Depuis de nombreuses années, à Saint-Jean-de-Boiseau, Brains, Bouaye, ou encore à Saint-Léger-les-Vignes, toutes les rues sont plongées dans le noir au cœur de la nuit, à l’exception des grands axes. En 2022, la plupart des communes de la métropole ont rejoint le mouvement dans le cadre du plan de sobriété métropolitain. L’extinction des lampadaires de 23 h à 6 h permet de réaliser des économies d’énergie et de réduire la facture d’électricité. Mais elle apparaît aussi, de plus en plus, comme un moyen de lutter contre la pollution lumineuse, dont les études pointent l’impact négatif sur le rythme biologique des espèces nocturnes. 28 % des vertébrés et 64 % des invertébrés vivent partiellement ou exclusivement la nuit.
De nombreux signaux d’alarme
« La lumière artificielle perturbe le rythme de vie des animaux nocturnes pour se déplacer, se nourrir, se reproduire, nidifier, etc. », explique Laurent Godet, biogéographe à Nantes Université, membre de l’Observatoire de l’environnement nocturne qui réunit des chercheurs et des praticiens spécialisés sur ces questions (géographes, spécialistes de l’écologie, astrophysicien, paysagiste). Elles leurrent les oiseaux migrateurs, les insectes se retrouvent attirés, puis piégés autour de ces sources lumineuses. Selon une étude de 2008 du Muséum national d’histoire naturelle, la pollution lumineuse a une responsabilité directe dans la mort de centaines de millions d’oiseaux et de milliers de milliards d’insectes chaque année.
Ces signaux d’alarme ont poussé certains territoires à créer des réserves de ciel étoilé, comme celle du Pic du Midi en 2013. À Nantes, la Métropole adapte quant à elle sa stratégie Lumière pour mieux prendre en compte la biodiversité. « Contrairement à d’autres pollutions, la lumière artificielle est une pression sur laquelle on peut agir assez facilement », assure Élisabeth Billet, chargée de mission restauration de la biodiversité à la direction Nature et jardins. Une étude a été réalisée en 2003 pour définir des zones sans éclairage public permettant de préserver les espèces les plus sensibles, comme les chauve-souris ou les papillons de nuit. » Cette « trame noire » est mise en œuvre progressivement pour restaurer des corridors écologiques sombres, au même titre qu’il existe des trames vertes et bleues pour maintenir des continuités naturelles.
Éclairer seulement quand c’est nécessaire
Dans la Vallée du Cens, particulièrement riche en biodiversité, la collectivité a profité du regroupement du groupe scolaire de la Barberie pour repenser entièrement les luminaires. « Ils vont passer en LED d’une intensité lumineuse plus faible, avec une température de couleur moins impactante et un éclairage plus localisé dans l’espace », détaille Élisabeth Billet. Opérationnels à partir de la rentrée scolaire 2024, ces nouveaux lampadaires éclaireront également moins longtemps, avec une extinction totale de 19h30 jusqu’à 7 h du matin. « Nous réfléchissons à ajouter un bouton pressoir pour pouvoir éclairer à la demande, seulement quand les enfants ou le personnel de l’école en ont besoin, précise-t-elle. Nous avons essayé de trouver le meilleur compromis entre les enjeux de biodiversité, le confort et la sécurité des usagers et les possibilités techniques. »
Des effets sans doute rapides
Expérimental, le projet de la Vallée du Cens ne restera pas isolé : « Les zones d’interventions prioritaires sont en cours de définition pour engager les travaux en 2025 », explique Élisabeth Billet. En parallèle, Nantes Métropole mène avec le biogéographe Laurent Godet (lien vers l’itv) un programme de recherche sur l’influence de l’éclairage public sur le chant des oiseaux. Après une phase d’observation en 2024 grâce à un réseau de capteurs de suivi de la pression lumineuse, des expériences d’extinction localisées seront menées en 2025 à Rezé, Bouaye et Bouguenais. S’appuyant sur des études similaires menées en Amérique du Nord sur l’impact du bruit du trafic routier, le chercheur fait l’hypothèse que la réduction de la pollution lumineuse peut avoir une effet quasi immédiat sur le rythme d’activité vocale des oiseaux.
Pour les membres de l’Observatoire de l’environnement nocturne, il faut agir au cas par cas. « Certains points lumineux sont nécessaires sur le chemin des écoliers ou à l’heure du ramassage scolaire. Pour quelqu’un seul le soir, un espace plongé dans l’obscurité totale peut être oppressant. Près des bâtiments publics, des ronds-points, des zones de circulation un peu dangereuses, on a besoin de lampadaires, souligne Laurent Godet. Mais, au-delà, il y a de nombreuses zones où la question mérite d’être posée. » Est-il utile de laisser ce réverbère allumé toute la nuit ? Peut-on le supprimer sans que cela pose problème, l’éteindre une partie de la nuit, ou simplement diminuer l’intensité lumineuse ? « Le sujet doit être discuté à l’échelle de la commune, du quartier, en proposant à la population des temps d’échanges et de déambulations nocturnes », estime le chercheur qui mène actuellement une démarche de ce type avec les communes du parc régional de Brière. « En allant sur le terrain et en parlant des problèmes concrets, on peut diminuer nettement la pollution lumineuse », assure-t-il.
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