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Est-il (encore) possible de bien manger sans se ruiner ?

Actualités Publié le 04 avril 2023

Avec l’inflation, faire ses course revient de plus en plus cher. Et s’alimenter de façon saine et équilibrée vire au casse-tête quand on a un budget serré. Alors, que fait-on ? Trois experts en nutrition et en précarité alimentaire ont répondu à nos questions.

La Cocotte solidaire (île de Versailles), cantine participative et pas chère née de l’appel à projets Lieux à réinventer. Ici, les repas sont préparés en groupe, à partir de produits locaux et de saison, lors de sessions ouvertes à toutes et tous. © Christiane Blanchard pour la Ville de Nantes
La Cocotte solidaire (île de Versailles), cantine participative et pas chère née de l’appel à projets Lieux à réinventer. Ici, les repas sont préparés en groupe, à partir de produits locaux et de saison, lors de sessions ouvertes à toutes et tous. © Christiane Blanchard pour la Ville de Nantes

Quelles sont les conséquences de l’inflation sur le budget des ménages  ?

Le prix des produits alimentaires atteint un niveau jamais observé depuis 40 ans. Avec un bond de plus de 14 % entre février 2022 et février 2023 selon l’Insee,  manger équilibré devient un luxe que certains ne peuvent plus se payer. L’inflation pèse particulièrement sur les foyers modestes et les plus précaires, notamment les familles avec enfants, et provoque un report massif sur les produits discount, observe la Fédération françaises des Banques alimentaire (FFBA) dans une étude de juin 2022. « Les familles se retrouvent contraintes de choisir entre payer le loyer, se chauffer, prendre la voiture pour aller travailler ou remplir le frigo, explique Jean-Robert Leconte, président de la Banque alimentaire de Loire-Atlantique. En un an, nous avons reçu 10 % de personnes en plus. Il n’est plus rare de voir des couples qui travaillent tous les deux au Smic et qui ne s’en sortent pas. On reçoit aussi de plus en plus d’étudiants ». Confrontée, dans le même temps, à une baisse de 27 % de ses approvisionnements, la Banque alimentaire n’arrive plus à fournir. Pour faire face, elle cherche à diversifier ses approvisionnement et multiplie les collectes dans les supermarchés. N’hésitez pas à donner, si vous le pouvez.

La hausse des prix alimentaires risque-t-elle d’aggraver la malbouffe ?

C’est la crainte de nombreux experts. « Quand on est soumis à de fortes contraintes budgétaires, on s’oriente spontanément vers des aliments qui fournissent des calories bon marché comme les pâtes, les chips et les biscuits, au risque de ne pas apporter tous les nutriments protecteurs - fibres, vitamines, minéraux et acides gras essentiels - dont le corps a besoin », explique Nicole Darmon, docteur en nutrition à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae). La chercheuse a établi que le strict minimum pour composer un panier équilibré était de 3,85€/jour et par personne, avant inflation. « Avec un tel budget, pour respecter l’ensemble des apports recommandés, il faut faire des arbitrages et se tourner vers les marques distributeurs et les premiers prix, ce qui n’est pas toujours possible pour les fruits et légumes, pourtant essentiels ». Un choix pas toujours compatible avec nos modes de vie ou nos traditions culinaires. « Bien manger n’est pas qu’une question de couverture des besoins nutritionnels, rappelle Marion Gassiot, chargée de projets nutrition à la direction de la santé publique de la Ville de Nantes, il y a aussi une dimension plaisir essentielle. »

Bon moyen de manger équilibré sans dépenser plus, les légumes secs et les céréales complètes, par exemple, ne sont pas encore entrés dans les mœurs. « Les foyers font tout pour conserver la viande, pourtant plus chère. Ils ne savent pas qu’on peut tout à fait avoir une alimentation végétarienne équilibrée, même chez les enfants », indique Nicolae Darmon

Dans ce contexte, comment manger équilibré ?

