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« La façon de nous nourrir affecte notre santé et l’environnement »

ActualitésPublié le 28 mars 2025

Mettons les pieds dans le plat. Ce qu’on mange n’est pas toujours bon pour la planète, notre santé ou le revenu des paysans. Pourquoi ? Et, surtout, que peut-on faire, localement, pour redonner du pouvoir à nos assiettes ? Décryptage avec deux spécialistes de l’alimentation durable.

Archives Nantes Métropole
Archives Nantes Métropole

Régime trop riche en viande, consommation de fruits et de légumes hors saison, de produits sur-emballés, gaspillage alimentaire… « En 50 ans, nos habitudes alimentaires ont changé », explique le socio-économiste Nicolas Bricas. Si notre assiette est plus diversifiée, elle aussi plus riche en graisses, en sucres et en protéines animales. Nous cuisinons moins, consommons davantage de plats préparés et recherchons un large choix d’aliments, partout et en toutes saisons, souvent au prix le plus bas. « Cette façon de nous nourrir affecte directement notre santé (surpoids, obésité, diabète) et l’environnement », alerte ce spécialiste de l’alimentation durable à la chaire Unesco des alimentations du monde (Montpellier) : surexploitation des ressources naturelles, pollution de l’eau, de l’air et des sols, érosion de la biodiversité… « Le système agricole et alimentaire est responsable d’un tiers des gaz à effet de serre sur la planète ». Et, de loin, la première cause de déforestation dans le monde. En France, un quart de ces fameux gaz qui réchauffent le climat provient de nos assiettes.

Le système coûte cher et il nourrit mal

Pour cet expert, le modèle mis en place après la Seconde Guerre mondiale est à bout de souffle. Dans un rapport de 2024 auquel il a participé, quatre associations (le Secours catholique, le réseau Civam, Solidarité Paysans et la Fédération française des diabétiques) démontrent, chiffres à l’appui, « l’injuste prix de notre alimentation » et son coût sanitaire, social et écologique. Chaque année en France, 19 milliards d’euros sont dépensés pour compenser et réparer les effets négatifs de notre système alimentaire, en dépollution, couverture des maladies professionnelles et des consommateurs… « Au sortir de la guerre, tout a été fait pour nourrir la population en quantité, raconte Nicolas Bricas. Il s’agissait de produire le moins cher possible pour le consommateur, en laissant les contribuables payer les dégâts sociaux et environnementaux. Ce contrat social a permis de produire un surplus incroyable de denrées alimentaires – environ un tiers de plus que ce qu’on mange –, et donc d’avoir une alimentation pas chère, permettant de payer peu les ouvriers, et in fine d’assurer le développement économique. » Pour ces associations, témoins sur le terrain des dérives du système, il est devenu urgent de le corriger : 18 % des agriculteurs vivent sous le seuil de pauvreté car ils ne parviennent pas à tirer un revenu décent de leur travail, 30 % des oiseaux des champs ont disparu en quinze ans et 437 captages d’eau potable ont été abandonnés entre 2010 et 2021 en raison des nitrates et pesticides en France. Et la précarité alimentaire explose. « Au moins 8 millions de personnes en France ne peuvent pas se nourrir comme elles le souhaiteraient, obligées de recourir aux dons, ou contraintes de se rabattre sur des produits low cost », souligne le journaliste Benjamin Sèze, qui décrypte dans son livre Quand bien manger devient un luxe, les rouages d'un « système qui dysfonctionne ».  

Alors, qu’est ce qu’on fait ?

