Biodiversité : ces coups de pousse qui changent tout pour la nature
Biodiversité : ces coups de pousse qui changent tout pour la nature
Dernière mise à jour 02 juill. 2025
Nichoirs et abris à reptiles, tas de pierres pour les abeilles sauvages, haies vivantes… Les jardinières et jardiniers de la Ville de Nantes réalisent chaque jour une multitude de petites actions pour préserver la nature et la biodiversité. Pourquoi ? Comment ? Ils nous expliquent.
On appelle ça l’effet colibri. Depuis 2021, les jardiniers et les jardinières qui entretiennent les parcs et jardins de Nantes réalisent plein de micro-actions qui, mine de rien, contribuent à redonner vie aux espaces verts. « Rapides et peu coûteux, ces coups de pousse à la nature sont faciles à mettre en place et ont un effet durable dans le temps pour la faune et la flore sauvages », explique Olivier Ganne, au service Recherche et biodiversité de la direction Nature et jardins de Nantes. Aux quatre coins de la ville, ils ont installé des nichoirs pour les oiseaux, des abris à hérisson, reptiles ou chauve-souris, recréé des murets et disséminé sur le sol ici un tas de branches, là des feuilles et des herbes sèches, planté des haies bocagères.… Cachées sous les ronces, sous un morceau de bois ou dans un muret de pierres sèches, les petites bêtes raffolent de ces abris.
« La nature a besoin de spontanéité »
« On avait l’habitude de nettoyer un peu trop les parcs et jardins, indique le naturaliste. La nature a besoin de spontanéité. Un morceau de bois mort est une cache indispensable pour les insectes, les petits mammifères ou les reptiles qui y trouvent aussi de la nourriture et un refuge contre certains prédateurs. » En prime, la décomposition de cette matière organique nourrit les sols. « Dans les forêts françaises, 25 % des organismes vivants (champignons, cloportes, limaces, certains oiseaux) ne survivent que grâce au bois mort », assure Olivier Ganne.
Le retour d’espèces rares
Il faudra plusieurs années pour évaluer les bénéfices de ces « coups de pousse à la nature ». Mais déjà, au parc floral de la Beaujoire, Nicolas Bellotti observe une évolution. « En deux ans et demi, nous avons multiplié par trois les déplacements d’insectes dans la zone aménagée. Et naturellement, il y a plus d’oiseaux qui viennent les manger. » « Dans certains parcs, les nichoirs sont complets », ajoute Olivier Ganne. Des inventaires seront menés sur plusieurs années afin de suivre de manière scientifique l’effet de ces aménagements. Mais certains signes ne trompent pas. « Certaines espèces, comme les libellules, répondent très vite, constate-t-il. Ici ou là, on a vu revenir des oiseaux rares, comme le traquet motteux ou le torcol fourmilier, mais aussi des orchidées sauvages. »
Une vitrine de bonnes pratiques
Tous ces gestes en faveur de la biodiversité sont tirés d’un guide de 50 actions pratiques, inspirées par les réalisations des jardiniers eux-mêmes. « Ce travail a mis en lumière les idées de nos agents sensibles à la biodiversité, souligne Olivier Ganne. Au départ, chacune de nos 25 équipes devait réaliser une action « coup de pousse » par mois. On les signalait par des plaquettes en bois confectionnées par nos menuisiers pour mettre en avant le travail accompli et sensibiliser le public. Depuis, c’est devenu une habitude et ces pratiques sont entrées dans notre quotidien. »
«Ces aménagements, que tout le monde peut voir, sont une vitrine de bonnes pratiques. Ils peuvent avoir un effet démultiplicateur car chacun peut les reproduire chez soi pour rendre son jardin accueillant pour biodiversité.
