La distinction est symbolique, mais c’est une fierté pour la Ville de Nantes. Ce 12 octobre, le tulipier de Virginie du parc de Procé est entré dans le cercle très restreint des plus beaux arbres de l’Hexagone. C’est le 1 000e « Arbre remarquable de France » classé par l’association A.R.B.R.E.S. Le second à Nantes avec le châtaignier de l’Eraudière, véritable sculpture vivante âgée de 800 à 1 200 ans, qui fut l’un des tout premiers en France à obtenir ce label distinguant, depuis l’an 2000, les arbres français aux caractéristiques extraordinaires, par leur âge, leurs dimensions, leur beauté, leur histoire ou leur légende, explique la vice-présidente de l’association Sophie Barré : « Ce sont des éléments de notre patrimoine naturel et culturel. »
1. Des dimensions XXL
Avec ses 38 mètres, le tulipier nantais n’est pas le plus haut, ni le plus ancien (entre 200 et 250 ans), mais c’est l’un des tulipiers de Virginie les plus larges de France. « La circonférence de son tronc atteint 6,15 mètres à 1,30 m de hauteur », indique Gwenaëlle Blaison, responsable de l’équipe chargée de l’entretien de l’un des plus anciens et plus grands (12 ha) parcs publics de Nantes. Pour l’enserrer, il faut se mettre au moins à trois, en écartant bien les bras ! « Avec sa résistance au temps et au climat, il a une histoire hors norme, liée à celle du parc », raconte-t-elle.
2. Une allure majestueuse
Sa majestuosité ne fait aucun doute. « C’est un arbre au port magnifique », apprécie François Freytet, responsable du service Arbres et canopée à la direction Nature et jardins de la Ville de Nantes et de Nantes Métropole. L’association A.R.B.R.E.S a validé sa labellisation pour « ses dimensions, son emplacement, sa très belle allure, mais aussi ce qu’il raconte de l’histoire de Nantes et des arbres. »
3. Une résistance et une longévité hors norme
« Cet arbre a résisté à tout, l’urbanisation, la pollution, la surfréquentation du public, aux évolutions du bâti et aux transformations du parc, aux bombardements de la guerre et à l’Occupation, aux évènements climatiques extrêmes (les tempêtes, les inondations, les sécheresses des dernières années), et il est toujours là, en pleine forme ! », observe avec respect Gwenaëlle Blaison. Malgré sa longévité remarquable, « il marque peu de signes de vieillesse, il continue à fleurir et à produire des graines, et il pousse toujours. » Les soins que lui ont prodigués plusieurs générations de jardinières et jardiniers municipaux depuis le rachat du parc par la Ville en 1912, n’y sont pas étrangers. « Depuis les années 2000, l’arrosage à son pied a été interrompu pour éviter l’apparition de champignons et une haie de Benjes a été mise en place autour de son tronc pour le prémunir des piétinements, explique Gwenaëlle Blaison. Nous le laissons tranquille le plus possible. Les élagueurs sont très attentifs à son évolution, ils ne cherchent plus à la réduire et se contentent de le débarrasser de ses branches mortes ou dangereuses. » Cette distinction est donc aussi un peu la leur et celle de leurs prédécesseurs. « C’est la récompense d’un siècle de travail et d’expertise pour l’accompagner et le maintenir », sourit-elle.
4. Une histoire difficile à retracer
Impossible de dater sa plantation avec certitude. On ne possède aucune archive, ni aucun plan du parc de Procé avant son acquisition par la Ville, indique Gwenaëlle Blaison. « Par déduction, selon l’âge des bâtiments et l’arrivée de l’espèce en France, on estime qu’il a dû être planté à la fin de l’Ancien Régime ». Introduit pour la première fois en Europe en 1640 par le jardinier du roi d’Angleterre, suite à ses voyages en Virginie (d’où son nom commun), le Liriodendronb tulipifera (nom savant de l’espèce) a débarqué en France dans les valises du marquis de la Galissonnière, en 1732. « Ce capitaine de Marine, gouverneur général de la Nouvelle France (aujourd’hui Québec), possédait un domaine au Pallet, dans le vignoble nantais. Il a rapporté de ses voyages de nombreuses espèces botaniques qui furent semées plus tard à Versailles, mais aussi au jardin botanique de Nantes. C’est lui qui y introduira notamment, pour la première fois en France, le Magnolia grandiflora, retrace-t-elle. Les tulipiers plantés à Nantes, dont celui de Procé, proviennent vraisemblablement de ces graines ». Autre indice : sur le cadastre du 19e siècle, le manoir de Procé – une maison de campagne bourgeoise – est accompagné de sa fontaine et d’un ensemble d’au moins 5 grands arbres disposés autour d’une pelouse ovale. « Cette composition forme un tout et n’a jamais bougé depuis, souligne Gwenaëlle Blaison. Le tulipier serait le dernier survivant de ces arbres. On pense qu’il a été planté à la construction du manoir, à la fin des années 1780, par la famille Marion de Procé pour apporter au domaine un surcroît d’aristocratie et lui faire oublier son origine agricole. » Des suppositions cohérentes avec la taille de l’arbre et la tradition orale, transmise décennie après décennie, de bouche-à-oreille, par les jardiniers et directeurs du service des espaces verts de Nantes.
