Seuls les plus de 50 ans, comme Jean-Marie Lavau s’en souviennent : « Quand le quartier a commencé à sortir de terre en 2005, il n’y avait ici que des friches. » Après 38 ans passés dans une petite maison du Vieux-Doulon, ce retraité très impliqué dans l’association de quartier a acheté, il y a six ans, un appartement à Bottière-Chénaie. « On pensait à nos vieux jours et on ne voulait pas s’éloigner des enfants, de nos amis. On ne regrette pas ! »
Le centre de Nantes est à 15 minutes en tramway, et pourtant il règne encore un air de campagne, avec les vieux murs, les réservoirs et les noues végétalisées. Ces fossés peu profonds, propices à la biodiversité, parcourent l’ensemble des rues et venelles du quartier pour recueillir les eaux pluviales à ciel ouvert, en faisant gagner au passage quelques degrés de fraîcheur. Avec son objectif « zéro tuyau », Bottière-Chénaie a mis la question de l’eau, des sols et de la nature au centre des préoccupations, bien avant que le sujet ne devienne la norme.
Au milieu coule (à nouveau) un ruisseau
« La réouverture du ruisseau des Gohards, enfoui à l’époque des maraîchers et dont on a retrouvé la trace grâce à une photo aérienne de 1952, a été l’acte fondateur du projet, expliquent Christophe Delmar, paysagiste, et Jean-Pierre Pranlas-Descours, architecte-urbaniste, en charge de cette Zac (zone d’aménagement concerté) de 35 ha confiée à Nantes Métropole Aménagement. Tout s’est organisé autour. » Remis à l’air libre, le cours d’eau a donné naissance à un parc de 5 hectares qui a pris place naturellement le long du mail Haroun-Tazieff, « sans aménagements coûteux et sophistiqués ». Conçu comme « un grand jardin partagé par tout le monde », ce poumon vert est maillé de prairies pour faire du sport ou accueillir des fêtes de quartier. Avec ses éoliennes hydrauliques qui alimentent en eau les jardins familiaux, il est devenu le symbole de l’écoquartier.
« Toute la trame urbaine découle de ce ruisseau, dont on a restauré le lit historique, souligne Christophe Delmar. Sa réouverture a permis de retrouver les continuités, coupées par la route de Sainte-Luce et l’ancienne voie de chemin de fer, et de rétablir le lien avec les quartiers voisins de Bottière Pin-Sec et du Vieux-Doulon. » Appréciée des familles et des adolescents pour ses jeux, ses grandes tablées et ses espaces de détente en bois, cette coulée verte permet de musarder sur le chemin de l’école ou de la médiathèque. Elle se prolongera à terme, à travers le cordon boisé en projet à Bottière Pin-Sec, et jusqu’au futur quartier Doulon-Gohards.
Parc et logements sur le tracé des anciens champs
Les urbanistes ont mené un minutieux travail sur l’histoire des lieux. Les vestiges du passé agricole ont été conservés et les îlots d’habitation, les rues et les venelles ont poussé sur le découpage des anciennes tenues maraîchères. Ce plan soucieux de la mémoire du quartier a produit des architectures variées (immeubles, maisons-appartements, habitat groupé ou participatif), avec des balcons, patios ou jardinets privés, prolongés par de généreux espaces publics. « Les modes d’habiter ont évolué, souligne Jean-Pierre Pranlas-Descours. L’idée de la municipalité nantaise était de développer une offre multiple pour répondre à la diversité des familles et des demandes sociales. » Avec des logements pour toutes les bourses. « Cette Zac, créée pour lutter contre l’étalement urbain et répondre aux besoins des ménages notamment modestes, remplit ses objectifs, assure Thomas Quéro, adjoint délégué à l’urbanisme durable et aux projets urbains. Grâce à l’encadrement public, elle offre 35 % de logements sociaux, 35 % à prix abordables (20 % inférieurs au marché immobilier) dédiés aux jeunes ménages qui veulent accéder à la propriété, et 30 % en accession ou location à prix libre. »
17 ans après l’ouverture du premier bâtiment – la médiathèque en 2007 – près de 1 850 logements ont été construits, ainsi que plusieurs équipements publics (école, crèche, gymnase) qui profitent autant aux habitants de Bottière-Chénaie qu’à ceux des quartiers voisins.
