Comment cohabiter avec la nature dans un quartier habité ? Comment apprendre à vivre avec la Loire, ses crues, et le rythme des marées ? Ces questions - au cœur du projet Pirmil-les-Isles - ont animé les échanges lors de la journée de concertation « ville-nature », organisée le 3 juin autour du jardin de la Cale Aubin.
« Notre ambition est de concevoir ce quartier différemment, explique Thomas Quéro, élu métropolitain et adjoint au maire de Nantes chargé des projets urbains, aux habitantes et habitants venus visiter les deux jardins test du quartier, ce matin là. Le réchauffement du climat, les pluies torrentielles, la sécheresse… Tout cela requestionne la manière dont on fabrique la ville. » « Nous devons nous projeter sur des étés avec 30 à 40 jours de canicule, la présence d'arbres sur les trajets quotidiens est donc essentielle. Mais il faut aussi anticiper le manque d’eau », poursuit la paysagiste Sylvanie Gréé (agence D’ici là), en charge du projet avec l’urbaniste Frédéric Bonnet et les bureaux d’études Zefco, Artélia et Biotec.
Des arbres sur-mesure
Véritable prototype de la ville-nature, Pirmil-les-Isles – projet situé sur une ancienne zone industrielle urbanisée en comblant un bras de la Loire - prévoit de planter 14 000 arbres dans les dix prochaines années, 50 000 à terme. C’est sept fois plus que ce qu’on fait habituellement sur une même surface. 8 000 plants, issus de graines récoltées dans la nature, ont déjà été mis en pépinière près de Redon. Mais n’imaginez pas voir fleurir des palmiers ou des cactus ! « La nature demain ne sera pas exotique, prévient Ghislain Huyghe, écologue chez Biotec. Nous avons sélectionné des essences indigènes qui poussent naturellement dans des milieux similaires, comme les saules, les aulnes, l’érable champêtre ou le chêne tauzin. Nous les habituons dès aujourd’hui à des terrains difficiles afin de les rendre plus résistantes avant leur arrivée sur site ». Plantés jeunes et denses, ces arbres s’adapteront plus facilement au manque d’eau, tout en stockant le carbone et en apportant de l’ombre et de la fraîcheur aux futurs habitants et usagers du quartier.
Objectif zéro arrosage
Types de sols, mélange de substrats, arrosage… Le jardin ouvert à l’été 2021 sur le site de Transfert permet de tester très concrètement leur capacité d’adaptation. « Les conditions difficiles sur cet ancien site industriel (ndlr, autrefois occupés par les abattoirs et les dépôts frigorifiques) nous ont obligés à pousser la réflexion à son maximum », indique Sylvanie Grée. Pour éviter le ballet des camions et préserver les terres agricoles, l’équipe de Frédéric Bonnet a en effet décidé de composer avec le sol sablonneux existant, hérité des remblais du XXe siècle, et donc peu fertile, en l’enrichissant avec le strict nécessaire. « Sans ce choix, il aurait fallu importer 30 ha de terre pour créer les espaces publics du quartier, ce n’était pas soutenable », insiste la paysagiste. Les premiers résultats semblent concluants. « À part dans les planches d’essai 100 % sable, les plants se développent de manière assez similaire, sans surmortalité ». Et ce malgré l’objectif ambitieux de « diviser par quatre les apports en eau des végétaux les premières années et se passer d’arrosage à terme. »
Un avant-goût du futur parc fluvial des Îles
À quelques dizaines de mètres de là, le jardin de la Cale Aubin offre un avant-goût des futurs espaces publics du quartier. Ce jardin de 5000 m², aménagé en pente douce vers la Loire à la place de l’ancien dépôt Conforama, « constitue le premier segment du futur parc fluvial des Isles qui s’étendra à terme sur 600 m de long jusqu’au pont des Trois-Continents, raconte Sylvanie Grée aux visiteurs. Ce versant de la Loire accueillait autrefois des habitats de pêcheurs. Remblayé pour implanter des activités industrielles, il a été sorti de son contexte naturel à tel point qu’en passant le long de la rue de la Basse-Île, on n’imaginait plus que la Loire était si proche ». Remodelée, la berge offre désormais un point de vue inédit sur le fleuve, les grues de l’île de Nantes et la butte Sainte-Anne ! « Il y a 40 ans, on concevait les parcs le long des fleuves pour être au plus près de l’eau, avec des pontons, etc. Mais cette manière de faire déstabilise les milieux naturels », souligne la paysagiste. Sur Pirmil-les-Isles, l’équipe de Frédéric Bonnet défend une méthode plus douce, inspirée du fonctionnement de la nature elle-même. « Nous avons restauré un profil de berge naturel qui pourra supporter les marées, et créé un champ libre permettant l’expansion des crues », commente Ghislain Huyghe. En bord de berge, une forêt de roseaux s’épanouit. « En abaissant le niveau du sol, sans autre intervention, cette roselière va naturellement s’étendre ». Et ça semble fonctionner. Un an après la fin des travaux, l’Angélique des estuaires, espèce emblématique mais menacée des bords de Loire, a fait son apparition dans la zone humide du jardin de la Cale Aubin. « C’est le signe d’une amélioration des milieux », estime l’écologue.
950 logements sur Basse-Île à l’horizon 2030
De Pirmil Saint-Jacques aux anciennes îles de Rezé, Pirmil-les-Isles accueillera à terme 3 300 logements (2300 sur Basse-Île, 1000 sur Pirmil). Après des travaux préparatoires en 2023 (fouilles archéologiques, dépollution, réseaux, etc.), les premiers aménagements d’espaces publics débuteront en 2024 sur le site des anciens abattoirs. 950 logements environ, 30 000 m² de bureaux, commerces et services, et plusieurs équipements publics y seront construits : une école, une crèche, une résidence étudiante, un gymnase mais aussi la piscine olympique métropolitaine. Les équipes d’architectes seront désignées cet été pour les 5 premiers îlots. Desservi par les futures lignes 6 et 7 de tramway, la ligne 8 de busway et maillé par un réseau de voies cyclables et piétonnes, le quartier mise sur des modes de construction à la fois écologiques (bois, paille, chanvre, etc.) et financièrement accessibles à toutes et tous. Les premiers habitants sont attendus en 2026-2027.