Son créateur Jean-Maurice Bigeard part en retraite, mettant un terme au rendez-vous nantais du nanar, des perles rares, de la série Z (et plus encore), programmé depuis l'an 2000 au Katorza. Épilogue en 10 points.
« Pour moi, c’est Salò ou les 120 journées de Sodome de Pasolini... Sinon, dans les vrais films d’horreur : L’enfant du Diable de Peter Medak, La Sentinelle des maudits, Un Justicier dans la ville avec Charles Bronson... J’aime les ambiances, pas trop les histoires de fantômes. Je ne crois ni au Diable ni à quoi que ce soit, alors je n’en peux plus des exorcistes ! »
La série Z la plus cheap
« Des effet spéciaux artisanaux, des acteurs peu convaincants avec des brushings impeccables en pleine jungle, une réalisation approximative… Hilarant, même si ce n’est pas l’intention de départ ! Le nec plus ultra, c’est peut-être Starcrash, une production italienne sortie en 1978, après Star Wars. Un film où rien n’est normal ni sérieux, et pourtant tout le monde joue au premier degré. Un véritable joyau ! »
Le scénario le plus improbable
« Turkish Starwars. Du très mauvais, drôle à raconter... mais pénible à voir. Quand c’est fini, tu es content ! Pour projeter ce genre de films, il y a un gros boulot de recherche, dans les catalogues, les programmations des festivals… Parfois on tourne en rond, parfois on arrive dans une impasse. »
La scène la plus comique
« Quand, dans Tenue de Soirée, Gérard Depardieu rejoint Michel Blanc dans son lit avec un slip léopard... Ça c’est du cinéma ! Je pense aussi à L’Entourloupe, où Marielle explique comment devenir un vendeur d’encyclopédies en rase campagne. Et puis un film que j’ai adoré montrer : Le Bonheur a encore frappé de Jean-Luc Trottignon, une version trash de La vie est un long fleuve tranquille. »
Le film qui fait honte
« En programmant Quentin Dupieux, j’ai fait ma p… Ça ne s’adresse pas à la clientèle habituelle de l’Absurde séance, mais je savais que ça remplirait la salle. Pour moi, c’est tout sauf un réalisateur. Un scénario qui tient sur un ticket de métro, ce n’est pas du cinéma ! »
Le slasher le plus sanglant
« Sans doute Détour mortel. Ça envoie tout de suite et c’est gore. Et puis Massacre à la tronçonneuse, pour l’ambiance, pour l’attente... C’est un genre que j’aime bien, mais c’est vrai qu’à force d’en voir, on a le regard un peu émoussé. »
« Sur Black Sheep, un film avec des moutons génétiquement modifiés, on a eu 1 000 personnes dans la salle qui bêlaient à l’unisson ! Et toutes les Nuits fantastiques sont hallucinantes. J’y programme quatre films de nationalité et de genre différents : une locomotive, un inédit, et après un petit-déjeuner, on repart avec un film rentre-dedans puis une merde, un nanar, c’est parfait quand on n’a plus de cerveau à 5h du matin ! »
L'invité le plus marquant
« Jean-Marie Pallardy, un acteur-producteur-scénariste-réalisateur qui a tourné du comique comme du porno. Jean Rollin aussi. Ou Joël Séria pour Les Galettes de Pont-Aven. Ils appartiennent à une époque révolue et sont aujourd’hui considérés presque comme des monstres. Ce que j’aime, c’est qu’ils dénotent avec le public aseptisé qui ne sait pas si ce qu’ils disent, c’est du lard ou du cochon... »
Le plus gros regret
« Ne pas avoir projeté Mad Dog. C’est un film que j’aurais voulu montrer à une belle soirée, je l’ai loupé et j’ai vu qu’il n’est finalement jamais sorti à Nantes. »
La fin (de l’Asniff) la plus inattendue
« Ce qui me ferait le plus plaisir, c’est de passer un film très personnel, confidentiel, et que les gens qui étaient là il y a 25 ans, au tout début, viennent parce que c’est la dernière : "Allez, on va voir le vieux con une dernière fois !" Ce serait un peu comme assister à mes propres obsèques de mon vivant, et ce serait assez jouissif ! »
Cadeau de consolation à ceux qui ne pourraient assister à la dernière Nuit fantastique de l’Asniff, samedi 12 octobre au Katorza : Jean-Maurice Bigeard a consigné ses souvenirs dans un livre paru en janvier dernier : Mémoire d’un cinéphage (éd. Les 3 Colonnes). Des cinémas de quartiers qu’il écumait avant d’y travailler, des fanzines mal ronéotypés aux VHS et DVD improbables, en passant par les festivals cinéma européens… « c’est tout un parcours qui explique ce qui m’a amené à l’Absurde séance ». En vente au Katorza.