« On peut tout faire sans prendre la voiture »
« La force de Bottière-Chénaie, c’est sa mixité, c’est un quartier très mélangé en termes de profils et de générations, souligne Simon Citeau, adjoint de quartier Doulon-Bottière. On y trouve un foyer de jeunes travailleurs, un Ehpad, un domicile-service pour les seniors… À l’école Julien-Gacq, les enfants côtoient des jeunes porteurs de handicaps de l’IME de la Marrière. Ce brassage est inscrit depuis le départ dans le projet. » La collectivité y a aussi encouragé la création de commerces de proximité. Progressivement, une vingtaine d’échoppes ont ouvert sur la place du Commandant-Cousteau, cœur battant du quartier, et au pied des immeubles longeant la route de Sainte-Luce : boulangerie, tabac-journaux, coiffeur, pharmacie, restaurant pour la convivialité, marché…
« On peut tout faire sans prendre la voiture, apprécie Jean-Marie Lavau. La seule chose qui nous manque, c’est un médecin et un bistrot. » Nantes Métropole Aménagement et la Ville y travaillent. « Six nouveaux emplacements commerciaux sont prévus au rez-de-chaussée du programme immobilier Calypso qui s’élève dans le prolongement du Super U ouvert en 2019 », explique Julien Bregeat, chef de projet à Nantes Métropole. Signe de la dynamique du quartier, le groupe Chessé, qui en aura la gestion, étudie de nombreuses demandes : boucherie halal, restauration thaï, épicerie zéro déchet… « L’objectif et de trouver une complémentarité avec l’offre existante, et notamment d’installer un café pour favoriser la vie de quartier même en soirée. Un local est aussi disponible pour un cabinet médical », assure-t-il.
De nouveaux commerces et logements
Retardé par la crise immobilière, ce projet porté par Giboire, la Nantaise d’habitations et Coop Logis a démarré l’été dernier grâce à l’aide du plan de relance métropolitain pour le logement, adopté en juin 2023. Il abritera des appartements en locatif social, en location intermédiaire, en accession abordable et en cession libre, 170 logements au total répartis dans trois immeubles disposés autour d’un grand jardin privé, avec des locaux vélos et 157 places de stationnement en sous-sol. Sa livraison, fin 2025, coïncidera avec le démarrage des travaux d’aménagement de la grande voie vélo qui reliera Bottière-Chénaie à la gare de Nantes.
Autre livraison attendue : l’installation, d’ici l’été 2024, des 33 foyers du Hameau des Noues et de Maison multiple, deux collectifs d’habitants réunis dans l’un des plus grands projets d’habitat participatif intergénérationnel en France. Bottière-Chénaie achèvera sa transformation en 2027 par deux petits programmes de respectivement 40 et 27 logements. L’un prendra place à l’emplacement de l’actuelle base de chantier de la Zac, l’autre au pied de l’arrêt de tram Souillarderie. Sa particularité ? Des locaux en rez-de-chaussée pour accueillir de services et activités de proximité.
« L’aménagement du quartier s’achève, mais le travail n’est pas terminé, précise Simon Citeau. Un nouveau quartier est un espace de vie permanent qu’il faut animer, accompagner et transformer selon les besoins des habitants. Aujourd’hui, il faut poursuivre autour de plusieurs axes : renforcer l’animation de la place du Commandant-Cousteau et développer les initiatives citoyennes avec les budgets participatifs, végétaliser la cour de l’école, continuer les efforts en matière de tranquillité publique et penser aux grands projets de demain. Nous voulons par exemple transformer l’ancienne voie ferroviaire en axe pour les piétons, les vélos et les transports collectifs. »
Bottière-Chénaie en 3 chiffres
1
hectare de parc. Semé d’éoliennes, ce poumon vert traverse les 35 hectares de l’écoquartier, de Bottière Pin-Sec jusqu’à Doulon
5 000
m² de jardins familiaux
1 850
logements déjà construits, dont 70 % de logements sociaux et abordables
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