5. Le favori de la reine pour la beauté de ses fleurs
Le tulipier de Virginie, lointain cousin des magnolias - considéré comme un arbre fossile car il a peu évolué depuis son apparition sur Terre au Crétacé –, nous vient de l’est des Etats-Unis. Dotée de feuilles tronquées très particulières, d’une écorce gris-vert qui se craquelle en losanges avec l’âge et d’un bois tendre utilisé par les Amérindiens pour fabriquer leurs canoës, cette essence appréciée pour ses qualités esthétiques et sa croissance rapide, s’est répandue dans les grands parcs français dans le courant du 19e siècle.
« Le tulipier est devenu à la mode avec Marie-Antoinette, dont c’était l’arbre favori pour la beauté de ses fleurs », explique Gwenaëlle Blaison. Lentes à se dévoiler – l’arbre ne fleurit que vers l’âge de 25-30 ans -, elles évoquent la tulipe (d’où son nom) et dégagent au printemps un léger parfum. « La reine, qui trouvait les Jardins de Versailles trop monochromes, a fait créer un alignement de tulipiers au Petit Trianon. » Le dernier est tombé pendant la tempête de 1999, et son bois a été vendu à un coutelier de l’Aveyron pour la fabrication des manches. « Celui du parc de Procé serait donc aujourd’hui l’un des plus vieux de France. »
Et si vous collectiez des graines des plus beaux arbres nantais ?
Glands du chêne-liège dans le parc de la Beaujoire, arbouses à l’Arboretum du Cimetière-Parc, ou samares des frênes au parc Beaulieu… Pendant les vacances scolaires de la Toussaint, la Ville de Nantes invite les habitants, petits ou grands, à participer à une grande collecte de graines des plus beaux arbres de Nantes, dans 10 parcs et jardins. L’objectif ? Récolter des espèces locales, adaptées au milieu urbain et au réchauffement climatique, ainsi que des essences exotiques emblématiques de Nantes. Triées et mises au séchage à la graineterie du Jardin des plantes, puis semées dans des godets ou des bacs de germination avec l’aide des jardiniers botanistes municipaux, ces « graines d’avenir » deviendront des jeunes plants qui, quand ils seront assez grands, seront replantés dans les quartiers afin qu’elles deviennent à leur tour de beaux et grands arbres qui apporteront ombre et fraîcheur aux générations futures.
Vous n’y connaissez rien ? Aucun problème. Les opérations seront guidées par un animateur et un jardinier, avec des animations et des visites pour s’initier à l’art de la collecte, au tamisage et à l’étiquetage, et devenir incollable sur la diversité des graines et leur cycle de germination. Toutes les bonnes volontés sont les bienvenues !
Du 21 au 31 octobre, une récolte est proposée chaque jour dans un parc différent : lundi 21 au Grand-Blottereau, mardi 22 à la Boucardière, mercredi 23 à la Beaujoire, jeudi 24 à la Gaudinière, vendredi 25 sur la promenade des bords de Sèvre, samedi 26 au Port-Boyer, lundi 28 au Cimetière-Parc, mardi 29 au parc Beaulieu (Crapa), mercredi 30 aux Dervallières et jeudi 31 au Jardin des plantes.
Tout public. Participation gratuite, sans inscription.
Départ des groupes toutes les heures : à 10 h / 11 h / 13 h / 14 h / 15 h (20 personnes maximum par groupe)