Vélo : c'est pourquoi qu'on freine ?

Publié le 22 sept. 2025

Dernière mise à jour 22 sept. 2025

Comment doubler le nombre de cyclistes d’ici 2030 dans la métropole nantaise ? Axel Lambert (FUB) et Joaquim Henry (Cerema), analysent nos freins à la pratique et les pistes pour lever les résistances.

  • Lors du Vélotour 2025 © Romain Boulanger

Selon l'enquête nationale de 2023 sur la pratique du vélo, 31 % des cyclistes réguliers sont des hommes contre 19 % de femmes. Comment l’expliquer ?

Axel Lambert, chargé de plaidoyer à la Fédération des usagers de la bicyclette (FUB) : « Encore aujourd’hui, hommes et femmes n’ont pas les mêmes activités quotidiennes et donc pas les mêmes mobilités. Les femmes ont des trajets plus séquencés : elles se déplacent plus, avec plus de points d’arrêt. Cela suppose peut-être, pour elles, de s’équiper avec un vélo différent. Ensuite, le rapport au risque est différent entre hommes et femmes. On en vient à la question centrale qu'est l’aménagement : l’enjeu, c’est bien que personne ne prenne de risque ! »

 

Joaquim Henry, chef de projets au Cerema (Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement) : « On répond au sentiment d’insécurité routière d’abord par les aménagements structurants : des voies larges, la séparation avec les flux piétons et/ou véhicules motorisés, le traitement des pentes… Le schéma directeur des itinéraires cyclables mis en place à Nantes est intéressant pour cela. Les intersections, les carrefours restent le plus complexe et c’est sur cela qu’il faut se pencher. Les modes de déplacement peuvent cohabiter, mais avec des vitesses très apaisées. »

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On répond au sentiment d’insécurité routière d’abord par les aménagements structurants : des voies larges, la séparation avec les flux piétons et/ou véhicules motorisés, etc.

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Joaquim Henry, chef de projets au Cerema

Qui sont aujourd’hui les cyclistes potentiels, celles et ceux qui restent à convaincre ?

Axel Lambert : « Les études nous disent que, globalement, 10 à 15 % des Français utilisent très régulièrement leur vélo pour se déplacer, et à l’inverse, une proportion identique n’en fera jamais. Au milieu, il y a tout un éventail de gens plus ou moins à l’aise. Pour qu’ils se décident à pratiquer au quotidien, il faut que soient réunis un ensemble de facteurs, d’ordre individuels, comportementaux. »

Quels sont ces facteurs qui favorisent la pratique ?

Axel Lambert : « D’abord, la maîtrise du vélo. Se déplacer au quotidien, c’est savoir aborder un environnement en mouvement, cohabiter avec d’autres modes de déplacement, il faut de l’hypervigilance. Le rôle des vélo-écoles est crucial pour lever ces freins. Ensuite, il y a l’accès au matériel – la présence de points de vente, de vélocistes – et l’accessibilité financière, d’où l’importance des coups de pouce financiers des collectivités et de l’État. Pour ce qui est des vols, et même si la moitié se produisent en fait dans des stationnements privés comme les cours d’immeuble, la puissance publique doit proposer des solutions de stationnement sécurisées. »

 

Joaquim Henry : « Sur ce point, Nantes fait plutôt bien les choses. La question, maintenant, c’est de savoir si on passe à des niveaux de sécurité supérieurs, par exemple un gardiennage ? Les solutions doivent rester simples et pratiques. »

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Le scénario où tout le monde se déplace en voiture ne marche plus, parce que ça prend trop de place en circulation et en stationnement.

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Axel Lambert, chargé de plaidoyer à la FUB

Qu’en est-il des représentations, de l’image du vélo ?

Axel Lambert : « Outre les idées reçues sur sa dangerosité, le vélo est souvent associé à une activité sportive intense – c’est l’image que véhicule le Tour de France par exemple. On imagine que c’est fatigant, alors que c’est en fait une activité très modérée… À côté de cela, il faudra à un moment résoudre l’hégémonie culturelle de la voiture au profit des autres solutions de déplacement. Dans le modèle que nous promouvons à la FUB, elle sera toujours là mais à une juste place. On a aujourd’hui trop de voiries faites uniquement pour la voiture, et cela contraint les alternatives. »

 

Joaquim Henry : « Si un usager a le choix, il va choisir le mode de déplacement le plus pratique pour lui. C’est ce qu’on appelle pompeusement la "concurrence modale". Donc si l’on veut privilégier certains modes vertueux, comme le vélo, il faut contraindre les moins vertueux et donner des alternatives. Ce sont des choix politiques. Le scénario où tout le monde se déplace en voiture ne marche plus, tout simplement parce que cela prend trop de place, en circulation et en stationnement. Le vélo lui, n’est ni bruyant ni polluant, il est bon pour la santé, il n’est pas dangereux, prend peu de place, coûte moins cher que des transports en commun. D’un point de vue sociétal, c’est le mode de déplacement le plus intéressant. »