Nous l’avons appris à l’école : la Loire prend sa source au Mont Gerbier-de-Jonc (en Ardèche) et il lui en faut des kilomètres, à cette eau-là, pour arriver jusqu’à la métropole nantaise. Sur son chemin, la Loire rencontre bon nombre d’affluents qui l’alimentent et la font grossir. À plus de 600 kilomètres de Nantes, la gestion de cette ressource vitale est assurée par deux barrages principaux, l’un à Naussac en Lozère, l’autre à Villerest dans le département de la Loire. Ces infrastructures jouent un rôle majeur pour maintenir un équilibre et répondre aux besoins écologiques et humains. N’oublions pas que deux tiers de l’eau potable consommée en Loire-Atlantique provient de la Loire et que, pour l’agglomération nantaise, cela concerne environ 550 000 habitants !
Pas assez d’eau : le soutien d’étiage
« Ces deux barrages assurent ce que l’on appelle le soutien d’étiage, c’est-à-dire qu’ils stockent l’eau en hiver et la libèrent pendant les périodes de basses eaux afin de limiter le risque d’interruption de l’approvisionnement, précise Benoît Rossignol, directeur ressource en eau à l’Établissement public Loire (EPL). La durée du soutien d’étiage varie d’une année à l’autre, mais il est souvent centré autour d’août et septembre. Nous avons observé des périodes de soutien d’étiage qui ont duré jusqu’à plus de 200 jours en une seule année, comme en 2022, ce qui est exceptionnel ! ». Les lâchers d’eau sont effectués en fonction d’objectifs fixés par l’État, avec des adaptations possibles discutées avec le Comité de Gestion des réservoirs. Celui-ci réunit les représentants des services de l’État, ainsi que des représentants des collectivités et des usagers, des agriculteurs, des industriels et des associations environnementales.
Trop d’eau : le barrage de Villerest assure
A contrario, certaines années, il faut agir en sens inverse, en réduisant le débit de l’eau pour éviter que le niveau d’eau de la Loire s’affole. L’écrêtement des crues, aussi appelé laminage des crues, est géré au barrage de Villerest. Lorsque la crue atteint son pic, il commence à stocker l’eau et, une fois le pic de crue passé, il libère progressivement l’eau stockée. « Il existe un réseau de stations de mesure des débits et des hauteurs d’eau dans les rivières, ainsi que des stations qui enregistrent les niveaux de précipitations en amont du barrage. Avec ces informations, nous déterminons les débits à laisser passer heure par heure pour écrêter au mieux la crue et réduire les inondations en aval », poursuit Benoît Rossignol.
Un maître mot : l’anticipation
Il faut plus d’une semaine à l’eau pour parcourir la distance entre les barrages et la métropole nantaise. Que ce soit en période de sécheresse ou d’afflux massif d’eau, pour réguler la quantité d’eau qui arrivera jusqu’à nous, l’anticipation est de mise. C’est là le rôle des experts de l’Établissement public Loire, basé à Orléans. « Pour nous aider dans nos prises de décision, nous nous appuyons sur des modélisations informatiques, fortes de 40 années de collecte de données, de données en temps réels et, bien évidemment, de l’interprétation humaine de ces données pour adapter les recommandations ».
La vigilance s’impose, même en période d’abondance !
Grâce aux conditions météorologiques favorables et aux précipitations particulièrement abondantes cette année, le stock d’eau des deux barrages a pu être reconstitué. « Il faut néanmoins rester vigilants, car la ressource en eau est limitée. Les études sur le changement climatique et ses impacts potentiels sur la ressource en eau montrent que nous devons nous attendre à des périodes d’étiage plus sévères et plus longues, avec une diminution de la ressource en eau disponible. Cette tendance générale nous oblige à ne pas considérer que nous avons suffisamment d’eau pour répondre à tous nos besoins simplement parce qu’une année a été plus humide ! », prévient Benoît Rossignol.