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Comment rendre fertile la terre extraite des chantiers urbains ?

Actualités Publié le 09 décembre 2021

Une expérimentation de « renaturation » de terres excavées des chantiers de construction est menée depuis le printemps sur l’île de Nantes. Objectif ? Réutiliser cette ressource locale pour aménager les futurs parcs du sud-ouest de l’île, plutôt que d’importer de la terre végétale.

Un jardin expérimental de 800 végétaux a été planté en mars 2021 sur l’ancien parking du Karting, rue Saint-Domingue. © Rodolphe Delaroque.
Un jardin expérimental de 800 végétaux a été planté en mars 2021 sur l’ancien parking du Karting, rue Saint-Domingue. © Rodolphe Delaroque.

Chênes, érables, aulnes, peupliers, saules, sureaux, noisetiers… Depuis le mois de mars 2021, 800 végétaux  prennent racine sur l’ancien parking du Karting, rue Saint-Domingue. « C’est un jardin expérimental », explique Olivier Hughes, à la Samoa, la société publique chargée de l’aménagement de l’île de Nantes. Plantés sur un mélange de sable et de limon argileux extraits du chantier de l’École de design tout proche, et amendé par du compost produit localement, ces végétaux vont être auscultés pendant trois à quatre ans. « On teste différents mélanges. On regarde quelles essences s’adaptent le mieux, on mesure la qualité du sol, son humidité, l’activité biologique qui s’y développe…», ajoute Gabriel Mauchamp, de l’agence de paysage Osty et associés. Objectif ? Voir s’il est possible de revitaliser les terres peu fertiles, extraites des chantiers de construction en cours sur l’île, pour permettre ensuite à la nature de s’y développer.

« La terre végétale va se raréfier »

« On a besoin d’apports importants en terre végétale pour réaliser les futurs espaces verts et parcs de l’île », indique Gabriel Mauchamp. Entre le parc de Loire qui sera aménagé au niveau du quai Wilson, la boire Sainte-Anne et les Jardins de l’estuaire, prévus entre le Hangar à bananes et le nouveau quartier République, 24 hectares d’espaces aujourd’hui bitumés doivent être « renaturés » d’ici 2040. Pour les faire pousser,  l’île de Nantes ne manque pas de terre. Les nombreux chantiers en cours, autour du quartier République notamment, constituent un gisement important. « L’idée est de réutiliser au maximum les sols présents sur place, pour éviter d’avoir à les évacuer, et limiter l’importation de terre végétale », résume Thomas Quéro, adjoint au maire de Nantes en charge de l’urbanisme durable.

« Jusqu’à présent, on s’est peu soucié du sol », déplore Mahel Coppey, vice-présidente de Nantes Métropole chargée des déchets et conseillère municipale en charge de l’économie circulaire. Les terres excavées sur les chantiers étaient déplacées pour servir de remblai, ou mises en décharge en cas de pollution, et on faisait venir de la terre végétale, prélevées sur les terres agricoles, pour végétaliser les villes. « On veut casser cette logique afin de réduire l’empreinte carbone du projet urbain et mettre en place une vraie démarche d’économie circulaire », insiste l’élue. Avec à la clé, moins de camions en circulation, donc moins de pollution et de nuisances sonores. Cette ressource ne reviendra pas moins cher dans l’immédiat, mais elle est plus écologique, insiste Mahel Coppey. Et la démarche pourrait s’avérer économique sur le long terme. « Il est fort probable que le prix de la terre végétale explose dans les années à venir, en raison de la raréfaction des ressources et des politiques de préservation des terres agricoles ».

Objectif : "renaturer" 100 000 m³ de terre

La Samoa estime que 100 000 m³ de terres rendues à nouveau fertiles permettraient de couvrir 70 % des besoins des projets paysagers de l’île de Nantes pour les dix ans à venir. Mais encore faut-il vérifier que l’on peut redonner vie à ces sols appauvris par des décennies d’activités industrielles. C’est tout l’enjeu du test, lancé pour commencer sur 500 m³ de sable et de limon extraits du sous-sol de la future École de design.

« Nous avons réalisé six planches d’essai, avec des mélanges de terres différents pour reproduire un sol naturel, précise Sylvain Rullier, spécialiste de la reconstitution des sols chez Sol Paysage, bureau d’études missionné par la Samoa pour suivre cette expérimentation. L’une d’elle, constituée uniquement de terre végétale importée, nous sert de planche témoin. » Objectif : confirmer les propriétés humides et séchantes des différents sols, leurs qualités agronomiques (pH, calcaire, présence de vers de terre et d’insectes…), et bien sûr le bon développement des végétaux. « On utilise des sondes pour mesurer le développement racinaire dans le sol et en surface, la pousse des branches et des feuilles, le nombre de bourgeons ». Les mélanges qui fonctionnent le mieux seront réutilisés à grande échelle dans les futurs espaces publics et parcs du quartier. « L’enjeu est de recréer de la biodiversité et mettre en place une palette végétale robuste, avec des plantes bien adaptées aux bords de Loire, nécessitant peu d’entretien et d’arrosage, précise Gabriel Mouchamp. La nappe phréatique est à moins de 4 mètres sous nos pieds. On veut notamment tester la capacité des différents végétaux à aller chercher cette réserve en eau, qui est l’une des richesses de l’île de Nantes ».

Les premiers résultats de ce test à ciel ouvert sont rassurants. « Il y a assez peu de différences d’une planche à l’autre, la terre végétale ne semble pas plus qualitative que nos sols refertilisés », constate Sylvain Rullier. Mais patience ! « Il faudra trois ans au minimum pour étudier de manière fiable la reprise des végétaux ». Pour consolider les observations, l’expérimentation sera étendue en 2022 à 10 000 m³ de sables et limons provenant des premiers chantiers de construction du futur quartier République. Une fois mélangé à du compost, ce substrat servira de terreau au Jardin du rail qui amorcera le futur Parc de Loire, à l’horizon 2023-2024 sur les anciennes voies ferrées situées derrière le Hangar à bananes.