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A Nantes, les littératures audios grandissent

Publié le 17 février 2025

Sur le territoire municipal, un large écosystème d’associations et d’institutions œuvrent pour que la littérature, et plus généralement la culture, soient de plus en plus accessibles aux personnes aveugles ou malvoyantes. Petit tour d’horizon de quelques-unes de ces structures, engagées dans une inclusion culturelle qui progresse chaque jour un peu plus.

Sur l'image une femme est assises à son bureau et lit un livre devant un micro, avec un casque audio sur les oreilles.

Que l’on soit aveugle de naissance, ou qu’on le soit devenu, que l’on soit malvoyant, ou même que l’on souffre de dyslexie, il existe une offre de plus en plus large de contenu audio qui peuvent permettre de continuer à s’informer, se divertir ou à s’évader. Si les maisons d’édition proposent de plus en plus de contenu audio payant, il est important de savoir que le Code de la propriété intellectuelle prévoit une exception au droit d’auteur afin de favoriser l’accès aux œuvres pour les personnes en situation de handicap. « Cette exception permet à des associations de proposer du contenu gratuitement sans devoir demander d’autorisation particulière » précise Marie-France Bouvre, présidente de l’association des donneurs de voix – Bibliothèque sonore de Nantes.

Pour proposer du contenu audio, quel qu’il soit, il faut du temps. Du temps mais aussi des personnes qui donnent de leur temps. « À la Bibliothèque Sonore de Nantes nous sommes 65 donneurs de voix et 18 donneurs de temps, qui travaillent pour environ 350 audio-lecteurs adhérents » décrit Marie-France Bouvre. Installés dans un local sur le site de la médiathèque Jacques Demy, les donneurs de temps organisent l’intendance, retravaillent les fichiers, envoient des CD des œuvres à des adhérents et gèrent l’administratif. Les donneurs de voix, eux, sont à domicile, seuls face à leurs micros. Ils et elles lisent et enregistrent le livre, le magazine ou le journal de leur choix, durant des heures. « Pour enregistrer un livre classique de 300 pages, il faut compter entre 20 et 30h de travail. On enregistre, on réécoute, on corrige, on enregistre de nouveau, etc. » détaille la présidente de la Bibliothèque sonore nantaise. Si cela prend autant de temps c’est que « les normes qualité sont très strictes » précise-t-elle « le moindre bruit d’une porte, du câble du casque sur une chaise ou d’un avion qui passe étant des sons qui nuisent beaucoup à la qualité de lecture ».

Tous les genres au rendez-vous, même le théâtre

Tous les genres y passent : polars ou littératures de l’imaginaire, essais historiques ou philosophiques, périodiques divers, « même les magazines municipaux et métropolitains comme Nantes Passion sont enregistrés » s’enthousiasme Marie-France Bouvre. La particularité du territoire nantais c’est qu’une autre association « Des voix dans la nuit » va encore plus loin et propose la lecture de pièces de théâtre contemporain. « Je crois qu’il ne doit pas y avoir plus de 2 ou 3 associations qui font ça en France » observe Jean Thierrée, lecteur au sein de la structure. L’association s’est donnée pour mission de n’enregistrer que des pièces qui ont moins de vingt-cinq ans. « Les classiques ont tous été déjà enregistrés » rigole Jean Thierrée. Au catalogue on retrouve Yasmina Reza, Eric-Emmanuel Schmitt, Wajdi Mouawad, Agnès Jaoui-Jean-Pierre Bacri ou encore Laurent Ruquier et Bernard Werber. Au total, ce sont plus de 40 pièces qui ont été enregistrées depuis 2010 avec l’aide de deux comédiens professionnels et d’un technicien du son, tous rémunérés.  Là encore il faut du temps : entre le recensement des pièces intéressantes, le comité de lecture qui sélectionne celles à lire, la répartition des rôles, les répétitions et l’enregistrement, il faut plusieurs mois pour aboutir à une œuvre finalisée. À la question de la particularité de l’enregistrement d’une pièce audio par rapport à un livre, Jean Thierrée s’exclame « les didascalies ! Il faut que la personne qui écoute puisse comprendre ce qui se passe, puisse se représenter qui est sur scène, où est la focale, quelles sont les éléments de décors en place, etc. »

Et une fois enregistrées, que deviennent les œuvres ? Il y a bien évidemment les catalogues numériques : celui des bibliothèques sonores au niveau national recense plus de 300.000 titres, celui de l’Association Valentin Haüy (AVH) en recense beaucoup également. Il y a les envois CD que réalisent l’association des donneurs de voix aux personnes, souvent âgées, qui ne maitrisent pas les outils numériques. Il y a aussi les pièces de théâtre mise à disposition par l’association « des voix dans la nuit » auprès de l’AVH, des Bibliothèques sonores, de l’UNADEV ou de l’association Les éditions Jimy par exemple.

Floresca Guépin, médiathèque référence en la matière

Enfin, on retrouve aussi le réseau des médiathèques de la Ville de Nantes qui se sont emparées de ces supports en allant encore plus loin. « Non seulement nous mettons à disposition les livres au format Daisy (voir encadré plus bas), mais nous prêtons également le matériel pour les lire. » décrit Florina Duret de la médiathèque Floresca Guépin. Ces gros objets aux multiples boutons sont des « Victor Reader ». Ils permettent, selon le modèle « d’insérer des CD, des clés USB ou des cartes SD ». Ils permettent surtout de pouvoir changer la tonalité de la voix ce qui est idéal pour les personnes malentendantes, ou de ralentir la vitesse de lecture, pour des personnes avec des déficiences cognitives. Autre gros avantage, reprendre la lecture là où on s’est arrêté, voir même parcourir les ouvrages. Entre la médiathèque Floresca Guépin et celle de Jacques Demy se sont 8 appareils et plus de 90 titres qui sont disponibles au prêt. « Des démonstrations sont également possibles ainsi que des entretiens individuels pour présenter l’offre de la médiathèque » précise Florina Duret.  

Les œuvres enregistrées existent et se développent, il n’y a désormais plus qu’à faire connaître toute cette offre à l’ensemble du territoire pour qu’un public toujours plus nombreux puisse en bénéficier.

Le format Daisy

Le format Daisy est un format de livre audio conçu pour faciliter la lecture par des personnes en situation de handicap. Contrairement au format audio classique ou aux CD ou la lecture se fait d’une traite, ce format permet de se déplacer à l’intérieur du livre, de retrouver le point où l'on s'était arrêté, de placer des marque-pages, de contrôler la vitesse de lecture, de modifier la hauteur de la voix, etc.

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