Il existe des astuces pour composer un panier équilibré, sans plomber son budget : manger de saison, trouver des alternatives moins chères que la viande, privilégier le fait-maison, éviter le gaspillage… Sara Perraud, diététicienne pour l’association du Pain sur la planche, nous a livré 5 conseils. Ces astuces sont utiles, mais insuffisantes pour lutter contre la précarité alimentaire croissante, pointe Nicole Darmon : « Il ne suffit pas de mieux gérer son budget, perdre les mauvaises habitudes alimentaires et apprendre à cuisiner pour maintenir une alimentation saine et rester en bonne santé ». « Contrairement aux idées reçues, le fait-maison, par exemple, n’est pas toujours plus économique », explique la chercheuse. Si on prend en compte le coût des ingrédients et l’énergie nécessaire pour les réaliser, « la différence de prix avec un plat industriel est très faible, en moyenne 60 centimes de moins pour 4 portions. » Et si l’on ajoute le coût du temps passé à cuisiner, la différence bascule nettement en faveur du plat industriel. « Le problème est économique. Prenons-le à la racine », plaide l’experte en nutrition qui appelle de ses vœux une solution à l’échelle de l’État, comme « la création d’une véritable Sécurité sociale de l’alimentation ». Une idée soutenue par Nantes Métropole, dans le cadre de son Projet alimentaire territorial (PAT).

Existent-ils des solutions concrètes pour les petits budgets ?

« L’alimentation n’est pas qu’une question de comportements individuels, rappelle Marion Gassiot. Pour bien manger, il faut avoir une offre alimentaire de qualité accessible à toutes et tous ». C’est le sens des engagements pris en 2018 par Nantes Métropole dans son PAT. Toute l'année, de nombreuses structures, soutenues par la collectivité, multiplient les initiatives pour permettre de trouver de bons produits à petits prix : épiceries associatives ou sociales, paniers de légumes à tarifs solidaires (5€), groupements d’achats permettant de proposer des produits frais ou en vrac à prix coûtant…. Nous avons sélectionné quelques bonnes adresses dans la métropole. La Ville de Nantes porte par ailleurs une attention toute particulière à sa restauration scolaire et à la qualité des 15 000 repas préparés chaque jour. «  C’est une question de justice sociale de donner accès à une alimentation saine dès le plus jeune âge, car on sait que les inégalités de santé se construisent à cette période », souligne Marion Gassiot. D’ici 2026, l’objectif est de proposer 100 % de repas « fait-maison » dans ses 89 cantines scolaires et dans les crèches, avec 75 % de produits bio et locaux. Un engagement à portée de main : les assiettes des petits Nantais comportent déjà 70 % de  bio et 50 % de produit locaux dans les crèches municipales, 40 % de bio et 16 % locaux dans les écoles, avec deux repas végétariens proposés chaque semaine, et une option sans viande en plus pour ceux qui le souhaitent.  « La cantine est essentielle pour offrir aux enfants, une fois par jour, un repas équilibré à des tarifs adaptés au budget des familles (entre 0,85 € et 6,44 €), que nous n’augmentons pas malgré l’inflation, souligne Hervé Fournier, conseiller municipal chargé de l’alimentation. Quand elle s’est arrêtée pendant le confinement, cela mis en difficulté de nombreuses familles ». En 2022, le CCAS de la Ville de Nantes a également versé 630 000€ aux associations œuvrant contre la précarité alimentaire. Ses aides « coup de pouce » (de 60 à 125 €) ont par ailleurs été élargies, avec plus d’1 million d’euros alloués aux ménages en difficultés, notamment pour faire leurs courses.

Les Paysages nourriciers lancés à Nantes en 2020 sont-ils une réponse ?

Ces potagers solidaires ont été plantés dans les espaces verts nantais à la sortie du confinement. Frais, de saison, les légumes produits sont distribués gratuitement aux personnes dans le besoin. En 2022, ils ont permis de récolter 19 tonnes de légumes qui ont rehaussé les repas de plus de 1200 familles. Si l’initiative répond à de réels besoins, elle touche finalement assez peu de monde, reconnaît Marion Gassiot : « Les Paysages nourriciers ne solutionneront pas la précarité alimentaire, mais ils apportent plein d’autres choses. Ils permettent de sortir de chez soi, s’aérer, rencontrer du monde, autant de choses essentielles pour notre santé mentale. De la même façon, faire ses courses, près de chez soi, dans les fermes urbaines est l’occasion de se balader, passer un bon moment en famille, voir d’où viennent les aliments qui se retrouvent dans notre assiette, comment ils sont produits… ». Pour aller plus loin, et offrir des fruits en libre-cueillette, la municipalité nantaise ambitionne de planter un verger par quartier, à partir de cet automne.

Des adresses pour bien manger avec un budget serré

Entre les épiceries sociales ou solidaires, les groupements d’achats ou les applications anti-gaspi permettant de récupérer des paniers à prix cassés, il existent de nombreuses astuces pour trouver de bons produits à petits prix. Retrouvez une sélection de bonnes adresses sur cette carte.