différentes, parce que, sinon on tombe toujours sur ce qu’on sait déjà faire. Il faut ouvrir des livres de cuisine, faire des recherches  sur internet… »

Noémie : « La difficulté, c’est aussi de multiplier les points d’approvisionnement. Au départ, on achetait nos pommes et une partie de nos fruits et légumes aux Côteaux Nantais, une partie de nos courses à la Biocoop et au supermarché pour le papier toilette, bicarbonate ou vinaigre, parce que c’était moins cher. Ça multipliait les déplacements. Et finalement, on a laissé tomber certains endroits parce qu’on passait nos week-ends à courir les magasins. Aujourd’hui, on a deux magasins, le supermarché et la Biocoop, et le groupement d’achat. »

« Quand on le peut, s’aligner sur ses valeurs, faire des efforts à son échelle, c’est une fierté. C’est possible de faire des pas, petits ou grands, vers un monde un peu plus " propre ". »

Grégoire

Ce qu’on en retient

Bernard : « Manger bio a un impact énorme sur le carbone, sur la biodiversité. Dans les fermes qu’on aide à vivre, il n’y a aucun pesticide. Ça veut dire de l’eau qui a moins besoin d’être traitée. Ce sont des coûts très importants pour la société, qui ne sont pas du tout calculés. Et puis ça me permet d’être mieux dans ma tête, en meilleure santé. Ça demande des efforts mais ça en vaut la peine. »

Yoann : « Quand on le peut, s’aligner sur ses valeurs, faire des efforts à son échelle, c’est une fierté. C’est possible de faire des pas, petits ou grands, vers un monde un peu plus « propre ». On ne demande à personne d’être parfait. En revanche, c’est bien de réfléchir à ce qu’on peut faire. Je trouve que c’est gigantesque quand on arrive à faire ça. Pour nous et pour les générations futures. »

Grégoire : « Oui, c’est vrai. Être investi et pouvoir se dire qu’on donne à nos enfants la possibilité de choisir en connaissance de cause, de se rendre compte aussi par eux-mêmes de ce que ça leur apporte, c’est important. Et le défi, notre démarche, c’est aussi parce qu’on était contents de le faire de façon collective, de rencontrer des personnes qui avaient la même philosophie que nous. Ne plus être tout seul, en fait. »