Les temps sont durs pour la culture et les artistes. L’inflation a renchéri le coût des spectacles et freine les dépenses du public, le Covid a modifié les habitudes des spectateurs et les a parfois durablement éloignés des sorties culturelles, certaines subventions ont été réduites... Au niveau national, l’Association des professionnels de l’administration des spectacles prévoit une baisse d’un quart des représentations pour la saison 2024-2025. 22 % des artistes qu’elle a interrogés lui ont confié songer à arrêter. 40 % des compagnies pensent également qu’elles ne parviendront pas à maintenir les emplois du personnel administratif. « Un doute fondamental s’est installé chez les politiques et, conséquemment, dans les médias et la société, sur l’utilité de la culture, indiquait Eric Ruff dans une interview au Monde. Pourtant, la culture, ça sert à se mettre en connexion avec la complexité du monde, avec des réponses qui ne sont pas des éléments de langage, avec des équations qui sont riches, posées. »
Si la culture fait vivre le débat dans l’espace public et crée du lien entre habitants, elle est aussi une économie a part entière. Selon le ministère de la Culture, 1 € investi dans la culture entraînerait 6 € de retombées économiques. En Pays de la Loire, région concernée par des coupes budgétaires sans précédents, plus de 2 400 emplois sont directement menacés, selon une enquête flash réalisée par le Pole des arts visuels en décembre 2024. Cette année, a l’échelle de la métropole, ce sont prés de 5 M€ de pertes (aides aux projets et subventions) qui n’ont pu être compensés. Et les conséquences se font déjà sentir : nombre de spectacles en baisse, actions de médiation resserrées, contrats non reconduits dans les structures...
Favoriser les pratiques artistiques amateures
Dans ce contexte morose, Nantes insuffle une dynamique a contre-courant. En 2024, on dénombre une cinquantaine de festivals et plusieurs milliers d’événements culturels dans tous les quartiers, dont beaucoup de propositions gratuites ou a petit prix. La Ville favorise la diversité de l’offre, par la création de lieux dédiés à la pratique et la diffusion des œuvres culturelles, à l’image des Petites Ecuries (arts du feu et du faire) qui ouvrent leurs portes en mai. Elle engage également un soutien financier important à destination de 428 structures (compagnies et associations culturelles), pour amener la culture au plus près des habitants. Et elle encourage les pratiques amateures sous toutes leurs formes, notamment à travers un mois dédié qui se déroulera cette année du 1er juin au 7 juillet. « Cette diversité, c’est ce qui fait la richesse de Nantes, conclut Nicolas Cardou, directeur culture et arts dans la ville. Mes homologues me le disent souvent : ça n’a pas d’équivalent dans d’autres villes. C’est un acquis à préserver. »
« Ce n’est pas pour moi » : des freins qui demeurent
Aider les artistes à développer leurs projets est une chose. S’assurer que leur travail rencontre un public en est une autre. Sur ce point, des efforts restent à mener pour lever les freins à la culture. Freins financiers, d’abord, même si des actions ont été entreprises ces dernières années, avec la création de tarifs préférentiels – voire la gratuité – pour les personnes aux faibles ressources. Freins géographiques, ensuite, avec une surreprésentation du centre-ville dans les propositions. Mais aussi et surtout, des freins symboliques. C’est le fameux « ce n’est pas pour moi ». « Il y a d’importantes disparités dans la fréquentation des établissements culturels qui renvoient essentiellement à des différences de diplômes, plus que de revenus, note le sociologue Olivier Donnat. Autrement dit, la première barrière d’accès à la culture n’est pas économique mais plutôt socio-culturelle ».
Pour lever cet obstacle, Nantes développe des propositions comme les résidences de territoire, faisant collaborer artistes et habitants, à l’image de celles réalisées actuellement au Breil, à Beaulieu ou à Nantes-Nord. Ou développe des dispositifs innovants, à l’instar de Connivences, qui permettent de tisser des liens entre un quartier nantais et une structure culturelle. Ces actions se poursuivront car l’enjeu est de taille dans une société de plus en plus fragmentée et « archipelisée ». « L’idée derrière tout ça est de créer une ville de la proximité culturelle, souligne Émilie Bourdon, conseillère municipale déléguée aux pratiques émergentes. Nous avons cette responsabilité : permettre à tous les habitants de vivre des rencontres artistiques et découvrir la diversité culturelle. »
En chiffres
785 000
visiteurs (+ 57 % par rapport à 2022) à la Bibliothèque de Nantes et 2 millions de prêts comptabilisés en 2024.
5%
soit 715 000 € supplémentaires : augmentation prévue des subventions de fonctionnement pour les acteurs culturels dans le budget 2025.
20 000
spectateurs aux Scènes vagabondes 2024, festival de spectacle vivant gratuit, porté par la Ville de Nantes.
Comment la Ville soutient-elle les acteurs culturels ?
Aymeric Seassau, adjoint à la culture : « De la mise en place de la gratuité des bibliothèques à la grande parade de Royal de Luxe à Bellevue et dans les rues du centre-ville, des 30 ans de la Folle Journée à l'ouverture de la Libre Usine à Malakoff, les arts et la culture ont continué ces dernières années à se déployer dans leur infinie diversité pour toutes les Nantaises et tous les Nantais. Cela a été le cas malgré les crises multiples que nous avons traversées en soutien et aux côtés des artistes et de toutes les équipes culturelles. Nous sommes fiers aujourd'hui de demeurer cette grande ville de culture qui continuera de défendre la liberté de création et de programmation comme l'accès de chacune et de chacun aux propositions sensibles des artistes ou aux pratiques artistiques. »
Alassane Guissé, conseiller municipal délégué à la coopération décentralisée : « Dans ses projets de solidarité internationale, Nantes investit dans la culture pour encourager le dialogue et renforcer les liens avec ses partenaires, à l’image de la Maison des Arts à Rufisque au Sénégal. Ces projets enrichissent les communautés et promeuvent des valeurs de paix, de solidarité et de partage. »