De la carrière au Jardin extraordinaire, petite histoire de Miséry

Publié le 25 sept. 2025

Le site de Miséry a connu plusieurs vies. De l’exploitation du granite au Jardin extraordinaire, on retrace ici six siècles d’histoire.

  • Image d'archives, en noir et blanc, de l'exploitation de la carrière Miséry, dans le Bas-Chantenay.
    L’exploitation du granite de la carrière Miséry a perduré jusqu’à la Première Guerre mondiale. © DR

L’histoire de Miséry débute dès le XVe siècle, avec l’exploitation du granit. La carrière tirerait son nom du fait qu’elle aurait servi, au Moyen-âge, de refuge à des miséreux ainsi qu'à des ermites. À la fin du XVIe siècle, les seigneurs de la Hautière en accordent la jouissance à la commune de Nantes. La pierre est utilisée pour reconstruire le pont de Pirmil et consolider les fortifications de Nantes. Elle servira plus tard à paver les rues nantaises. L'activité d'extraction ne cessera qu’en 1915.

 

En 1900, Eugène Burgelin, originaire de l'Est de la France, installe sa brasserie sur une partie du site. Cinq ans plus tard, les trois plus grosses brasseries de Nantes – Schaeffer, Rottenbach et Burgelin – fusionnent et regroupent leurs activités à Miséry. En 1906, les associés vendent une partie de leurs actions aux Brasseries de la Meuse. Leur développement est fulgurant : les brasseries vont rayonner sur 22 départements. On y innove, aussi. En 1928, le premier atelier d'embouteillage de France conditionnant la bière est mis en place à Miséry : 200 000 bouteilles sortent quotidiennement des chaînes. La main-d’œuvre est essentiellement féminine.

La fin de la brasserie « made in Nantes »

  • Photo d'archives, en noir et blanc, des Brasseries de la Meuse, dans le Bas-Chantenay.
    Le site de Miséry a accueilli une florissante activité de brasserie : ici, les Brasseries de la Meuse, sur une carte postale éditée en 1985, année où est actée leur fermeture. © DR

La brasserie est absorbée par le groupe BSN (futur groupe Danone) en 1972. Après des décennies d’activité florissante, malgré la mobilisation des salariés et les manifestations syndicales, la fermeture est décidée en 1985 : 152 salariés sont licenciés. La majeure partie des bâtiments est détruite dès 1987 et le site devient une friche urbaine. Il accueille en 1991, lors du festival des Allumées (édition Léningrad/Saint-Petersbourg), la célèbre troupe de théâtre russe Licedeï qui y présente son spectacle sur la catastrophe de Tchernobyl.

 

Les bâtiments restants sont rasés en 1995, laissant à nu la dalle de l’usine et quelques vestiges maçonnés. Le mur d’enceinte, en partie effondré, devient un support de création pour les graffeurs nantais, avec le soutien de la Ville. Celle-ci préempte le terrain en 2005. L’objectif est d’éviter la spéculation immobilière et de permettre une réflexion à plus long terme sur le devenir de ce lieu emblématique de Nantes et du Bas-Chantenay. En 2016, la décision est prise de créer un véritable Jardin extraordinaire dans ce site unique de 3,5 hectares. 

 

L'ancienne carrière démarre sa métamorphose en 2018, tandis qu’est lancé l’aménagement d’un parcours de  7 belvédères en surplomb. Après un an de travaux, l’aile ouest du Jardin extraordinaire ouvre au public le 27 septembre 2019. Avec son imposante cascade et sa végétation luxuriante, il devient le 101e jardin nantais et le 11e grand parc de la ville. Après l’abandon du projet d’Arbre aux hérons, qui devait investir l’ouest de la carrière, la Ville décide d’étendre le jardin. Les travaux sont lancés en octobre 2024. Deux ans plus tard, ce parc public aussi spectaculaire que dépaysant s’épanouit sur la totalité de la carrière Miséry. Avec de nouvelles curiosités : un bassin de baignade naturel, un parcours de via ferrata et 30 nouvelles voies d’escalade… Et toujours, cette végétation exubérante inspirée des Voyages extraordinaires de Jules Verne qui, enfant, vivait à deux pas d’ici sur la butte Sainte-Anne.