« On remarque une montée en puissance des enjeux de l’alimentation. Notre territoire a un coup d’avance sur ces questions, mais il ne faut pas se reposer sur nos lauriers et continuer d’avancer. » C’est de cette manière que Johanna Rolland, la présidente de Nantes Métropole, a ouvert la dernière séance du Conseil métropolitain des acteurs de l’alimentation (CMAA), jeudi 1er juin 2023. Le CMAA lui a, à cette occasion, remis son rapport sur le « suivi évaluatif du Projet alimentaire territorial ».
Rembobinons un peu pour comprendre de quoi il s’agit. En 2018 et 2019, Nantes Métropole adopte son Projet alimentaire territorial (PAT). Cette feuille de route engage l’ensemble de la filière alimentaire vers un modèle d’alimentation durable et vise à structurer le territoire pour répondre aux enjeux du changement climatique, de la santé, de la précarité alimentaire et de la reconquête de la biodiversité. Déclinant 71 objectifs opérationnels chiffrés et 30 engagements, elle s’est coconstruite avec les acteurs du territoire, rassemblant plus de 500 personnes au total. De fin 2019 à 2023, 22 d’entre elles ont fait partie du CMAA, une instance de gouvernance ouverte. Son objectif ? Suivre la mise en œuvre du PAT, veiller à la cohérence des actions engagées et formaliser des avis sur celles-ci. On y retrouve des acteurs travaillant dans la distribution, la transformation ou la consommation. Le conseil a néanmoins indiqué regretter l’absence d’agriculteurs. Trois chantiers prioritaires ont ainsi été passés au crible : l’agriculture, l’accessibilité alimentaire et la sensibilisation et le PAT à l’école.
Chantier 1, l’agriculture
Le CMAA a salué le volontarisme pour maintenir le foncier agricole sur le territoire, alors même que la Métropole est très attractive et connaît une forte pression foncière. Concrètement, depuis 2016, les surfaces agricoles de la métropole se sont stabilisées, avec 14 865 hectares de surfaces de production. Un des objectifs du PAT est que la Métropole accompagne au moins 5 à 10 installations agricoles par an. Depuis 2018, 45 porteurs de projets ont ainsi été accompagnés et 16 installés sur le territoire. Le conseil appelle à poursuivre et accélérer ces installations.
Côté avancées mitigées, le déploiement de l’agriculture bio. « Les objectifs d’une ferme sur deux certifiée AB ou en conversion et 50 % de la surface agricole exploitée en 2025 ne sont pas encore atteints. Nous pensons qu’il est primordial de maintenir le cap et de ne pas les revoir à la baisse, même dans un contexte économique d’inflation, puisque l’on a vu que les prix du bio pour le consommateur augmentaient moins vite que les prix des produits conventionnels », indique Sara Perraud, diététicienne de l’association d’éducation pour la santé Du Pain sur la planche, chargée de représenter les positions du CMAA.
La question de la transmission agricole, problématique majeure, a aussi été évoquée, ainsi que le manque d’attractivité de l’élevage, contrairement au maraîchage. « Nous estimons que des actions seront aussi à mener sur la filière légumineuse, dont le développement est inéluctable pour compenser la baisse nécessaire de la consommation de viande. » Les problématiques d’accès à l’eau – pour les cultures, l’élevage, mais aussi les habitants – sont également apparues au fil des discussions du CMAA, en lien avec les sécheresses récurrentes.
Globalement, la gouvernance du PAT a été questionnée et les membres du CMAA appellent à mieux la définir pour des actions bien coordonnées entre l’échelle des communes et celle de la métropole.
Chantier 2, accessibilité alimentaire et sensibilisation
« La question de la précarité alimentaire, si elle était déjà bien présente, est devenue bien sûr beaucoup plus importante au fil des mois et de nos échanges, au vu du contexte. Et elle va malheureusement perdurer. Il faut donc absolument que le PAT garde le cap quant à la lutte contre les inégalités et les actions liées à l’accessibilité », développe Magalie Mbewa-Bondu, autre membre du CMAA, responsable accompagnement précarité alimentaire de la Banque alimentaire de Loire-Atlantique.
Le CMAA a ainsi salué les avancées sur l’accès à la commande collective en filière locale, notamment via le réseau Vrac. « L’objectif prévu de 200 foyers est largement atteint, et même doublé, puisque 400 ont adhéré au réseau dans les quartiers dits prioritaires », poursuit Sara Perraud. Le fait que les acteurs coopèrent de façon fluide au sein de la plateforme du MIN a été souligné : 17 associations récupèrent à ce jour des produits.
Parmi les nouvelles actions suggérées : mieux identifier et cibler les publics, notamment les étudiants, le milieu hospitalier et les Ehpad, ainsi que le public carcéral.
Sur la question de la sensibilisation, l’objectif de la campagne d’information du consommateur quant aux étiquetages et labels n’a pas encore été mis en place. Le CMAA recommande de sensibiliser d’abord le public sur d’autres sujets : la saisonnalité, la localité et la qualité du produit (mode de production, qualité nutritive…). « Nous notons par ailleurs le succès des défis alimentation, qui poussent les foyers à mieux connaître l’origine des aliments qu’ils consomment, à augmenter la part de bio et de local dans leurs achats… Plusieurs continuent ensuite à s’investir sur les questions alimentaires, via les Paysages nourriciers ou des associations, ce qui est une très bonne chose », souligne Sara Perraud.
Chantier 3, le PAT à l’école
L’une des grandes avancées notables concernant l’entrée du PAT dans les établissements scolaires – de la maternelle au lycée –, c’est l’approche par le gaspillage alimentaire. Essentielle selon le CMAA pour agir très concrètement aux différentes étapes du circuit alimentaire. Dans son rapport, le conseil estime que la collectivité doit être attentive à la place du don des produits, mais aussi à celle des déchets organiques qui n’est pas encore assez traitée car complexe.
Il note aussi que la gestion du gaspillage est très diverse selon la gestion de la restauration : directe ou confiée à un prestataire. L’idée serait que Nantes Métropole puisse réduire cet écart en trouvant des solutions adaptables quel que soit le système de gestion, et que le PAT intègre des actions pour aider les communes volontaires à passer en régie directe. Cela permettrait de favoriser l’approvisionnement local.
Parmi les nouvelles actions ou objectifs à mettre en œuvre, le CMAA insiste sur le fait d’intégrer davantage les enjeux de santé via l’alimentation à l’école. « La restauration scolaire est un levier d’action pour toucher un maximum d’enfants, quel que soit le milieu social », lit-on dans le rapport.
Un travail sur l’aménagement et l’ambiance des cantines scolaires (moins de bruit, lieux plus agréables) serait aussi souhaitable.
Sur le sujet des cantines, Laure Bulteel, directrice du Groupement des agriculteurs bio de Loire-Atlantique, alerte sur le fait que de plus en plus de communes se désengagent sur une partie de leurs achats de produits bio. Johanna Rolland réaffirme « la volonté politique de la collectivité de maintenir la commande locale et bio, pour que le bio ne devienne pas la variable d’ajustement des budgets ».
Rendez-vous en octobre 2023
Les élus présents lors de cette séance soulignent l’importance et la qualité du travail réalisé par le CMAA. La meilleure intégration des questions de santé, tout comme celle de la place des citoyens dans le PAT, est plusieurs fois soulevée. En octobre 2023, les actions alimentation et agriculture seront revues en conseil métropolitain et Nantes Métropole apportera des réponses formelles aux travaux menés par le CMAA.
Consultez le rapport du CMAA en PDF.