Trouver un appartement à louer à Nantes ? « Pas simple, souffle Antoine, 24 ans. Les agences proposent des offres jusqu’à 700 € par mois pour des studios de 16 à 25 m2 ». Incompatible avec le revenu d’alternant de cet étudiant en master. « Grâce au bouche-à-oreille », il a fini par trouver un studio de 16 m2 quai de la Fosse. « Le loyer (540 €/mois) n’est pas donné, mais je suis à 10 minutes à pied du bureau. » À l’image d’Antoine, l’Agence d’urbanisme de l’agglomération nantaise (Auran) estime, dans une étude d’octobre 2022, que la recherche de logement est « un parcours du combattant pour 4 étudiants sur 10 ». Et ces difficultés ne concernent pas uniquement Nantes, ni les jeunes. Et ne se cantonnent pas qu’au secteur de la location.
Le logement grippé au plan national
« La construction en France est au point mort, explique la Fondation Abbé-Pierre dans son dernier rapport, sévère, sur l’état du mal-logement en France. Les acheteurs modestes ne parviennent plus à acheter, les banques prêtent bien moins qu’avant, les locataires ne trouvent plus rien à louer à des prix abordables, le logement social est saturé. » Cette crise sans précédent « grippe toutes les sphères du logement avec une force et une rapidité inouïes. Faute d’une réponse suffisante de l’État, ce sont des milliers de personnes qui ne disposent toujours pas d’un hébergement, des jeunes qui renoncent à leurs études, des demandeurs de logement social en concurrence pour accéder à un logement quand la demande est 4 à 5 fois supérieure à l’offre disponible. »
L’offre à la peine face à la demande
La métropole nantaise, où 20 000 ménages emménagent chaque année, subit ces tensions comme toutes les villes. « Depuis plusieurs années, les indicateurs se dégradent un à un », observe Hervé Patureau à l’Auran. En cause, l’inflation des prix des matières premières, la raréfaction des terrains, le durcissement des conditions d’accès au crédit, ou encore le renforcement des exigences thermiques et architecturales qui renchérissent les prix de construction... Localement, face à une demande soutenue (+1,5% d’évolution démographique par an), l’offre peine à suivre faute de constructions suffisantes. En 2023, moins de 3 900 logements ont été autorisés sur les 6 000 logements neufs par an fixés par le Programme local de l’habitat (PLH) pour répondre aux besoins. « Les coûts de construction induisent des prix de vente (1) trop élevés par rapport aux capacités des ménages à acheter, ou des investisseurs à trouver une rentabilité. Rien ne se vend et les chantiers se font attendre faute de clients », résume Hervé Patureau. Ces difficultés se répercutent sur le marché de la location, où le taux de logements vacants n’a jamais était aussi faible : 5,1 % dans la métropole, contre 8,1% en moyenne en France. « Les gens ne bougent plus de leur logement. Et la pénurie engorge le parc social, où les listes d’attente s’allongent. »
La Métropole à la relance
Pour relancer la machine, les élus métropolitains ont voté, en juin 2023, un plan de construction ambitieux. « Ceux qui pâtissent le plus de la crise sont les ménages modestes. La priorité reste donc de construire des logements sociaux, mais ce plan aide tous les types de logements », assure Nicolas Glière, directeur de l’habitat de Nantes Métropole. Si les premiers résultats sont visibles, les élus ne relâchent pas leurs efforts (lire l’interview de Pascal Pras,vice-président chargé de l'habitat, ci-dessous). Malgré « un frémissement de la demande » observé après l’amorce d’une baisse des taux d’intérêt et d’une timide décrue des prix du neuf et de l’ancien, les spécialistes n’entrevoient pas d’amélioration notable à court terme. « La politique du logement s’inscrit dans le temps long, rappelle Nicolas Glière. La situation risque de se dégrader pendant encore plusieurs mois ».
Des solutions pour les classes moyennes et modestes
Pour inverser la tendance, la Métropole agit sur tous les leviers à sa disposition. À l'issue du grand débat sur la fabrique de nos villes, les élus ont annoncé la mobilisation de 60 M€ pour constituer des réserves foncières qui permettront de vendre les terrains moins chers pour y construire des logements sociaux et abordables. La collectivité axe aussi ses efforts en direction des classes moyennes. Pour ouvrir l’accession à la propriété abordable au plus grand nombre, les plafonds de ressources ont été rehaussés : jusqu’à 5200€ par mois pour un ménage de quatre, 2 725 € pour une personne seule.
Autre levier ? Le “bail réel solidaire” (BRS), formule d’achat moins onéreuse grâce à un montage ingénieux, sera développé. Puis élargi en 2025 à de nouveaux ménages avec la création d’un « bail réel intermédiaire» qui s’adressera aux classes moyennes dont les ressources dépassent les plafonds de revenus du BRS actuel. Ces logements seront proposés à moins de 4 000 € le m² (contre 5 200 €en moyenne sur le marché libre). « Nous devons développer des solutions pour sortir des logements plus rapidement, comme par exemple les constructions modulaires pré-fabriquées en usine, poursuit François Prochasson, vice-président de Nantes Métropole chargé du logement social. Deux résidences sociales de ce type seront livrées fin 2024 à Nantes, puis en 2025 à Rezé et Pirmil. »
Autres pistes : surélever un peu certains immeubles, ou encore réutiliser des bâtiments de bureaux vacants. L’ancien Crédit Municipal de Nantes vient ainsi d’être confié à Nantes Métropole Habitat pour réaliser 30 logements sociaux.
(1) Entre 2016 et 2021, dans la métropole, le prix médian des maisons anciennes a augmenté de 33%, +45% pour les appartements.
« Grâce au plan de relance, 1600 logements vont pouvoir sortir de terre rapidement »
« La politique du gouvernement depuis 2017 a asséché les trésoreries des bailleurs sociaux et réduit les APL (aide personnalisée au logement), principale aide au logement pour les ménages les plus modestes, déplore Pascal Pras, vice-président de Nantes Métropole chargé de l’habitat. Nous devions agir. Le plan de relance de la construction, que nous avons lancé en juin 2023, mobilise 20 M€ supplémentaires, en plus des 69,9 M€ budgétés pour 2021-2026, pour soutenir la production locative sociale dans toute la métropole. En un an, 26 opérations, à l’arrêt faute d’un équilibre financier suffisant, ont pu être débloquées grâce aux mesures que nous avons activées en collaboration avec les communes, les promoteurs immobiliers et les bailleurs sociaux : adaptations techniques (changement de menuiseries, type de matériaux ou de bardage, etc.), terrain cédé moins cher… Plus de 1 600 logements sociaux, abordables, intermédiaires ou libres vont ainsi pouvoir sortir de terre rapidement. Si ce résultat est encourageant, on est encore loin du compte. Nous étudions d’autres mesures, mais les collectivités locales ne pourront pas pallier indéfiniment les carences de l’État. Le gouvernement doit prendre des décisions urgentes, à la hauteur des besoins. »