Quand on regarde l’Hôtel-Dieu depuis l’île Feydeau, difficile d’imaginer qu’il a un jour été dans le lit de la Loire. « Pourtant, au XVIIe siècle, le premier Hôtel-Dieu était situé à l’écart de la ville et régulièrement inondé, expliquent les architectes de l’agence Matin. Deux siècles plus tard, il a été reconstruit plus haut, au bord de nouveaux quais, sous forme d’un hôpital pavillonnaire. De nouveaux quartiers s’urbanisaient autour, comme l’île Gloriette. » En ce samedi ensoleillé, une vingtaine de citoyens curieux écoutent attentivement les explications des architectes, lauréats du concours d’idées Europan sur le devenir de l’Hôtel-Dieu. Une balade proposée par Nantes Métropole pour capter le point de vue des citoyens sur le futur de ce quartier, lorsque le CHU aura déménagé vers l’île de Nantes fin 2027.
Un hôpital moderne et adaptable
En 1943, les bombardements détruisent le second hôpital en totalité. « Débat pour le reconstruire : fallait-il le faire sur place ou en dehors de la ville ? A l’identique comme pour les rues de Nantes ? Ou dans les nouvelles règles de l’architecture moderne héritées de Le Corbusier ? » Les modernes remportent le débat et l’architecte Roux-Spitz - dont l’œuvre est labellisée patrimoine du XXe siècle – conçoit alors un hôpital en forme de croix sur les décombres de l’ancien. « Est-ce que vous le trouvez accueillant cet hôpital ? », demandent les architectes. « Accueillant, le mot est fort, il est plutôt austère, voire soviétique », grimacent les participants. Pourtant, en le regardant plus en détail, les architectes lui trouvent de multiples qualités : « Le bâtiment-croix, comme celui de l’université de médecine, sont construits en ossature métallique et poteau-poutre en béton, avec de belles hauteurs sous plafond à plus de 3 mètres et des façades qui ne sont pas porteuses. Ce sont donc des bâtiments réversibles, que l’on peut facilement transformer. On hérite d’une vision de la ville adaptable et modulable avec une vrai durabilité : profitons-en ! »
Retrouver le lien à la Loire, à la nature : pas si simple
Au pied du service des Urgences, le groupe rentre au cœur de la parcelle. « 95% de l’espace est aujourd'hui artificialisé, il y a même un souterrain de 500 mètres de long », expliquent les architectes. L'eau qui tombe sur le site rejoint donc le réseau d’eaux usées et non la Loire, toute proche. Au fil du temps, les espaces « libres » prévus autour du bâtiment-croix ont aussi été construits : nouvelle maternité, bâtiments de recherche, etc., coupant ainsi tout accès à la Loire. « Tout le monde voudrait ouvrir des espaces paysagers vers la Loire ou créer un parc, mais ça obligera à déconstruire des bâtiments, alertent les architectes. C’est beaucoup de déchets et un impact carbone important ». Pas de solution idéale donc, « d’autant plus que le sol est issu de déblais du bombardement : il faudrait donc apporter de la terre d’ailleurs pour espérer voir pousser quelque chose. » « Ce sont de vraies questions politiques, s’enthousiasme Thierry, l’un des participants. Et c'est intéressant parce qu’on nous associe bien en amont pour donner nos idées, avant même un projet défini. »
Alors, on garde ou on rase ?
Place au débat suite à cette visite instructive. « Faut-il tout raser ? » questionnent les consultantes de l’agence Bien Urbaines. C’est un non massif ! « En même temps, les architectes viennent de passer la visite à nous dire le contraire ! », s’amusent les participants. « Je trouvais ça très moche en arrivant, j’aurais tout rasé. La visite m’a fait changer d’avis », témoigne une habitante. « Raser a un coût écologique énorme », ajoute un autre. « Sans détruire, on pourrait plutôt ouvrir les rez-de-chaussée des bâtiments vers la Loire, vous nous avez dit qu’ils sont modulables », propose une troisième. A l'inverse, « faut-il tout recycler ? » Les participants sont plus nuancés : « Réhabiliter, c’est la meilleure manière de recycler », dit l'un d'entre eux. « Certains bâtiments, les plus modernes, ne sont peut-être pas à garder », note un autre. « Si on a des déchets, il faudra surtout se poser la question du transport fluvial ! » indique un dernier.
Déjà deux heures trente passés ensemble, il est temps de clore la visite. Chacune, chacun reste encore discuter sous le soleil : « Je n’avais jamais osé rentrer à l’intérieur du site, remarque Carole, amatrice de photo. Il y a des vues incroyables, j’y repars ! Quand ce sera vide, ce serait bien de l’animer comme avec Transfert dans les anciens abattoirs. » Audrey, elle, a vue directe sur l’Hôtel-Dieu depuis son arrivée à Nantes il y a six ans. « Ce béton que je n’aimais pas au début, j’ai appris à vivre avec. Si on me l’enlève, il va me manquer. Et puis, c’est quand même un lieu essentiel de vie : de la naissance à la mort, il n’y a pas plus humain ! » Pas de doute, cette première balade urbaine a bien permis de se plonger au cœur des questions phares de la reconversion de l’Hôtel-Dieu. Suite de la démarche dans les prochaines semaines !
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