»
Olivier Ganne, naturaliste au service recherche et biodiversité de Nantes

3 exemples de coups de pousse à la nature dans les parcs nantais
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Dans les douves du château du parc du Grand-Blottereau, de drôles de coffrages en bois ont fait leur apparition. « Ce sont des abris pour les abeilles sauvages, qui sont malheureusement en fort déclin, expliquent les jardiniers Damien Rouillard et Yannick Traquelet. Pour favoriser leur retour, nous avons recréé différents milieux avec un mélange de sable, de terre et d’agile. 80 % des espèces nichent dans la terre, les abeilles peuvent s’y cacher. » Des ouvertures ont aussi été percées entre les touffes d’herbes pour que les graines de fleurs s’épanouissent. Et les vieux murs ont été ré-enduits à l’argile. « Les abeilles y creusent des tunnels où elles pondent leurs œufs », précise Yannick. Plus loin, les jardiniers utilisent des rondins d’arbres, issus des élagages, pour recréer des hôtels à insectes percés de trous de toutes tailles. « On laisse volontairement des tas de branches sur le sol, ajoute Damien. L’abeille charpentière raffole des bois en décomposition. » Leur préservation est une priorité car les abeilles contribuent à 75 % de la production alimentaire mondiale grâce à la pollinisation (source : étude Greenpeace 2016). Mais les jardiniers bichonnent beaucoup d’autres espèces. Des passages à faune ont par exemple été découpés sous les ganivelles pour permettre aux petits mammifères de circuler. Par endroit, des tas de pierres sont disséminés pour offrir un abri aux reptiles et aux lézards, dans le bas du parc, une mare a été recréée… Les grenouilles et les libellules l’ont adoptée ! « Tout le monde a intégré ces coups de pousse à la nature, jusqu’aux tondeurs qui laissent des zones non fauchées pour les insectes. » Damien Rouillard y voit un autre intérêt : « Ces pratiques nous font gagner du temps et du carburant. Nous n’avons plus à évacuer les déchets verts ! »
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Avec ses rosiers par milliers plantés en balcon sur l’Erdre, ce parc floral de 16 hectares ravit les promeneurs. Discrètement, depuis 2021, il devient aussi plus accueillant pour la faune et la flore sauvages. « Nous avons lancé nos premiers coups de pousse à la nature il y a quatre ans, très vite nos 18 jardiniers les ont reproduits un peu partout dans le parc, explique son responsable Nicolas Bellotti. Pour attirer les papillons et les insectes, ici, nous avons semé un gazon fleuri sur une ancienne placette en attente de rénovation. » On retrouve un concentré de ces actions pour la biodiversité dans un espace qui n’avait plus vraiment d’usage. « C’est un peu notre show-room », sourit Nicolas Bellotti en montrant une haie vive, réalisée en s’inspirant d’une technique ancestrale : le plessage. « On taille et on tresse les branches pour créer une clôture végétale. Les branches pliées continuent à fructifier, et donc à apporter des graines et des fruits pour les animaux. » Dans la même zone, plusieurs tas de branches, de feuilles ou de cailloux ont été laissés sur le sol, des murets en pierres et de multiples nichoirs installés pour les chouettes, les chauves-souris ou les mésanges. «Ces aménagements simples et discrets offrent un gîte, de la nourriture et une protection à de nombreux oiseaux, insectes et petits mammifères, assure Nicolas Bellotti. Dans ce tas de branches mortes par exemple, il peut y avoir des hérissons, et dans ce muret plein de lézards. » Pour aller plus loin, cet automne, les jardiniers recréeront un corridor écologique de la corniche des demoiselles jusqu’à la roseraie, en densifiant le végétal avec des plantes locales, intéressantes pour leurs fruits ou leurs fleurs, et des haies de Benjes (lire ci-dessous). Et qu’en dit le public ? « Au début, ils pensaient qu’on négligeait l’entretien, admet Nicolas Bellotti. Mais dès qu’on leur explique, ils comprennent l’intérêt et y adhèrent. »
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Ce poumon vert de 14 hectares, labellisé éco-jardin, est l’un des parcs les plus naturels de Nantes. Les jardiniers municipaux cultivent sa dimension un peu sauvage. Exemple ? Le tressage d’un haie sèche, appelée aussi « haie de Benjes », du nom de l’écologue allemand Hermann Benjes qui a remis au goût du jour cette technique ancestrale. «Elle consiste à entrelacer des branches entre des piquets de bois pour composer la base d’une future haie naturelle, explique Valentin Touvron à la direction Nature et jardin. Cette structure de plusieurs dizaines de mètres de long sert à la fois de coupe-vent, de clôture, d’abri pour les petits animaux et de réserve de nourriture pour la faune : oiseaux, insectes, petits mammifères… » Une seconde portion sera réalisée l’hiver prochain pour prolonger la haie vers le nord du parc. « Certaines essences y poussent déjà spontanément. Les arbres ne sont pas encore assez grands pour que les oiseaux y nichent, mais ils peuvent s’y poser pour chasser, précise-t-il. La haie va évoluer au fil des années en s’ensemençant naturellement grâce au vent et aux animaux qui disséminent les graines d’espèces locales présentes dans leurs déjections. » Dans le même esprit, les jardiniers installent au sol des tas de bois morts, dont raffolent les insectes xylophages. Ils ont aussi adopté les fauches tardives. L’idée est de « varier les milieux en conciliant la nature avec les usages du public. » Derrière le parc accrobranche, certains espaces ont été sanctuarisés : on y trouve successivement un chemin piéton, une pelouse tondue, une fauche tardive et la haie de Benjes avec ses jeunes arbres. « Cette diversité est intéressante pour la biodiversité, assure Valentin Touvron. L’alternance d’espaces fauchés et moins fauchés constitue le terrain de prédilection de la chouette chevêche d’Athéna. » Son rêve ? Que ces coups de pousse à la nature favorisent notamment le retour du Grand Capricorne, une espèce protégée de coléoptère, l’un des plus grands d’Europe.
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Un guide nantais qui fait référence
Salué par le jury du prix Capitale française de la biodiversité, dont Nantes a été lauréate en 2024, le guide Coup de pousse à la nature des jardiniers nantais est considéré un document de référence par l’association nationale Plante et cité. Il est accessible en ligne. Une version destinée au grand public est en projet pour 2025.
Des formations sur la biodiversité
La Ville de Nantes a mis en place un accompagnement de ses agentes et agents aux changements de pratique, avec un module obligatoire de formation sur la biodiversité de deux jours. Cette formation était ouverte à l’ensemble du personnel municipal, pas uniquement aux jardiniers.
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