Nous sommes toutes et tous concernés par ce qu’il y a dans nos assiettes. Pour infléchir la tendance, on peut choisir de manger bio, moins de viande (et surtout moins de viande industrielle et/ou importée) et plus de protéines végétales, respecter la saisonnalité des fruits et légumes, s’approvisionner près de chez soi, en circuit court, ou encore réduire le gaspillage alimentaire….  « Mais ce changement de régime n’est pas qu’une question individuelle, prévient Nicolas Bricas. Notre espace de choix reste très dépendant de ce qu’on nous propose - à la cantine, au supermarché, dans les restaurants - et de notre pouvoir d’achat ». Loin de corriger le tir, « les inégalités se sont creusées avec l’apparition depuis 20 ans d’une offre alternative à celle de l’industrie agroalimentaire, de meilleure qualité (bio, locale…), mais souvent plus chère et donc inaccessible aux ménages modestes », ajoute Benjamin Sèze.

Pour ces experts, la transition vers un modèle plus durable doit passer par des « changements profonds dans l’agro-industrie » et une orientation différente des politiques nationales et internationales : « L’alimentation est un choix de société. Il faut construire un nouveau contrat social qui redonne une vraie valeur à notre alimentation, pas uniquement économique. »

Les solutions viendront aussi des villes

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Face aux vents contraires qui soufflent sur cette transition, les solutions viendront aussi des villes, estime Nicolas Bricas. « Aux Etats-Unis, en Argentine... de nombreux pays font machine arrière sur les questions sociales et environnementales. Mais, dans d'autres, les politiques d’alimentation durable ou d’agroécologie se multiplient. On commence à voir en France - dans des territoires ruraux comme urbains - des citoyens qui s’organisent pour cogérer une caisse alimentaire ou une épicerie solidaire où les tarifs sont différenciés selon les capacités de chacun, faire des propositions sur l’aménagement de leur quartier en termes de commerces, de jardins partagés, etc., et reprendre la main sur leur alimentation. »

Nantes Métropole - qui a signé avec 250 villes du monde entier le Pacte de Milan pour une alimentation durable - est engagée dans ce mouvement qui veut faire bouger les lignes. Sa politique pour préserver les terres agricoles, développer les productions biologiques, favoriser les circuits de proximité ou encore ne pas gaspiller l’alimentation, porte ses fruits. Les fermes ne reculent plus, les exploitations bio gagnent même du terrain sur le territoire. Elle représentent aujourd’hui plus d’une ferme sur 3 trois (et 27,7 % de la surface agricole utile), contre 1 sur 6 en France. Récompensée par le label « Territoire bio engagé », la Métropole met les bouchées doubles pour soutenir les débouchés des productions saines et locales, et les démocratiser. Entre 2020 et 2024, elle a multiplié par quatre ses aides aux associations engagées sur le champ de l’alimentation durable, comme le réseau d’achat en commun Vrac ou Nantes Ville Comestible. Elle accompagne aussi les communes du territoire pour mettre plus de bio, de végétal et de local dans l’assiette des écoliers.

Le saviez-vous ?

Sur un panier de 100 euros, les agriculteurs touchent aujourd’hui en moyenne 7 euros, c’était 18 euros en 1960.

Toutes les productions ne se valent pas

« L’agriculture biologique, parce qu’elle n’utilise ni pesticides chimiques ni engrais produits à partir de pétrole, est le mode de production qui a le moins d’impact sur la biodiversité, l’eau, les sols, le climat et la santé », rappelle Delphine Bonamy, conseillère métropolitaine déléguée à l’alimentation, l’agriculture et les forêts. Les plus hautes autorités de santé recommandent d’ailleurs de manger bio. Pour toutes ces raisons, Nantes Métropole soutient de développement et les débouchés des productions bio. « Nous nous efforçons de le rendre accessible au plus grand nombre, en premier lieu aux enfants, via les cantines du territoire que l’on met en relation avec les producteurs locaux, poursuit l'élue. Nous faisons le même travail avec des associations d’aide alimentaire qui ont besoin d’acheter des produits frais, de qualité, ou encore avec les acteurs engagés dans la caisse commune de l’alimentation. Grâce à ce projet, des habitants bénéficieront tous les mois d’une somme d’argent pour s’acheter de la nourriture saine, durable et plus rémunératrice pour les agriculteurs. »