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Soyuuz, toutes guitares dehors

Publié le 22 octobre 2024

Projet inclusif de l’association Handi’ArtMix, le groupe Soyuuz vient d’enflammer coup sur coup Stereolux, le grand festival parisien Rock en Seine, et le Ferrailleur. Auteur d’un premier album remarqué en mai dernier, le groupe nantais grandit en même temps que chacun de ses membres, avec en ligne de mire la sortie de nouveaux morceaux d’ici la fin de l’année.

La photo montre un guitariste devant un micro, et derrière lui un autre guitariste lui mettant la main sur la nuque en signe d'encouragement
Darell Nassur et Jérome Marquet du groupe Soyuuz à Rock En Seine © Carmen Marquet

Aussi bizarre que ça puisse paraître, le silence règne à l’intérieur du studio Terminus 3 de Saint-Herblain. L’attention est soutenue et tous les regards se portent sur Darell, paroles de la chanson à la main, casque sur les oreilles, debout devant le micro. La musique part et Darell pose sa voix sur les pistes de guitares et de claviers enregistrées la semaine précédente par ses collègues. Malgré ses difficultés d’élocution, Darell réussit sa première prise. « Tu veux en faire une deuxième Darell ou c’est ok pour toi ? » lui demande Jérôme Marquet, musicien et ancien éducateur en charge du projet Soyuuz pour le compte de l’association Handi’ArtMix.

Darell enchaîne une seconde prise avant de confier son admiration pour le groupe Placebo « je suis fan, je les ai vu deux fois en concert. Le chanteur Brian Molko m’influence beaucoup, j’ai même eu l’occasion de lui parler et de dire que je faisais de la musique dans un groupe ! ».

KubE, Soyuuz, repousser les limites ensemble

Le groupe c’est Soyuuz, un projet qui existe depuis 2017 et qui compte aujourd’hui 7 membres en situation de handicap physique. « Plusieurs des membres du groupe faisaient parti du projet musical KubE, lié à l’institut de la Marrière1. Si KubE est un groupe pédagogique à géométrie variable, Soyuuz lui est un groupe à part entière » explique Jérôme Marquet.

Le groupe est né comme un défi. Une volonté de repousser les limites, de montrer qu’il est possible de faire du rock malgré des handicaps lourds. Pourtant rien n’est simple comme l’explique Jérôme Marquet : « les conservatoires et écoles de musiques freinaient des quatre fers en disant que ça n’était pas possible ! On montre chaque jour que si, que l’on peut créer des passerelles entre le monde du handicap et celui de la musique. »

Soyuuz à Rock en Seine

Sur la photo on peut voir deux personnes en fauteuil roulant électrique jouant de la guitare sur une scène de concert ensoleillée
© Carmen Marquet
La photo d'un concert vu du fond de la scène, avec un batteur en action, un bassiste et un guitariste vu de derrière, en fond un public nombreux qui danse sous le ciel bleu
© Carmen Marquet
photo de deux membres du groupe jouant du pad et du clavier, assis, l'un sur un tabouret, l'autre dans un fauteuil roulant
© Carmen Marquet

Des instruments adaptés, les morceaux aussi

Pour cela il faut que tout soit réfléchi à l’avance. Les instruments sont adaptés, claviers, boites à rythme ou guitares. « Kyro a un code couleur sur son clavier pour se repérer, tout comme Clément sur son pad, pour pallier à ses gros problèmes de vue. Martin lui a un support sur lequel sa guitare électrique est posée. Avec un gros médiator, il peut donc jouer sur l’instrument à plat sur la tablette de son fauteuil roulant » détaille Jérôme.

Si l’adaptation est indispensable pour les instruments, elle est également primordiale pour la manière de fonctionner en groupe. « L’objectif affiché est de commencer le morceau ensemble, et de le terminer ensemble » explique Jérôme Marquet. Avec les problèmes de déficience motrice cérébrale rencontrés par plusieurs membres du groupe « il y a une nécessité de ne pas avoir des morceaux trop complexes, l’objectif est que chacun soit autonome avec son instrument, de repérer la construction du morceau, de tenir le tempo du début à la fin. » Si c’est l’éducateur lui-même qui écrit les paroles et les arrangements, les compositions sont créées collectivement en studio et chacun y met du sien.

Post-punk et handicap

Des groupes de post-punk avec des membres en situation de handicap, il en existe d’autres, comme les très en vogue Astéréotypie, passés par la Barakason de Rezé en 2023. Pourtant, il est difficile d’exister pour Soyuuz comme le rappelle Jérôme Marquet : « Astéréotypie a créé un appel d’air et mis en visibilité le handicap psychique et cognitif, mais le handicap moteur fait encore peur, c’est difficile pour nous d’exister et de trouver des dates ».

Malgré les embûches, Soyuuz trace sa route avec un premier album sorti le 30 mai 2024 intitulé « Message from Soyuuz » et quelques très beaux concerts. Des concerts qui ont permis à tous les membres de s’amuser sur scène mais pas seulement, puisque comme le dit fièrement Clément « on est payé pour nos concerts, on a tous un contrat de travail ! »

Alors que le Studio Terminus 3 se referme, Soyuuz semble avoir mis un pied dans la porte pour se frayer un passage dans les bruyants méandres du post-punk nantais.

 

1 L'institut de la Marrière est un Institut d'éducation motrice (IEM) géré par APF France Handicap. C'est un établissement médico-social qui propose un accompagnement, des soins et des dispositifs de scolarisation à des jeunes en situation de handicap moteur jusqu’à 20 ans.

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