Réemploi : « Des freins sont encore à lever dans les entreprises »

Publié le 19 nov. 2025

Dernière mise à jour 24 nov. 2025

Nantes s’apprête à accueillir les Assises nationales du réemploi le 27 novembre 2025. Florence Veillet et Christophe Marquet, deux experts de l’Ademe, livrent ici un état des lieux de la pratique en France.

  • Dans l'atelier de Gueules de Bois, un acteur du réemploi basé au centre Cyneo à Saint-Aignan-de-Grand-Lieu. © Garance Wester

Quel est le cadre légal autour du réemploi en entreprise en France ?

Christophe Marquet, en charge de l’animation nationale pour le réemploi, la réparation et la seconde vie des produits à l’Ademe : « La loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (Agec) du 10 févier 2020 réglemente certains secteurs d’activité. Par exemple, elle interdit l’utilisation de la vaisselle à usage unique dans la restauration rapide et à emporter. Les fabricants et les distributeurs doivent assurer la disponibilité des pièces détachées pour les véhicules, les équipements électriques et électroniques ou les outils de bricolage. Cette même loi contraint à favoriser la réparation ou le reconditionnement des appareils et l’accès aux notices et pièces détachées pour les professionnels de la réparation. Elle cible également les acteurs de la distribution en interdisant la destruction de leurs invendus. Pour le BTP, elle ajoute un volet réemploi dans le périmètre du diagnostic relatif à la gestion des matériaux et des déchets issus des travaux de démolition ou de réhabilitation des bâtiments de plus de 1 000 m2. Mais pour beaucoup de secteurs d’activité, la démarche de réemploi reste une démarche volontariste. »

Quel regard portez-vous sur la tendance du réemploi à l’échelle nationale ?

CM : « Il y a aujourd’hui de plus en plus d’acteurs du réemploi. De nombreuses entreprises n’ont aucun problème à se débarrasser de matériel usagé auprès d’acteurs de l’économie sociale et solidaire (ESS), mais hésitent à se rééquiper avec de la seconde main. Des freins sont encore à lever en matière de certification et de réglementation de certains produits issus du réemploi, qui compliquent parfois leur mise sur le marché. Par ailleurs, encore beaucoup de fabricants restent sur un modèle économique basé sur la vente d’un produit plutôt que son usage. La généralisation de ce modèle contribuerait pourtant à réduire la quantité de matières premières consommées tout en offrant de nouvelles opportunités d’affaires pour les entreprises. »

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De nombreuses entreprises n’ont aucun problème à se débarrasser de matériel usagé auprès d’acteurs de l’économie sociale et solidaire, mais hésitent à se rééquiper avec de la seconde main.

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Christophe Marquet, Ademe

DR

Quelles sont les craintes les plus communes chez les professionnels ?

Florence Veillet, coordinatrice économie circulaire pour l’Ademe Pays de la Loire : « Dans certains secteurs d’activité, comme le BTP, il existe des freins liés aux assurances ou à la nécessité d’avoir des certificats de conformité pour les produits de seconde main. Des craintes peuvent également exister par rapport aux services après-vente et aux garanties des produits électroniques reconditionnés. Certaines entreprises ont aussi des habitudes avec une marque ou une référence précise qui ne sera pas forcément disponible en seconde main ou dans la quantité souhaitée. Enfin, pour certains clients, il peut subsister une image dégradée des produits de seconde main qu’ils imaginent de moins bonne qualité ou moins durables. Un vrai travail reste à poursuivre sur la transformation des process et des habitudes d’achat, mais aussi sur le renforcement de l’offre des acteurs du reconditionné. »

En quoi le réemploi peut-il être un levier de développement pour les entreprises ?

FV : « Il peut y avoir des avantages économiques car la seconde main coûte généralement moins cher. Si l’entreprise propose des objets, du matériel ou des matériaux dont elle n’a plus l’usage à la revente, directement à d’autres structures ou par le biais d’un acteur de l’économie sociale et solidaire, cela peut être intéressant d’un point de vue financier. Ces pratiques liées au réemploi peuvent permettre de créer des synergies entre les entreprises. »

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Un vrai travail reste à poursuivre sur la transformation des process et des habitudes d’achat, mais aussi sur le renforcement de l’offre des acteurs du reconditionné.

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Florence Veillet, Ademe

© DR

Nantes accueille les Assises nationales du réemploi

Rendez-vous des acteurs de l’économie circulaire, cet événement organisé par Rcube et ses partenaires jeudi 27 novembre 2025 va réunir spécialistes, entreprises, éco-organismes et collectivités. L’ambition : partager des expériences, donner des éclairages réglementaires et des pistes d’action pour développer le réemploi. Au menu, des tables rondes et ateliers sur une foule de sujets – modèles économiques, formation, seconde vie des matériaux du bâtiment, du textile, réparation et reconditionnement – complétés par des démonstrations techniques. Un village d’exposants présentera innovations et solutions, tandis que des ateliers collaboratifs contribueront au Livre blanc du réemploi. La journée se terminera par une séquence dédiée aux projets de territoires, dont Nantes Terre de réemploi, puis la remise de trois prix récompensant des initiatives exemplaires.