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Déplacements : « Les travaux peuvent changer nos habitudes, mais... »

ActualitésPublié le 11 juin 2024

Spécialiste des changements de comportements, Nicolas Fieulaine explique combien il est essentiel, lorsque la ville se transforme, d’accompagner les habitants sur leurs habitudes de déplacement.

Chercheur en psychologie sociale à l’Université de Lyon et à la chaire Innovation publique de l’INSP, Nicolas Fieulaine participait début juin au Club mobilités pro Naolib, sur le thème « L’action collective moteur du changement de comportement » © Romain Boulanger.
Chercheur en psychologie sociale à l’Université de Lyon et à la chaire Innovation publique de l’INSP, Nicolas Fieulaine participait début juin au Club mobilités pro Naolib, sur le thème « L’action collective moteur du changement de comportement » © Romain Boulanger.

Le cœur de la métropole nantaise connaît d’importants chantiers. Cela peut-il faire changer les habitudes de déplacement des habitants ?

« Les travaux, parce qu’ils contraignent les circulations, peuvent en effet les amener à se réorganiser, à tester d’autres parcours, d’autres modes de déplacement. Pour la puissance publique, c’est une opportunité... mais aussi un risque. Cela dépendra de la façon dont elle les accompagne. Le changement – surtout quand il est subi – doit s’annoncer, apparaître dans l’espace avant d’être là, et de la bonne façon. Plus on peut se projeter dans le changement avant qu’il n’arrive, plus on trouve soi-même des alternatives à ses habitudes. Cet accompagnement des habitants passe par de l’information rationnelle, mais aussi par des méthodes sensibles, pour les toucher au cœur. »

Parce que nos habitudes de déplacement ne sont pas toujours logiques ?

« Non ! Elles sont en partie conditionnées par des facteurs comme le coût, la distance, le temps, mais aussi par ce qui peut paraître irrationnel. C’est-à-dire de l’émotionnel, du relationnel, de l’identité sociale… de l’humain ! Par exemple, en travaillant sur des voies cyclables, on s’est rendu compte que dans certains secteurs, les gens se sentaient maltraités, victimes d’injustices ; ailleurs au contraire on se sentait plutôt privilégié. Si des décideurs passent à côté de ces aspects sensibles, cela peut générer des résistances, des refus. Cela peut retarder le déploiement de services, ou bien on va déployer des services qui ne seront pas utilisés et finiront par être abandonnés – c’est ce qui a pu arriver par exemple pour des services de vélos dans les gares. »

Comment la Métropole peut-elle accompagner au mieux les habitants ?

« Il y a ici une forme d’attention et de respect pour les usagers et les usages existants, on prend en compte l’histoire du territoire, les lieux marquants... C’est une approche prudente. Il y a une marge pour s’outiller davantage. Certaines métropoles se dotent de stratégies globales, qui permettent aux citoyens de voir une cohérence, de connecter les choses entre elles, de créer une dimension collective. On considère la mobilité pour ce qu’elle est, c’est-à-dire un aspect central du mode de vie, et on travaille à la fois avec l’alimentation, l’activité physique, l’accès aux droits… Il faut se doter de moyens pour bien évaluer l’impact des actions, ce qui a fonctionné et ce qui n’a pas fonctionné, connaître les freins, les perceptions, les opinions... En clair, comprendre ce qui marche, mais surtout pourquoi ça marche ! Un dernier enjeu essentiel, c’est la différence entre un territoire dense et des territoires plus éloignés. On doit travailler sur la "connexion mentale", l’identité sociale, et cela demande des approches vraiment créatives, des modes d’action innovants. En clair, du temps et de l’argent. Mais ce que l’on n’a pas mis au départ, on peut le perdre à l’arrivée. »