
Qui veut du mijoté de pois cassé, citron et carottes ? Anissa, 9 ans, n’hésite pas une seconde, contrairement à sa copine Rozenn : « En plat végé, j’aime que les nouilles à la sauce soja et le chocolat, rigole la fillette avec malice. Le prof de maths de ma sœur dit que c’est un légume ! » À l’école Louise-Michel, comme dans les 13 restaurants scolaires de la Ville de Couëron, les agents qui encadrent la pause du midi savent que réduire les protéines animales et augmenter le végétal est un exercice de patience.
« De 3 à 10 ans, les enfants ont une sensibilité accrue aux textures, aux odeurs… Ce phénomène de dégoût (ou néophobie alimentaire) est une période sensible, mais c’est aussi l’âge où on peut leur faire découvrir beaucoup de choses, explique Marie Le Cadre, diététicienne, responsable de la restauration et de l’entretien des écoles de Couëron. L’enjeu est de leur montrer que des plats simples peuvent être bons et appétissants. »
Éveiller la gourmandise et la curiosité
Pour lever les blocages, l’équipe avance pas à pas. « Certaines recettes ne marchent pas tout de suite, on teste, on adapte, précise Joy Drouard, responsable du service de restauration à Louise-Michel. Au début, ils détestaient le chili végétarien. Maintenant, c’est un carton. La cuillère de dégustation permet de les familiariser peu à peu. On ne force jamais, mais on les invite à goûter le maximum d’aliments. »
Pour faciliter ces découvertes, trois îlots ont remplacé la longue ligne de self de l’école Louise-Michel. Les enfants s’y servent eux-mêmes, la quantité qu’ils veulent, avant de s’installer à la table de leur choix. Des livres sur l’alimentation sont à leur disposition, ainsi qu’une vitrine pour voir à quoi ressemblent les légumineuses servies dans les assiettes : lentilles vertes ou corail, haricots, pois chiche… Pour éveiller leur curiosité, les agents municipaux proposent aussi tout au long de l’année, dans chaque restaurant, des parcours d’éducation à l’alimentation (ateliers cuisine, dégustation, rencontre avec un producteur, etc.) « La nouveauté passe toujours mieux par le jeu et le plaisir », observe Joy.

Plus de légumineuses, de bio et de local
Soutenues par Nantes Métropole, trois communes, dont Couëron, collaborent actuellement avec l’École de design pour rendre la consommation des légumineuses encore plus gourmande et ludique. Ajout de garnitures croquantes, recettes d’anniversaire à refaire à la maison… Les cantines vont étudier les idées des étudiants de près. Mais déjà, Couëron fait partie des (très) bons élèves. Engagée de longue date dans la lutte contre le gaspillage alimentaire (divisé par 2 en cinq ans) et la démarche Mon Restau Responsable, elle propose un à deux repas végétariens hebdomadaires pour tous, et tous les jours pour les enfants qui le souhaitent. En 2024, un quart des plats servis dans les cantines de Couëron étaient ainsi végétariens.
Reconnue « Territoire bio engagé », avec une surface de production orientée à près de 40 % en bio, la commune la plus agricole de la métropole - près de 30 fermes et une volonté forte de protéger ces espaces agricoles - a dans le même temps fortement augmenté la qualité de ses cantines. On y sert aujourd’hui 64 % de produits durables et sous signe qualité (Label rouge, AOC, etc.), dont 26 % en bio. Un résultat bien au-dessus de la moyenne. En 2024, selon une enquête de l’Association des maires de France, seules 18 % des communes françaises respectaient la loi Egalim qui impose un repas végétarien par semaine et 50 % de produits durables, dont 20 % de bio.
Vers un modèle local durable
Dans ce tableau, les 260 restaurants scolaires de la métropole nantaise sont globalement bien notés, avec une moyenne de 49 % de produits durables, dont plus de 27 % en bio (données 2023 pour 18 communes sur 24). Nantes Métropole les accompagne pour aller encore plus loin. « La transition vers une alimentation plus durable n’est pas simple, reconnaît Marie Le Cadre. S’approvisionner en produits frais issus de la région nécessite de modifier en profondeur le fonctionnement des cantines. Il faut avancer en douceur, accompagner les cuisiniers, dialoguer avec les familles et les producteurs pour comprendre à la fois leurs contraintes et les nôtres comme l’interdiction d’avoir une préférence locale dans les marchés publics. »
Pour lever certains freins, la Métropole a engagé, en partenariat avec le Groupement des agriculteurs biologiques (Gab44) et 14 communes volontaires, un gros travail pour identifier les fermes susceptibles de fournir les cantines et mieux planifier leurs approvisionnements en produits de saison, de qualité et en circuit court. La structuration d’une telle filière locale prend du temps, mais ça avance.
Plusieurs projets sont aussi lancés avec le Pays de Retz, Erdre et Gesvres ou la Brière. Exemple ? Le soutien à la légumerie la Fée-au-duc, à Saint-Herblain. Cet atelier de transformation de légumes, bio, locaux, lavés, épluchés et coupés, permet à de grosses collectivités comme à des petites communes de cuisiner à partir de produits bruts et sains. Une alliance gagnant-gagnant. « La Métropole doit organiser ses coopérations avec les territoires voisins pour aller vers un modèle local durable sans engendrer d’effets pervers », résume Aziliz Gouez, vice-présidente déléguée à l’alliance des territoires.
Devant leur assiette, Anissa et Rozenn ont bien compris l’enjeu de cette transition : « Les fruits et légumes qui ne font pas un long voyage, utilisent moins de pétrole et ne réchauffent pas la planète ! »
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